Dans le cadre de notre série sur le financement des partis au Liban, nous avons relevé que le cadre réglementaire du financement de la vie politique dans le pays est très chétif, pour ne pas dire quasiment inexistant. Il n’en est évidemment pas de même en France, en Allemagne ou encore aux États-Unis. D'où l'utilité de passer en revue les législations en vigueur dans ces pays afin de déterminer dans quelle mesure il serait judicieux de s’en inspirer au Liban. Comme dans les articles précédents sur les finances des partis locaux, il ne s’agit pas d’aborder la période électorale (même s’il y sera fait référence), mais plutôt la gestion quotidienne en temps normal. Dans ces pays, les dépenses majeures qu'assument les partis sont de moins en moins celles de l’apparatus de la formation, et n’ont en règle générale rien à voir avec les dépenses libanaises classiques comme les rémunérations de gardes du corps et les autres dépenses souvent clientélistes. En effet, il s’agit plutôt dans ces trois pays de frais davantage liés au marketing politique et notamment aux campagnes de communication.
France
Les affaires Sarkozy comme celle dite du « financement libyen » ou encore l’affaire Bygmalion pour laquelle l’ancien président a été condamné sont certes en rapport avec le financement de campagnes électorales, mais elles sont surtout le signe que même une démocratie avancée peut subir des secousses sur le plan du financement politique. Comment les partis français sont-ils financés ? Globalement à travers des ressources aussi bien privées que publiques.
Lire aussi : Le déclin financier du Courant du Futur, la discrétion du PSP (1/5)
Pour ce qui est du financement privé, il se divise d’une part en cotisations des adhérents et élus du partis, et de l’autre en dons effectués par des particuliers. Ces dons sont plafonnés à 7.500 euros par personne et par an et s'opèrent souvent en période électorale car celle-ci galvanise les foules d’électeurs et de militants. Ces donateurs et cotisants peuvent par ces seuls dons, bénéficier de mesures d’incitation fiscale consistant en une réduction d’impôt sur le revenu à hauteur de 66%. Il faut noter qu’en France, les dons des personnes morales (c’est-à-dire par exemple des sociétés privées ou encore des ONG) sont expressément interdits par la loi depuis 1995, notamment pour restreindre l’influence des lobbies en tout genre.
En contrepartie de cette interdiction, qui a occasionné un manque important dans le budget des partis, la France a choisi d’instituer un système de financement public à leur profit. Afin d’obtenir ces aides de l’État, les partis doivent avoir présenté des candidats ayant obtenu plus de 1% des voix dans au moins 50 circonscriptions aux dernières législatives, et remporter un nombre de sièges parlementaires. Et ce sous réserve pour les candidats de déclarer leurs comptes auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Les partis doivent également se conformer à la parité hommes-femmes sous peine de pénalités financières.
Lire aussi :L’inventivité débordante du Hezbollah pour renflouer ses caisses (2/5)
Aujourd’hui, l’État est la première source de financement des partis politiques français. Mais c’est seulement à partir de 1988 qu’il a commencé à y avoir des règles spéciales sur le financement des partis. Depuis, de nombreuses lois sont intervenues pour combler ce manque, les dernières étant les lois pour la confiance dans la vie politique du 15 septembre 2017. Et en 2018, le total de l'aide publique aux partis et groupements politiques s’est élevé à 66,190 millions d'euros, répartis pour les dix premiers d’entre eux comme dans le graphe suivant :
Source : www.vie-publique.fr
Allemagne
Il faut savoir que ce sont l’Allemagne et les pays scandinaves qui, surtout dans les années 1960, ont été les pionniers de la réglementation du financement de la vie politique. En Allemagne, l’origine de la pratique remonte même à la Loi fondamentale de 1949. Le principe directeur est clair et reflète bien la culture de ces pays : celui de la transparence dans les affaires publiques. L’Allemagne moderne reste néanmoins marquée par le souvenir de l’affaire des caisses noires de la CDU, qui a révélé des pratiques illégales sur le plan du financement du parti sous le mandat du chancelier Helmut Kohl, affaire qui a fait tomber plusieurs personnalités politiques allemandes. C’est nulle autre qu’Angela Merkel qui avait ensuite permis le «sauvetage» politique de son parti grâce au renouvellement apporté par son équipe.
