L’actrice française Emmanuelle Béart dévoile dans un documentaire bouleversant, Un silence si bruyant, son propre vécu d’inceste durant son enfance. Le film, qui sera diffusé le 24 septembre sur M6, est plus qu’une confession personnelle: c’est un appel à briser le tabou autour de l’inceste et des violences sexuelles contre les enfants.
L’actrice Emmanuelle Béart révèle publiquement avoir été victime d’inceste entre ses 10 et 14 ans dans un documentaire qu’elle a coréalisé avec Anastasia Mikova, intitulé Un silence si bruyant. «Son agresseur n’était pas Guy Béart», son père chanteur décédé en 2015, a souligné la coréalisatrice, mardi, lors de la présentation du documentaire à la presse dans les locaux de M6. Mme Mikova a indiqué avoir fait cette précision à la demande de l’actrice de 60 ans, qui n’était pas elle-même présente pour des «raisons familiales».
Emmanuelle Béart «ne souhaite pas» dévoiler l’identité de son agresseur, car cela n’est pas «la démarche» du film, a poursuivi sa coréalisatrice et amie. Dans ce documentaire, les deux femmes recueillent les paroles de quatre victimes d’inceste, et Emmanuelle Béart livre en écho des éléments de sa propre histoire. «Si mon père, ma mère, mon école, mes amis ne voient rien, c’est que tout peut recommencer, et tu recommenceras pendant quatre ans», dit-elle en voix off en s’adressant à la personne qui l’a agressée. Selon elle, c’est sa grand-mère qui a «sauvé (sa) peau». «Je ne voulais pas prendre la parole, je voulais faire un espace de parole pour les autres. Confrontée à eux, à leur sincérité, à leur courage, je me suis dit que je devais moi aussi parler», a expliqué l’actrice – révélée par le film Manon des sources en 1986 – dans un message vidéo projeté à la presse avant le film.
Les témoins sont Norma, violée par son grand-père pendant son enfance, Pascale, qui a occulté jusqu’à la cinquantaine les abus infligés par son père, Sarah, dont l’ex-compagnon a abusé de leur petite fille entre quatre et huit ans, et Joachim, qui accuse ses parents d’inceste – ce qu’ils nient.
Selon la Ciivise (Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants), créée en janvier 2021 après la prise de conscience suscitée par l’ouvrage La Familia grande de Camille Kouchner autour des violences sexuelles faites aux enfants, près de 160.000 enfants subissent des abus sexuels chaque année en France et 5,5 millions d’adultes ont été victimes de tels abus pendant leur enfance, le plus souvent au sein de leur propre famille.
Le courage d’Emmanuelle Béart a été salué par Charlotte Caubel, la secrétaire d’État chargée de l’Enfance en France, qui a souligné l’urgence d’une prise de conscience collective face à ce fléau.
Mais pourquoi parler maintenant, et pourquoi à travers un documentaire? Dans une interview accordée au magazine Elle, Béart explique que sa notoriété lui offre aujourd’hui la possibilité de mettre en lumière cet enjeu crucial, bien qu’elle s’expose à de multiples risques en le faisant. Elle dénonce également l’inadéquation du système judiciaire à traiter ces cas de manière sensible et efficace, ce qui décourage de nombreux survivants de chercher justice.
Ce documentaire est plus qu’un simple exposé des faits. C’est une exploration profonde du traumatisme, du déni, du tabou et du besoin de justice. Il ne s’arrête pas à la surface du problème, mais tente d’en déchiffrer les mécanismes sous-jacents et les séquelles à long terme.
Des experts comme le psychologue Cyril Tarquinio et le magistrat Édouard Durand apportent leur regard éclairé sur la complexité de la situation. Un silence si bruyant aspire à être un outil de sensibilisation et un catalyseur pour le changement.
En brisant le silence, Emmanuelle Béart et les autres témoins dans le documentaire visent à créer une onde de choc qui résonnera bien au-delà du simple cadre du film. Ce documentaire pourrait être un pas de plus vers la reconnaissance et la compréhension d’un problème sociétal qu’il est temps d’arrêter d’ignorer, d’autant plus que cette «déviance» est tragiquement répandue et fracasse des vies à jamais…
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