Réintégration arabe de la Syrie: quel impact sur le Liban?
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Les différentes parties libanaises ont le mérite d’être conséquentes avec elles-mêmes, concernant leur lecture de l’impact sur leur pays du retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe, après plus d’une décennie de suspension. Cette réintégration de Damas, annoncée dimanche lors de la réunion des chefs de la diplomatie des pays arabes au Caire, est ainsi présentée par le clan pro-syrien comme «une victoire» de son allié politique.
En revanche, le camp souverainiste s’interroge sur le bien-fondé de cette réadmission, réclamant le respect par la Syrie de plusieurs conditions précises et mettant en garde contre une «réhabilitation» du régime de Bachar el-Assad. Les partis souverainistes soulignent dans ce cadre que l’annonce de la Ligue arabe ne change en rien leur contentieux avec le régime syrien, qui date d’avant la suspension il y a onze ans et demi de l’adhésion de Damas à la Ligue après la répression sanglante des manifestations contre Bachar el-Assad.
Au-delà de cette approche divergente, l’ensemble des partis politiques libanais s’accordent sur le fait que cet événement s’inscrit dans le cadre des récents changements régionaux, et annonce d’autres développements.
Les FL: Imposer des conditions au régime
«Ce retour aura plus d’impact sur la Ligue elle-même que sur le Liban», souligne une source proche des Forces libanaises. «Nous avons fait face, parfois militairement, au régime syrien lorsqu’il occupait le Liban avec la bénédiction de certains pays arabes, et lorsque nous l’avons expulsé de notre territoire, il était membre de la Ligue arabe», rappelle-t-on dans les mêmes milieux.
«Que le régime syrien se trouve au sein de la Ligue, ou hors de cette organisation, notre opposition reste la même vis-à-vis de sa façon de traiter le Liban, de ne pas respecter ses frontières et sa souveraineté, de mettre la main sur ses richesses et de l’utiliser comme une plate-forme pour adresser des messages ou comme base de trafic d’armes ou de captagon», relève la source FL.
Cependant, dans les milieux FL, on s’interroge sur la justesse de la décision prise par la Ligue arabe de réintégrer le régime syrien. «Est-ce un retour de la Syrie ou une réhabilitation du régime, alors qu’il est poursuivi pour crimes contre l’humanité? Il faudrait imposer à ce régime, qui ne respecte ni ses engagements ni les traités, plusieurs conditions qu’il devrait remplir dans un délai déterminé sous peine d’une nouvelle suspension», martèle-t-on dans ces milieux. Parmi ces conditions, notamment, «une démocratisation de la vie politique, des élections présidentielles et le retour en toute sécurité de tous les réfugiés poussés à l’exode par le régime syrien, surtout ceux qui se trouvent au Liban».
Le parti Kataëb : Aucun impact
La position du parti Kataëb converge avec celle des FL sur plusieurs points, notamment le fait que la relation avec le régime syrien est totalement dissociée de la présence de Damas, ou pas, au sein de la Ligue arabe. «Plusieurs dossiers en suspens avec le régime syrien n’ont toujours pas été réglés, et sa réintégration au sein de l’organisation ne change rien à cela », selon une source Kataëb.

D’après elle, le retour de Damas ne renforce par un camp libanais, en l’occurrence celui du 8 Mars, aux dépens d’un autre, à savoir les partis souverainistes. Une opinion partagée par les Forces libanaises, qui estiment, selon la source précitée, qu’à l’inverse, «c’est le 8 Mars, mené par le Hezbollah, qui renforce la Syrie et affaiblit le Liban en ne respectant pas les frontières et la souveraineté libanaises».
«Le retour n’aura aucun impact non plus sur le dossier de la présidentielle», d’après les sources FL et Kataëb. Dans ce contexte, des observateurs précisent, qu’au contraire, le candidat appuyé par le Hezbollah et le mouvement Amal, le chef des Maradas Sleiman Frangié, «est en perte de vitesse après le retrait par les Français de leur initiative, qui a soulevé un grand tollé».
Joumblatt: Un Titanic pour le peuple syrien
Le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, qui avait déjà exprimé dimanche, à sa façon, son mécontentement suite au «retour du régime» syrien à la Ligue arabe, est revenu à la charge lundi. Il s’est demandé, dans un tweet, si le peuple syrien avait été consulté au sujet de ce retour. Après avoir lui-même répondu «non, bien sûr», il a ajouté, ne mâchant pas ses mots: «La Ligue arabe est à l’image du Titanic, emmenant ce peuple vers un naufrage certain, après avoir redonné au régime sa légitimité. Ceux qui ont échappé à la torture, à la prison et à l’exode seront éliminés par le tendre giron (arabe). Avez-vous jamais consulté les peuples?»
La position de Walid Joumblatt, qui avait été l’un des principaux leaders du mouvement du 14 Mars, farouchement opposé au régime de Bachar el-Assad, est nettement différente de celle de Talal Arslane. L’ancien député druze, proche du régime syrien, a fait lundi l’éloge de Damas, estimant que son retour au sein de la Ligue est une «victoire» pour la Syrie et pour les Arabes.
Le 8 Mars applaudit la «victoire»
Tout comme M. Arslane, l’ambiance au sein d’autres composantes du 8 Mars, notamment le Hezbollah et le mouvement Amal, est plutôt à la célébration de ce retour, «et de tout rapprochement arabe». Plusieurs sources parlementaires ne cachent pas leur satisfaction, prévoyant que cette «victoire» sera suivie d’autres, notamment l’élection du candidat appuyé par ce camp, Sleiman Frangié. Le fils de ce dernier, le député Tony Frangié, a d’ailleurs commenté le retour de Damas, évoquant la «victoire de tous ceux qui croient dans l’ouverture, la modération et l’arabisme».
Le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, qui s’est félicité dimanche de la décision de la Ligue arabe, a, lui aussi, utilisé le terme «victoire politique», assurant que le Liban y a contribué.
Le message repris par plusieurs de ces sources est qu’après le retour de la Syrie à la Ligue, «les responsables libanais n’ont plus aucune excuse pour ne pas engager un dialogue avec le régime syrien». D’après elles, ce dialogue permettra spécifiquement de résoudre la crise des réfugiés syriens.
Mais l’important, selon des sources souverainistes et du changement, est que ce dialogue se fasse sur base d’une relation officielle entre deux États, d’égal à égal, et que Damas ne tente pas de réimposer sa tutelle sur le Liban. Idéalement, un tel dialogue devrait permettre, outre le retour des déplacés syriens, un contrôle des frontières et le règlement de plusieurs dossiers économiques. Le Liban pourrait également bénéficier de la reconstruction de la Syrie, étant un point de passage obligé à cet égard.
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