Le système carcéral libanais rencontre de nombreux défis qui compromettent sa fonction principale d'accueil des détenus.
Parmi les principaux défis figurent la surpopulation carcérale, les installations insalubres et l'accès insuffisant à la nourriture.
Le Liban compte 38 centres de détention, dont 25 sont rattachés aux Forces de sécurité intérieure (FSI). Les 13 autres relèvent de l'armée libanaise.
La capacité de ces prisons, qu'il s'agisse d’établissements centraux, de prisons secondaires ou du Palais de justice, est fixée à 3.200 détenus. Ce chiffre respecte les normes internationales des droits de l'homme, qui exigent 3,2 mètres carrés par détenu. Cependant, selon les (FSI), le nombre de détenus a atteint le niveau alarmant de 7.736, parmi lesquels 265 femmes et environ 200 mineurs. La prison centrale de Roumié, initialement conçue pour accueillir 1.200 détenus, se trouve actuellement confrontée à une surpopulation avec 4.000 prisonniers.
Les causes de ce problème de surpopulation sont la construction insuffisante de nouvelles prisons et les retards dans les procédures judiciaires, allant de la prononciation des jugements à la libération sous caution. Les problèmes socio-économiques y ont également un rôle, incitant de nombreux juges à observer des grèves prolongées et à négliger leurs responsabilités.
En conséquence, selon le ministre sortant de l'Intérieur, Bassam Maoulaoui, 80% des prisonniers sont en détention provisoire. De plus, le transfert des détenus en vue de leur procès constitue un obstacle majeur faute de moyens de transport ou de personnes disponibles pour assurer leur transfert.
L'aggravation des tensions sécuritaires le long de la frontière sud du Liban a également compliqué la situation, obligeant les FSI à fermer certaines installations considérées à risque, notamment dans les zones sensibles de Tyr et de Nabatiyé.
Ici Beyrouth a discuté avec Georges, le père d'un détenu de 22 ans qui a passé six mois derrière les barreaux. «Mon fils et ses codétenus faisaient des rotations pour dormir. Certaines nuits, il dormait même debout», a-t-il confié. Cette situation est monnaie courante dans les centres de détention et les prisons au Liban. Les détenus se relaient pour dormir, certains restent debout pour laisser de la place aux autres, ou dorment sur le côté pour maximiser l'espace. Certains vont même jusqu'à dormir dans les toilettes.
En raison de la surcapacité des prisons d'État, les centres de détention, y compris ceux au sein des commissariats de police et des unités de police judiciaire, où les prévenus sont censés être gardés jusqu'à leur procès, sont devenus des lieux de détention prolongée. La garde à vue limitée à 48 heures, suivie de 48 heures supplémentaires à la discrétion du procureur, comme le prévoit le Code de procédure pénale, prend désormais l’allure d’une détention.
Avant d'être transféré à la prison de Roumié, le fils de Georges a passé deux mois en détention à l'unité judiciaire de Baabda en attendant son procès. Il a été placé, avec plus de 100 détenus, dans une grande pièce dépourvue de lumière naturelle, où la nourriture et l'eau étaient à peine suffisantes. Georges a dû procurer à son fils les articles de première nécessité, un privilège auquel les autres détenus n’ont pas forcément accès.
Les prisons judiciaires, conçues pour des détentions de moins de 96 heures, ne sont pas équipées comme des prisons ordinaires. Elles ne disposent pas de contrôle climatique adéquat, d'accès à la lumière du jour, d’eau, d'eau chaude, ni même d'un approvisionnement régulier en nourriture, en raison de problèmes de transport et de main-d'œuvre depuis la prison centrale de Roumié.
L'absence d’installations sanitaires dans ces établissements entraîne également des problèmes de santé pour les détenus, tels que la gale et les allergies, sans mentionner les odeurs corporelles, particulièrement insupportables durant les périodes de forte chaleur. «Mon fils a contracté la gale à la prison de Roumié et a dû être hospitalisé», raconte Georges.
En outre, les installations de réhabilitation dans les prisons laissent à désirer. La surpopulation les a transformées en cellules à la prison de Roumié. Selon Tatiana Nassar, psychologue criminelle, l’absence de réhabilitation représente un risque important pour les prisonniers.
«Le but de la réhabilitation des détenus est de réduire leur risque de récidive et de les aider à trouver un nouveau sens à leur vie. Cela les motive et les dote d'outils pour gérer leurs émotions et leurs sentiments, entraînant une amélioration sociale et une responsabilisation de leurs actions», explique Mme Nassar. «L'absence de réhabilitation augmente non seulement les risques de récidive, mais provoque également des comportements chaotiques chez les détenus, tels qu'une colère persistante, une vie sociale déficiente et l'ennui. Les détenus perdent tout espoir et toute perspective d'avenir, ce qui entraîne des comportements plus agressifs», poursuit-elle.
Par ailleurs, Mme Nassar estime que les conditions éprouvantes dans lesquelles vivent les détenus ont des répercussions sur leur santé mentale: «Les maladies, les conditions sanitaires médiocres, les conditions de sommeil inadéquates et les besoins fondamentaux non satisfaits déclenchent la colère et l'envie de désobéir.»
Elle souligne également que bien que certains organismes offrent un soutien psychologique, aucune stratégie claire n'est en place: «Tous les détenus ne bénéficient pas d'un soutien psychologique, et même quand c'est le cas, il n'est pas systématique et manque de planification.»
En bref, il est impératif de porter une attention particulière aux problèmes persistants du système pénitentiaire libanais et de prendre des mesures proactives pour y remédier, vu qu’aucune avancée n'a été réalisée dans le traitement du dossier carcéral pour venir en aide aux détenus en détresse.
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