Lire aussi : Pistes sur le financement du parti aouniste (3/5)
Au pays de Goethe, le financement des partis politiques est encadré depuis 1967 par une législation spéciale, la Parteiengesetz, ou loi sur les partis, profondément remaniée en 1994 et ayant connu par la suite quelques modifications supplémentaires. Comme en France, le financement des partis y est également mixte (public et privé). Cependant, contrairement à la France, les dons des particuliers n’y sont pas limités, et ceux des personnes morales (notamment les entreprises) sont licites. D’autre part si le financement public occupe en Allemagne une part importante des ressources des partis, cette part ne peut excéder le total des recettes annuelles réalisées par chaque parti (en dehors des aides publiques).
Comme l’explique un rapport du Parlement allemand, «la répartition de ces fonds publics est fonction de l’enracinement des partis dans la société. Cet enracinement se mesure d’un côté aux résultats obtenus aux dernières élections au Parlement européen et au Bundestag, ainsi qu’aux élections régionales (Landtage), et de l’autre selon le montant des dotations en provenance de personnes physiques (cotisations et dons, NDLR)». Pour prétendre au financement public, les partis sont dans l’obligation de «rendre compte de la provenance et de l’affectation de leurs ressources et de leurs biens dans un rapport d’activité», comme on peut le lire dans le même rapport du Bundestag. Le volume total de financement public est fixé annuellement en février. En 2012, il a par exemple été fixé à 150,8 millions d’euros (soit plus du double du même montant alloué aux partis par la France en 2018).
États-Unis
Aux États-Unis alors que dès 1907 le président Theodore Roosevelt préconisait déjà un financement « par le Congrès », donc public, pour les dépenses légitimes de chacun des grands partis nationaux, la pratique est loin de l’avoir adopté aujourd’hui. Un cadre pro-financement public y existait certes depuis la loi Tillman de 1907, qui interdisait aux entreprises toute contribution directe aux élections, mais son impact est resté assez minime dans la mesure où cette loi ne prévoyait pas de méthodes effectives pour l’appliquer comme une obligation de divulgation par les candidats de leurs sources de revenus.
Lire aussi :Les origines du financement des partis d’opposition, F.L. et Kataëb (4/5)
Il faut dire qu’aux États-Unis, le cœur battant du financement de la vie politique est presque exclusivement représenté par les élections. Même le cadre juridique se base très majoritairement sur les périodes électorales, très régulières au sein de la première puissance mondiale. Ainsi, le cadre juridique général est fixé par la Loi sur les campagnes électorales fédérales de 1971 (Federal Election Campaign Act, FECA), modifiée en 1974 et à plusieurs reprises ensuite. Mais il porte surtout sur le financement des élections. L’apport de cette loi est qu’elle crée la FEC (Federal Election Commission) qui encadre et fortifie les règles relatives au financement des campagnes électorales, en imposant par exemple un plafonnement des dépenses de chaque candidat, et une publication de ses sources de revenus. Ce plafonnement a été déclaré anticonstitutionnel en 1976 par la Cour Suprême, mais il a été maintenu pour les candidats désirant recevoir des fonds publics. C’est Barack Obama qui rompt définitivement cette pratique en choisissant de refuser le financement public, ce qui catalyse fortement les fonds privés en faveur du candidat en 2008.
