Le Conservatoire national supérieur de musique du Liban, autrefois la plus haute référence musicale du pays, est devenu aujourd'hui l'ombre de lui-même, témoignant de son propre effondrement. Les professeurs chevronnés, piliers de cette institution, le quittent en masse, laissant derrière eux des salles de classe désertes et des partitions abandonnées. La mauvaise gestion de la direction actuelle et la détérioration des relations au sein de l'établissement ont conduit à une perte significative d'effectifs, compromettant ainsi l'unité qui était autrefois le socle du conservatoire lors du mandat du regretté Bassam Saba.
Le Liban est mort. C’est, dans un mutisme criant, que le pays-message a été lacéré, poignardé, mutilé et assassiné par ceux-là mêmes qui étaient censés le protéger. Les pages de l’histoire retiendront impitoyablement le nom de ceux qui ont trahi cette terre sacrée, la livrant aux enchères pour trente misérables pièces d’argent. Une souillure indélébile que nul baptême ne saurait effacer. Mais aujourd’hui, c’est le Liban d’Henri Goraïeb, Assi Rahbani, Saïd Akl, et tant d’autres artistes, qui rend son dernier soupir. Le Conservatoire national supérieur de musique du Liban (CNSML) reflète fidèlement cet effondrement généralisé. Les vestiges de sa grandeur passée gisent parmi les décombres et on aura beau tenter démentir cette implacable réalité en balayant la poussière sur les ruines, comme si cette effervescence stérile pouvait conjurer le sort funeste qui plane. L’amertume de la leçon à tirer est d’autant plus poignante qu’elle résonne trop tard, écho des avertissements ignorés. Tout s’effondre, chaque recoin de cette institution chargée d’histoire s’effrite dans un silence lugubre.
Si, par le passé, les efforts pour contenir l’effondrement de ce vivier éducatif étaient monnaie courante, aujourd’hui, la communauté musicale contemple, impuissante, l’abîme béant qui s’est ouvert sous ses pieds, faute de mesures avisées. Les querelles byzantines, jadis au cœur des enjeux politiques, perdent leur sens et leur utilité, tandis que l’épée de Damoclès, autrefois suspendue fragilement, a finalement tranché le fil de l’espoir. Elle a emporté Damoclès et, avec lui, les rêves et les aspirations d’une pléthore de jeunes musiciens, sacrifiés sur l’autel de l’incurie, de la mal gérance et des égos démesurés. Au-delà des débats stériles et des polémiques sans fin, les statistiques parlent d’elles-mêmes. Écoutons-les! Entre les années académiques 2021-2022 et 2023-2024, le conservatoire a connu une diminution notable de son effectif global, incluant les employés, les professeurs de musique et les musiciens des deux orchestres nationaux. Selon une source proche du dossier, le nombre total de salariés a enregistré une baisse significative, passant de 470 à 340, représentant ainsi une régression substantielle de 27,66%. Par ailleurs, la catégorie des professeurs a également connu une contraction de 22,45%, avec un effectif passant de 294 à 228 au cours de cette même période.
L’ampleur de ces chiffres ne saurait être sous-estimée, d’autant plus que le pourcentage susmentionné correspond aux professeurs chevronnés, les piliers même du CNSML, qui ont décidé de tourner le dos à cette institution à laquelle ils se sont dévoués corps et âme pendant des décennies. Autrefois emblème de rayonnement culturel du pays, le conservatoire national est désormais pris dans les remous agités d’une direction perçue comme rigide, autoritaire, voire oppressive. Un nombre de plus en plus croissant d’enseignants se voient pris au piège au sein d’une hiérarchie étouffante, suscitant en eux, in fine, un sentiment de ras-le-bol. Les gammes joyeuses qui résonnaient autrefois dans les salles de classe ont ainsi cédé la place à un silence pesant, où les soupirs des professeurs démissionnaires se mêlent aux notes tristes des partitions abandonnées. En outre, il est devenu patent que la direction actuelle s’efforce, d’arrache-pied, de dissimuler ses défaillances, voire ses échecs académiques, accentués actuellement par le départ massif de membres du corps professoral. Comment? En tentant de rehausser l’image de l’institution à travers des concerts, souvent de qualité médiocre, mais soigneusement organisés pour impressionner des personnalités politiques et religieuses.
