«Fergé», les silhouettes en fil de fer de Gabriel Gemayel
Responsable du département de formation continue dans une banque, enseignant vacataire à l’université et auteur de livres sur la guerre du Liban, rien ne prédisposait Gabriel Gemayel à ce hors-piste dans lequel il excelle: la production des silhouettes en fer. L’artiste en herbe a néanmoins plus d’une corde à son arc, comme ses penchants pour la cuisine et pour la production de produits du terroir. Ce «bricoleur à ses heures perdues» a réussi à lancer une ligne artistique, «Fergé», qui a démarré au quart de tour… d’un fil de fer!

Parlez-nous de votre engouement pour les silhouettes en fer.

Tout a commencé quand une amie m’a envoyé la photo d’une silhouette en fer et m’a demandé, en ma qualité de bricoleur, si je savais comment fabriquer un objet pareil. J’ai alors voulu essayer de la surprendre en reproduisant l’œuvre, sous le regard amusé de mon père, bricoleur aussi, à qui je dois toute la dextérité de mes mains. Mon père avait d’ailleurs forgé une vierge en fer, qu’il avait offerte à ma grand-mère en 1955. Cet objet accroché sur le mur de son bureau depuis des décennies m’a toujours fasciné. J’ai donc discuté avec le paternel de questions pratiques sur les techniques de soudure les plus efficaces puis j’ai décidé de faire comme lui, mais en recyclant du fer (j’utilise parfois de vieux cintres) et du bois pour les socles. J’ai eu, par exemple, recours à une vieille éponge pour reproduire un fromage que j’ai placé sur le socle d’un rat forgé, etc. Même les outils que j’emploie pour la peinture sont recyclés: d’anciens bouchons, des toiles ou tissus qui ne servent plus à rien, etc.


Quand avez-vous créé la première et qu’est-ce qui vous a poussé à en faire un métier artistique en dilettante?

La silhouette zéro date de novembre 2020. Quand elle a eu du succès auprès de la personne en question à qui je l’ai offerte et des autres qui l’ont vue accrochée dans son salon, j’ai décidé d’en fabriquer une série, durant le confinement, un peu avant Noël 2020, et j’ai offert quelques-unes à mes proches à l’occasion des fêtes pour tâter le terrain. De fil en aiguille, le projet a ainsi pris forme. Aujourd’hui je n’arrête pas de recevoir des commandes, et quand je n’en ai aucune, je trouve une silhouette qui plait à un membre de ma famille, à l’un de mes enfants, à des amis, et je m’amuse à lui donner corps durant mon temps libre pour surprendre mes proches et leur faire plaisir avec un objet personnalisé que je fabrique et offre avec beaucoup d’amour.

Pourquoi «Fergé»?

Dans Fergé il y a le fer, et il y a l’initiale de mes deux noms, le G. Mais dans Fergé on retrouve aussi l’homophone de Forger, comme forger le fer. Et Fergé se lit en libanais (فرجة). Ce qui veut dire beau à voir.
À la base je voulais me rabattre sur le nom Vulcain, qui est le dieu du fer et des forgerons, mais mon père, encore lui, m’a conseillé de choisir un nom qui soit à la portée de tous. J’ai réfléchi et j’ai finalement opté pour Fergé.
En passant, j’aimerais remercier mon ami, l’illustrateur et caricaturiste Armand Homsi, qui a mis son art à l’œuvre pour «forger» le logo de la collection ainsi que les cartes de visite.



Combien de temps vous prend une création?

Le temps accordé à chaque création dépend de la difficulté de la silhouette. Je mets six à vingt heures pour finaliser ces œuvres. Au fait, il s’agit de beaucoup de petites soudures qui nécessitent beaucoup de patience. Parfois je refais une soudure plus de vingt fois avant que le fer ne prenne. Je peux passer une heure sur une seule soudure! D’autres fois, les soudures se défont et tout tombe à l’eau. Ce sont d’ailleurs des objets très très fragiles qu’il faut manier comme du cristal.

Parfois, quand je finis la silhouette et que je demande à quelqu’un de deviner ce qu'elle représente et qu’il n’y arrive pas, j’essaie d’abord de la rendre plus concrète et «visible» à travers la peinture et le choix des couleurs, mais il arrive que mes tentatives échouent (rarement, heureusement d'ailleurs!); je me plie alors à l’évidence et je recommence tout le travail, même si, pour moi, elle était évidente! C’est finalement une question de perspective aussi. C’est pour cela que c’est un travail de très longue haleine et une leçon d’endurance et de patience mélangées à beaucoup de plaisir.


Acceptez-vous toutes les commandes? Avez-vous eu des difficultés à réaliser une silhouette en particulier? Si oui, laquelle?

Si l’échéance accordée à la commande est logique, et si je trouve que je peux finaliser le travail et respecter le temps, pourquoi pas. Quant aux silhouettes difficiles, il y en a plusieurs. Souvent, on m’envoie un dessin, un visage. Il m’est impossible de les réaliser. Tout doit être dans les contours et non dans les détails perçus de l’intérieur. La forme doit être remarquable, de l’extérieur, et il ne faut pas qu’il y ait de détails en dehors du périmètre. D’ailleurs, les visages sont très difficiles à produire, mais les profils visibles, compréhensibles beaucoup moins.

Parlez-nous des séries qui ont votre préférence…

Je suis amateur de bandes dessinées classiques, notamment Les Aventures de Tintin et Milou, AstérixGaston, etc. C’est une question de génération. Même si ces personnages traversent le temps, ma génération est peut-être celle qui en a été la plus marquée.

J'ai également reproduit des silhouettes d'artisans (forgerons, menuisiers, garagistes, etc.) ou des objets de différents corps de métiers, tels que des stéthoscopes, des instruments de musique. Les animaux domestiques font également partie du lot. La silhouette fétiche demeure celle d'un très beau bateau phénicien que j’ai offerte à mon père.

Quelle est la palette des prix pratiqués à la vente? Est-ce que vous avez rencontré un franc succès dans cette nouvelle aventure qui démarre?

J’ai eu beaucoup de mal à associer un prix aux silhouettes en raison de la crise financière et du fait qu’acquérir ces objets n’est pas du tout une priorité de nos jours. On les achète juste pour se faire plaisir. De plus, il est très difficile de quantifier le travail, mais surtout la patience d'un artisan. Longtemps cette hésitation m’a empêché d’en vendre, et souvent j’en ai vendu à trois fois rien. Mais je réalise de plus en plus combien ce travail est minutieux et long…

La silhouette la plus facile à réaliser coûte 25 dollars. D'autres peuvent aller jusqu’à 100 dollars. Mais tout dépend encore une fois de la difficulté de la silhouette en question. C’est au cas par cas que je pratique la palette de prix.

Avez-vous des plans futurs comme les commercialiser par exemple à l’étranger?

Comme je fais partie d’un groupe de «propriétaires» de Saint-Bernard, je suis en contact avec le président de l’association des Saint-Bernard en France qui m’a commandé un nombre de silhouettes que je lui ai envoyées. Elles seront exposées au salon des Saint-Bernard en Belgique. Par ailleurs, j’ai essayé de contacter deux grands noms à l’étranger pour collaborer avec eux autour de certaines de mes collections, et j’ai vu que c’était très dur de commercialiser mon travail vu que cela demande une licence spéciale très difficile à avoir en dépit de ma double nationalité libano-française.

Il n’en demeure pas moins que je reste ouvert à toute proposition, dans la mesure du possible et du faisable.

Les créations de Gabriel Gemayel se trouvent sur sa page Instagram:
https://instagram.com/ferge.lb?utm_medium=copy_link
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