Lire aussi : Les deniers du mouvement Amal (5/5)
En 2010, la Cour Suprême a même accordé aux entreprises la possibilité de financer les campagnes de publicité politique en faveur ou défaveur d’un candidat dans un arrêt historique et très controversé, Citizens United v. Federal Election Commission. Dès lors, les plafonds des dons pour les PACs (Political Action Committees), qui sont des comités indépendants des partis et des candidats mais choisissant d’en appuyer un, sont abolis. De ce fait, ces comités rassemblent de telles sommes et atteignent une telle ampleur qu’ils peuvent complètement porter un parti ou un candidat au pouvoir, et qu’ils viennent se substituer aux sommes généralement requises par les partis classiques pour leur fonctionnement quotidien. En effet, les partis dépendent aujourd’hui beaucoup plus des sommes versées par des donateurs, entreprises et lobbies en tous genres à ces comités. C’est par exemple souvent l’emblématique NRA (National Rifle Association), une association dont le but est de promouvoir pour les Américains le droit de posséder et de porter des armes, qui est montrée du doigt pour dénoncer l’influence du lobby des armes sur la politique partisane américaine.
Lire aussi : Liban – Le financement des partis face à la loi
Note : Ce tableau de Yves-Marie Doublet datant de 2001 est pour certaines données devenu obsolète ; comme par exemple le financement par les entreprises qui est aujourd’hui permis aux États-Unis depuis la décision de la Cour Suprême, Citizens United v. Federal Election Commission (2010).
France
Les affaires Sarkozy comme celle dite du « financement libyen » ou encore l’affaire Bygmalion pour laquelle l’ancien président a été condamné sont certes en rapport avec le financement de campagnes électorales, mais elles sont surtout le signe que même une démocratie avancée peut subir des secousses sur le plan du financement politique. Comment les partis français sont-ils financés ? Globalement à travers des ressources aussi bien privées que publiques.
Lire aussi : Le déclin financier du Courant du Futur, la discrétion du PSP (1/5)
Pour ce qui est du financement privé, il se divise d’une part en cotisations des adhérents et élus du partis, et de l’autre en dons effectués par des particuliers. Ces dons sont plafonnés à 7.500 euros par personne et par an et s'opèrent souvent en période électorale car celle-ci galvanise les foules d’électeurs et de militants. Ces donateurs et cotisants peuvent par ces seuls dons, bénéficier de mesures d’incitation fiscale consistant en une réduction d’impôt sur le revenu à hauteur de 66%. Il faut noter qu’en France, les dons des personnes morales (c’est-à-dire par exemple des sociétés privées ou encore des ONG) sont expressément interdits par la loi depuis 1995, notamment pour restreindre l’influence des lobbies en tout genre.
En contrepartie de cette interdiction, qui a occasionné un manque important dans le budget des partis, la France a choisi d’instituer un système de financement public à leur profit. Afin d’obtenir ces aides de l’État, les partis doivent avoir présenté des candidats ayant obtenu plus de 1% des voix dans au moins 50 circonscriptions aux dernières législatives, et remporter un nombre de sièges parlementaires. Et ce sous réserve pour les candidats de déclarer leurs comptes auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Les partis doivent également se conformer à la parité hommes-femmes sous peine de pénalités financières.
Lire aussi :L’inventivité débordante du Hezbollah pour renflouer ses caisses (2/5)
Aujourd’hui, l’État est la première source de financement des partis politiques français. Mais c’est seulement à partir de 1988 qu’il a commencé à y avoir des règles spéciales sur le financement des partis. Depuis, de nombreuses lois sont intervenues pour combler ce manque, les dernières étant les lois pour la confiance dans la vie politique du 15 septembre 2017. Et en 2018, le total de l'aide publique aux partis et groupements politiques s’est élevé à 66,190 millions d'euros, répartis pour les dix premiers d’entre eux comme dans le graphe suivant :
Source : www.vie-publique.fr
Allemagne
Il faut savoir que ce sont l’Allemagne et les pays scandinaves qui, surtout dans les années 1960, ont été les pionniers de la réglementation du financement de la vie politique. En Allemagne, l’origine de la pratique remonte même à la Loi fondamentale de 1949. Le principe directeur est clair et reflète bien la culture de ces pays : celui de la transparence dans les affaires publiques. L’Allemagne moderne reste néanmoins marquée par le souvenir de l’affaire des caisses noires de la CDU, qui a révélé des pratiques illégales sur le plan du financement du parti sous le mandat du chancelier Helmut Kohl, affaire qui a fait tomber plusieurs personnalités politiques allemandes. C’est nulle autre qu’Angela Merkel qui avait ensuite permis le «sauvetage» politique de son parti grâce au renouvellement apporté par son équipe.