Il est navrant de constater qu’au cœur de cette tourmente, c’est le conservatoire qui en paie le prix fort. Ce même conservatoire qui, tout au long des années d’instabilité politique, sécuritaire et socioéconomique, avait vaillamment tenu tête à toutes les épreuves. Il avait surtout résisté aux vents capricieux du déclin institutionnel, préservant, avec une détermination inflexible, l’unité des rangs entre le corps professoral, l’administration et le ministère de la Culture. Aujourd’hui, la situation est nettement différente, hélas. En raison de l’autoritarisme manifeste de la direction, les acteurs clés de cette institution semblent avoir décidé de tourner la page, laissant derrière eux les vestiges d’une époque où la crédibilité du conservatoire était de taille. Parmi eux, se distingue Joseph Fakhry, le travailleur de l’ombre, qui quitte le CNSML après plus de trois décennies de dévouement silencieux. Grâce à son érudition musicale, sa clairvoyance, et son art consommé de l’enseignement et de la direction, Joseph Fakhry s’est révélé être l’un des socles sur lequel s’est solidement édifié le conservatoire d’après-guerre. Professeur de piano, d’harmonie, de contrepoint, d’analyse musicale, entre autres, mais également coordinateur des matières musicales théoriques, il a non seulement contribué de manière substantielle à la promotion d’une connaissance musicale solide mais a également exercé une influence cruciale dans la préservation des valeurs musicales au sein de cette institution.
Portrait réalisé par Christiane Boustani (alias «Swaha»), ancienne élève de Joseph Fakhry
«Le conservatoire national est devenu l’ombre de lui-même», affirme Joseph Fakhry avec regret à Ici Beyrouth. D’après lui, la «politique autoritaire» adoptée par la direction du conservatoire, associée au «mépris affiché envers les enseignants», a conduit au délitement de la plus haute référence musicale du pays. «Le professeur se voit aujourd’hui dépourvu de toute voix au sein du CNSML et ses droits sont foulés aux pieds. Les années de lutte avec la Ligue des professeurs, présidée par Edy Dorlian, sont tombées à l’eau. Cela dit, nous ne réintégrerons pas le conservatoire tant que la direction actuelle sera maintenue en fonction», assure-t-il. Joseph Fakhry déplore que la décadence sociale ait atteint le CNSML, où non seulement les professeurs paient le prix mais également les étudiants: «Il est dangereux de constater que la direction demande aux professeurs disponibles d’assumer l’enseignement de toutes les matières, même celles pour lesquelles ils ne détiennent pas nécessairement les qualifications requises.» Il est véritablement poignant d’assister à la désintégration progressive du corps enseignant, jadis réuni avec ferveur par feu Bassam Saba, sous le règne actuel de sa directrice par intérim, Hiba Kawas. Tandis que tous les espoirs étaient placés en elle, une triste réalité s’installe, érodant la cohésion qui animait autrefois cette communauté dévouée.
La nostalgie imprègne désormais l’atmosphère des lieux, rappelant le temps où l’esprit collectif était porté par une aspiration commune, aujourd’hui voilée par l’ombre d’un changement à reculons. Il était une fois… le Conservatoire national supérieur de musique du Liban.
Le Liban est mort. C’est, dans un mutisme criant, que le pays-message a été lacéré, poignardé, mutilé et assassiné par ceux-là mêmes qui étaient censés le protéger. Les pages de l’histoire retiendront impitoyablement le nom de ceux qui ont trahi cette terre sacrée, la livrant aux enchères pour trente misérables pièces d’argent. Une souillure indélébile que nul baptême ne saurait effacer. Mais aujourd’hui, c’est le Liban d’Henri Goraïeb, Assi Rahbani, Saïd Akl, et tant d’autres artistes, qui rend son dernier soupir. Le Conservatoire national supérieur de musique du Liban (CNSML) reflète fidèlement cet effondrement généralisé. Les vestiges de sa grandeur passée gisent parmi les décombres et on aura beau tenter démentir cette implacable réalité en balayant la poussière sur les ruines, comme si cette effervescence stérile pouvait conjurer le sort funeste qui plane. L’amertume de la leçon à tirer est d’autant plus poignante qu’elle résonne trop tard, écho des avertissements ignorés. Tout s’effondre, chaque recoin de cette institution chargée d’histoire s’effrite dans un silence lugubre.
Incurie et mal gérance
Si, par le passé, les efforts pour contenir l’effondrement de ce vivier éducatif étaient monnaie courante, aujourd’hui, la communauté musicale contemple, impuissante, l’abîme béant qui s’est ouvert sous ses pieds, faute de mesures avisées. Les querelles byzantines, jadis au cœur des enjeux politiques, perdent leur sens et leur utilité, tandis que l’épée de Damoclès, autrefois suspendue fragilement, a finalement tranché le fil de l’espoir. Elle a emporté Damoclès et, avec lui, les rêves et les aspirations d’une pléthore de jeunes musiciens, sacrifiés sur l’autel de l’incurie, de la mal gérance et des égos démesurés. Au-delà des débats stériles et des polémiques sans fin, les statistiques parlent d’elles-mêmes. Écoutons-les! Entre les années académiques 2021-2022 et 2023-2024, le conservatoire a connu une diminution notable de son effectif global, incluant les employés, les professeurs de musique et les musiciens des deux orchestres nationaux. Selon une source proche du dossier, le nombre total de salariés a enregistré une baisse significative, passant de 470 à 340, représentant ainsi une régression substantielle de 27,66%. Par ailleurs, la catégorie des professeurs a également connu une contraction de 22,45%, avec un effectif passant de 294 à 228 au cours de cette même période.
