N’est pas révolutionnaire qui veut! N’est pas révolté qui fait une crise d’adolescence tardive! N’est pas contestataire celui qui ne s’insurge pas contre la prise en otage de la patrie par les séides de l’Iran!
Le 18 septembre dernier, la presse du matin nous apprenait que le Premier ministre sortant, Najib Mikati, appelait la communauté internationale à soutenir le Liban, que le Parti socialiste progressiste (PSP) dénonçait une complicité politico-judiciaire à Nahr el-Kalb, que l’année judiciaire s’ouvrait sur une grogne au sein de la magistrature, que le patriarche maronite Béchara Raï déclarait, à partir de l’Australie, que nos dirigeants avaient perdu le sens du pouvoir, et que le Hezbollah était un agent de l’occupation iranienne, d’après Saydet al-Jabal.
Tout cela, un même jour: le 18 septembre. La routine quoi, n’eût été la nouvelle alarmante que Najat Aoun Saliba mettait fin à son sit-in place de l’Étoile! Ce scoop nous signalait l’interruption d’un «lock-out» de 243 jours. Rappelons que la représentante de la nation avait lancé l’initiative du iʻtissam (sit-in) en binôme avec son collègue l’ex-bâtonnier Melhem Khalaf. On en déduit que ce dernier va poursuivre, mais tout seul, son «débrayage» médiatique jusqu’à «la tenue d’une séance parlementaire ouverte sur base de tours successifs pour parvenir à l’élection d’un président». En somme, la thawra, telle qu’envisagée par certains députés contestataires, se révèle flexible et malléable à souhait, mais elle ne se dégonfle pas. Et pour preuve, Me Khalaf a choisi de continuer à vivre dans l’inconfort du Parlement plutôt que de renoncer à ses convictions, de l’air de dire: «J’y suis, j’y reste.» Panache exige!
La thaoura, cette mal nommée
N’est-ce pas à tort que les événements démarrant en octobre 2019 furent qualifiés de révolution et les protagonistes de révolutionnaires ? Certes, sur les places publiques, on exprima un ras-le-bol, on y organisa des débats, on lança des slogans, et un street art inspiré badigeonna les façades. Mais ce fut principalement un spectacle, une kermesse, des processions bon enfant, si l’on excepte quelques incidents. La répression devant l’Assemblée nationale par la garde prétorienne du président de la Chambre n’allait pas susciter l’embrasement général. Et au bout, y eut-il autre chose que le goût amer de l’échec et de la dérision? Aujourd’hui, nous n’en sommes pas à la sédition et la «dollarisation dans les supermarchés» est notre souci majeur.
N’est pas révolutionnaire qui veut! N’est pas révolté qui fait une crise d’adolescence tardive! N’est pas contestataire celui qui ne s’insurge pas contre la prise en otage de la patrie par les séides de l’Iran.
L’art de l’esquive
Escrimeurs et politiciens cultivent l’art de l’esquive qui consiste à éviter la confrontation ou le choc par une manœuvre de déplacement du corps dans un cas, et du sujet dans l’autre. Quel meilleur exemple que la feinte que vient de nous servir Madame Saliba, en annonçant avoir renoncé au sit-in pour mettre à exécution un «plan environnemental en collaboration avec des spécialistes de l’environnement, des organisations internationales et des organismes locaux» sur l’ensemble du territoire libanais. L’écologie et la préservation de l’équilibre naturel sont des questions de toute importance, mais il y a d’autres priorités et il faut parer au plus pressé.
Notre pays est saigné à blanc. Au lieu de désigner nommément l’agresseur, on use de circonlocutions; n’est-ce pas qu’il ne faut pas heurter les susceptibilités? Plutôt que de se rallier à un front uni contre l’assujettissement au régime des ayatollahs, on se singularise par la squattérisation paisible du Parlement, manière plutôt adroite de se dédouaner auprès du public en se donnant en spectacle. Et même si l’essentiel est ailleurs, les protagonistes de ce vaudeville pourront toujours se disculper en affirmant: «Nous avons été les premiers à nous insurger contre le blocage du processus constitutionnel.» Mais de leurs gesticulations infantiles, la moumanaa n’a que faire; elle campe sur ses positions et fait des gorges chaudes de l’éparpillement des députés contestataires et leur dit sit-in.
Si en Europe certaines nations sont poursuivies pour inaction climatique, les représentants de la thaoura pourraient être incriminés d’«inaction constitutionnelle».
Pour ne pas faire le jeu des souverainistes, supposés appartenir à la droite nationaliste, voire chrétienne, les députés de la contestation n’ont pas été jusqu’à dénoncer le péril iranien. Ils ont préféré papillonner et saupoudrer la scène politique de leurs vaines propositions lors de brefs passages sur les ondes. Ils ont préféré ne pas se mouiller et ont choisi de se distraire avec des gadgets, des bricoles et des schmilblicks.
Qui a dit que la thaoura n’engendrait que des justes?*
Youssef Mouawad
*Youssef Mouawad, «Qui a dit que la ‘thaoura’ n’engendrait que des justes?» Ici Beyrouth, 28 juin 2022.
