Depuis la fin du mandat du président Michel Aoun, le 31 octobre 2022, le Liban vit un vide institutionnel cumulatif qui menace l’ensemble de ses institutions et le Hezbollah se tient en embuscade pour rafler la mise et arrimer le pays du Cèdre à l’axe iranien. Pour les Libanais, le dernier espoir demeure aujourd’hui l’armée libanaise, seule garante de leur sécurité.
Par Zouhair Basbous, Coordinateur du parti des Forces libanaises en France
Il n’est plus un secret pour personne que le vide institutionnel au Liban fait partie de la stratégie du Hezbollah. Le parti de Dieu et ses alliés, notamment le mouvement Amal du président du Parlement, Nabih Berry, bloquent l’élection présidentielle depuis maintenant 14 mois, en violation flagrante de la Constitution. Cette stratégie vise à accélérer l’effondrement de l’État au profit du mini-État que constitue de facto la milice de Hassan Nasrallah. Ainsi, en privant le Liban d’un président capable de redresser la situation et de sortir le pays de la crise multidimensionnelle qu’il traverse, le Hezbollah cherche à étendre le vide à tous les étages.
En effet, depuis la fin du mandat du président Michel Aoun, fin octobre 2022, le duo Hezbollah-Amal a empêché la tenue des élections en retirant systématiquement ses députés pour rompre le quorum, pourtant indispensable à l’élection, ou en refusant de convoquer une session ouverte du Parlement.
Or, en l’absence d’un président de la République, c’est toute la fonction publique qui est menacée. L’été dernier, le mandat du Gouverneur de la Banque centrale est arrivé à échéance et il est impossible de le remplacer. Ses fonctions sont assurées par le vice-gouverneur, par intérim. De même, le mandat du commandant en chef de l’armée arrive à échéance en janvier prochain sans être remplacé. D’autant plus que le gouvernement Mikati, qui avait démissionné au lendemain des législatives de mai 2022, est un cabinet d’expédition des affaires. N’ayant pas exposé son programme de politique générale ni obtenu la confiance du Parlement, il ne peut prendre aucune décision capitale. Il ne peut ni négocier la dette avec le FMI, ni signer la paix, encore moins emprunter des fonds pour combler ses déficits et équilibrer son budget. Il ne peut pas pourvoir aux postes vacants. L’intérim devient la règle.
Mais, comme le souligne avec insistance le bloc parlementaire de la «République forte», représentant le parti des Forces libanaises, «il est urgent d’assurer la stabilité à la tête de l’armée», d’autant plus que l’institution militaire est appelée à se déployer dans le sud du pays en application de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies. Les 19 députés du groupe parlementaire de la République forte ont soumis, en procédure accélérée, une proposition de loi expéditive pour réclamer le report de l’âge de la retraite du commandant en chef de l’armée, afin d’éviter un nouveau vide à la tête de la colonne vertébrale de l’État. Car seule la stabilité à la tête de l’armée et le respect de la résolution 1701 assurent la sécurité du Liban et des Libanais. Elles peuvent empêcher le Hezbollah de provoquer Israël et d’engager le Liban dans une nouvelle guerre. Il n’est pas dans l’intérêt du Liban de payer les pots cassés et de s’ingérer dans le conflit entre Israël et le Hamas, encore moins d’unir les fronts, tel que l’imagine l’Iran.
En effet, l’Iran et le Hezbollah ont une autre stratégie. Téhéran alimente les conflits périphériques et allume les contre-feux pour empêcher l’incendie de parvenir jusqu’à son territoire. La République islamique sacrifie ses alliés arabes jusqu’au dernier, que ce soit au Yémen, à Gaza, ou au Liban et en Syrie, pour s’imposer sur la table des négociations et, en position de force, pouvoir obtenir des concessions sur son programme nucléaire et la levée des sanctions financières. À plus court terme, le Hezbollah hausse le ton et menace d’ouvrir le front avec Israël. Mais, il s’agit d’une pure manœuvre qui lui permettrait d’imposer son candidat à la présidence de la République. Hassan Nasrallah verse dans une surenchère verbale et cherche, non pas à aider les Palestiniens, mais à se faire supplier par l’Occident de ne pas ouvrir le front.
Pour le Hezbollah, la contrepartie est évidente: d’une part, il justifierait le maintien de son arsenal et de ses miliciens, contrairement aux accords de Taëf; d’autre part, il impose son diktat sur les autres composantes du pays, surtout celles qui acceptent de vivre dans la dhimmitude; et, enfin, il réintroduit l’Iran à la table des négociations. Un tel scénario ne peut aucunement préparer la paix. Au mieux il la reporte. Car idéologiquement, le Hezbollah et ses commanditaires iraniens se sont promis de détruire Israël. C’est leur raison d’être. Et Hassan Nasrallah vient de le confirmer dans son discours du 3 novembre. Il a menacé Israël et les États-Unis que leur flotte en Méditerranée et leurs armées seront vaincues. «La victoire est une promesse divine», a-t-il assuré.
Les Libanais sont devant un dilemme difficile: soit ils subissent la guerre immédiatement, soit ils la reportent et subissent l’occupation iranienne. La seule solution est de réclamer la stricte application de la résolution 1701, d’insister sur le désarmement du Hezbollah, de renforcer l’armée libanaise et de mettre un terme au vide institutionnel mortifère, en réclamant la neutralité du Liban. En un mot, les Libanais doivent soutenir les efforts des partis de l’opposition qui ne cessent de plaider la pacification du Liban et sa neutralité.
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