Professeurs chevronnés
L’ampleur de ces chiffres ne saurait être sous-estimée, d’autant plus que le pourcentage susmentionné correspond aux professeurs chevronnés, les piliers même du CNSML, qui ont décidé de tourner le dos à cette institution à laquelle ils se sont dévoués corps et âme pendant des décennies. Autrefois emblème de rayonnement culturel du pays, le conservatoire national est désormais pris dans les remous agités d’une direction perçue comme rigide, autoritaire, voire oppressive. Un nombre de plus en plus croissant d’enseignants se voient pris au piège au sein d’une hiérarchie étouffante, suscitant en eux, in fine, un sentiment de ras-le-bol. Les gammes joyeuses qui résonnaient autrefois dans les salles de classe ont ainsi cédé la place à un silence pesant, où les soupirs des professeurs démissionnaires se mêlent aux notes tristes des partitions abandonnées. En outre, il est devenu patent que la direction actuelle s’efforce, d’arrache-pied, de dissimuler ses défaillances, voire ses échecs académiques, accentués actuellement par le départ massif de membres du corps professoral. Comment? En tentant de rehausser l’image de l’institution à travers des concerts, souvent de qualité médiocre, mais soigneusement organisés pour impressionner des personnalités politiques et religieuses.
Unité des rangs
Il est navrant de constater qu’au cœur de cette tourmente, c’est le conservatoire qui en paie le prix fort. Ce même conservatoire qui, tout au long des années d’instabilité politique, sécuritaire et socioéconomique, avait vaillamment tenu tête à toutes les épreuves. Il avait surtout résisté aux vents capricieux du déclin institutionnel, préservant, avec une détermination inflexible, l’unité des rangs entre le corps professoral, l’administration et le ministère de la Culture. Aujourd’hui, la situation est nettement différente, hélas. En raison de l’autoritarisme manifeste de la direction, les acteurs clés de cette institution semblent avoir décidé de tourner la page, laissant derrière eux les vestiges d’une époque où la crédibilité du conservatoire était de taille. Parmi eux, se distingue Joseph Fakhry, le travailleur de l’ombre, qui quitte le CNSML après plus de trois décennies de dévouement silencieux. Grâce à son érudition musicale, sa clairvoyance, et son art consommé de l’enseignement et de la direction, Joseph Fakhry s’est révélé être l’un des socles sur lequel s’est solidement édifié le conservatoire d’après-guerre. Professeur de piano, d’harmonie, de contrepoint, d’analyse musicale, entre autres, mais également coordinateur des matières musicales théoriques, il a non seulement contribué de manière substantielle à la promotion d’une connaissance musicale solide mais a également exercé une influence cruciale dans la préservation des valeurs musicales au sein de cette institution.
Portrait réalisé par Christiane Boustani (alias «Swaha»), ancienne élève de Joseph Fakhry
L’ombre du changement
«Le conservatoire national est devenu l’ombre de lui-même», affirme Joseph Fakhry avec regret à Ici Beyrouth. D’après lui, la «politique autoritaire» adoptée par la direction du conservatoire, associée au «mépris affiché envers les enseignants», a conduit au délitement de la plus haute référence musicale du pays. «Le professeur se voit aujourd’hui dépourvu de toute voix au sein du CNSML et ses droits sont foulés aux pieds. Les années de lutte avec la Ligue des professeurs, présidée par Edy Dorlian, sont tombées à l’eau. Cela dit, nous ne réintégrerons pas le conservatoire tant que la direction actuelle sera maintenue en fonction», assure-t-il. Joseph Fakhry déplore que la décadence sociale ait atteint le CNSML, où non seulement les professeurs paient le prix mais également les étudiants: «Il est dangereux de constater que la direction demande aux professeurs disponibles d’assumer l’enseignement de toutes les matières, même celles pour lesquelles ils ne détiennent pas nécessairement les qualifications requises.» Il est véritablement poignant d’assister à la désintégration progressive du corps enseignant, jadis réuni avec ferveur par feu Bassam Saba, sous le règne actuel de sa directrice par intérim, Hiba Kawas. Tandis que tous les espoirs étaient placés en elle, une triste réalité s’installe, érodant la cohésion qui animait autrefois cette communauté dévouée.
La nostalgie imprègne désormais l’atmosphère des lieux, rappelant le temps où l’esprit collectif était porté par une aspiration commune, aujourd’hui voilée par l’ombre d’un changement à reculons. Il était une fois… le Conservatoire national supérieur de musique du Liban.
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