Le 18 septembre dernier, la presse du matin nous apprenait que le Premier ministre sortant, Najib Mikati, appelait la communauté internationale à soutenir le Liban, que le Parti socialiste progressiste (PSP) dénonçait une complicité politico-judiciaire à Nahr el-Kalb, que l’année judiciaire s’ouvrait sur une grogne au sein de la magistrature, que le patriarche maronite Béchara Raï déclarait, à partir de l’Australie, que nos dirigeants avaient perdu le sens du pouvoir, et que le Hezbollah était un agent de l’occupation iranienne, d’après Saydet al-Jabal.
Tout cela, un même jour: le 18 septembre. La routine quoi, n’eût été la nouvelle alarmante que Najat Aoun Saliba mettait fin à son sit-in place de l’Étoile! Ce scoop nous signalait l’interruption d’un «lock-out» de 243 jours. Rappelons que la représentante de la nation avait lancé l’initiative du iʻtissam (sit-in) en binôme avec son collègue l’ex-bâtonnier Melhem Khalaf. On en déduit que ce dernier va poursuivre, mais tout seul, son «débrayage» médiatique jusqu’à «la tenue d’une séance parlementaire ouverte sur base de tours successifs pour parvenir à l’élection d’un président». En somme, la thawra, telle qu’envisagée par certains députés contestataires, se révèle flexible et malléable à souhait, mais elle ne se dégonfle pas. Et pour preuve, Me Khalaf a choisi de continuer à vivre dans l’inconfort du Parlement plutôt que de renoncer à ses convictions, de l’air de dire: «J’y suis, j’y reste.» Panache exige!
La thaoura, cette mal nommée
N’est-ce pas à tort que les événements démarrant en octobre 2019 furent qualifiés de révolution et les protagonistes de révolutionnaires ? Certes, sur les places publiques, on exprima un ras-le-bol, on y organisa des débats, on lança des slogans, et un street art inspiré badigeonna les façades. Mais ce fut principalement un spectacle, une kermesse, des processions bon enfant, si l’on excepte quelques incidents. La répression devant l’Assemblée nationale par la garde prétorienne du président de la Chambre n’allait pas susciter l’embrasement général. Et au bout, y eut-il autre chose que le goût amer de l’échec et de la dérision? Aujourd’hui, nous n’en sommes pas à la sédition et la «dollarisation dans les supermarchés» est notre souci majeur.
N’est pas révolutionnaire qui veut! N’est pas révolté qui fait une crise d’adolescence tardive! N’est pas contestataire celui qui ne s’insurge pas contre la prise en otage de la patrie par les séides de l’Iran.
L’art de l’esquive
Escrimeurs et politiciens cultivent l’art de l’esquive qui consiste à éviter la confrontation ou le choc par une manœuvre de déplacement du corps dans un cas, et du sujet dans l’autre. Quel meilleur exemple que la feinte que vient de nous servir Madame Saliba, en annonçant avoir renoncé au sit-in pour mettre à exécution un «plan environnemental en collaboration avec des spécialistes de l’environnement, des organisations internationales et des organismes locaux» sur l’ensemble du territoire libanais. L’écologie et la préservation de l’équilibre naturel sont des questions de toute importance, mais il y a d’autres priorités et il faut parer au plus pressé.
Notre pays est saigné à blanc. Au lieu de désigner nommément l’agresseur, on use de circonlocutions; n’est-ce pas qu’il ne faut pas heurter les susceptibilités? Plutôt que de se rallier à un front uni contre l’assujettissement au régime des ayatollahs, on se singularise par la squattérisation paisible du Parlement, manière plutôt adroite de se dédouaner auprès du public en se donnant en spectacle. Et même si l’essentiel est ailleurs, les protagonistes de ce vaudeville pourront toujours se disculper en affirmant: «Nous avons été les premiers à nous insurger contre le blocage du processus constitutionnel.» Mais de leurs gesticulations infantiles, la moumanaa n’a que faire; elle campe sur ses positions et fait des gorges chaudes de l’éparpillement des députés contestataires et leur dit sit-in.
Si en Europe certaines nations sont poursuivies pour inaction climatique, les représentants de la thaoura pourraient être incriminés d’«inaction constitutionnelle».
Pour ne pas faire le jeu des souverainistes, supposés appartenir à la droite nationaliste, voire chrétienne, les députés de la contestation n’ont pas été jusqu’à dénoncer le péril iranien. Ils ont préféré papillonner et saupoudrer la scène politique de leurs vaines propositions lors de brefs passages sur les ondes. Ils ont préféré ne pas se mouiller et ont choisi de se distraire avec des gadgets, des bricoles et des schmilblicks.
Qui a dit que la thaoura n’engendrait que des justes?*
Youssef Mouawad
*Youssef Mouawad, «Qui a dit que la ‘thaoura’ n’engendrait que des justes?» Ici Beyrouth, 28 juin 2022.
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