Lire aussi : Pistes sur le financement du parti aouniste (3/5)
Au pays de Goethe, le financement des partis politiques est encadré depuis 1967 par une législation spéciale, la Parteiengesetz, ou loi sur les partis, profondément remaniée en 1994 et ayant connu par la suite quelques modifications supplémentaires. Comme en France, le financement des partis y est également mixte (public et privé). Cependant, contrairement à la France, les dons des particuliers n’y sont pas limités, et ceux des personnes morales (notamment les entreprises) sont licites. D’autre part si le financement public occupe en Allemagne une part importante des ressources des partis, cette part ne peut excéder le total des recettes annuelles réalisées par chaque parti (en dehors des aides publiques).
Comme l’explique un rapport du Parlement allemand, «la répartition de ces fonds publics est fonction de l’enracinement des partis dans la société. Cet enracinement se mesure d’un côté aux résultats obtenus aux dernières élections au Parlement européen et au Bundestag, ainsi qu’aux élections régionales (Landtage), et de l’autre selon le montant des dotations en provenance de personnes physiques (cotisations et dons, NDLR)». Pour prétendre au financement public, les partis sont dans l’obligation de «rendre compte de la provenance et de l’affectation de leurs ressources et de leurs biens dans un rapport d’activité», comme on peut le lire dans le même rapport du Bundestag. Le volume total de financement public est fixé annuellement en février. En 2012, il a par exemple été fixé à 150,8 millions d’euros (soit plus du double du même montant alloué aux partis par la France en 2018).
États-Unis
Aux États-Unis alors que dès 1907 le président Theodore Roosevelt préconisait déjà un financement « par le Congrès », donc public, pour les dépenses légitimes de chacun des grands partis nationaux, la pratique est loin de l’avoir adopté aujourd’hui. Un cadre pro-financement public y existait certes depuis la loi Tillman de 1907, qui interdisait aux entreprises toute contribution directe aux élections, mais son impact est resté assez minime dans la mesure où cette loi ne prévoyait pas de méthodes effectives pour l’appliquer comme une obligation de divulgation par les candidats de leurs sources de revenus.
Lire aussi :Les origines du financement des partis d’opposition, F.L. et Kataëb (4/5)
Il faut dire qu’aux États-Unis, le cœur battant du financement de la vie politique est presque exclusivement représenté par les élections. Même le cadre juridique se base très majoritairement sur les périodes électorales, très régulières au sein de la première puissance mondiale. Ainsi, le cadre juridique général est fixé par la Loi sur les campagnes électorales fédérales de 1971 (Federal Election Campaign Act, FECA), modifiée en 1974 et à plusieurs reprises ensuite. Mais il porte surtout sur le financement des élections. L’apport de cette loi est qu’elle crée la FEC (Federal Election Commission) qui encadre et fortifie les règles relatives au financement des campagnes électorales, en imposant par exemple un plafonnement des dépenses de chaque candidat, et une publication de ses sources de revenus. Ce plafonnement a été déclaré anticonstitutionnel en 1976 par la Cour Suprême, mais il a été maintenu pour les candidats désirant recevoir des fonds publics. C’est Barack Obama qui rompt définitivement cette pratique en choisissant de refuser le financement public, ce qui catalyse fortement les fonds privés en faveur du candidat en 2008.
Lire aussi : Les deniers du mouvement Amal (5/5)
En 2010, la Cour Suprême a même accordé aux entreprises la possibilité de financer les campagnes de publicité politique en faveur ou défaveur d’un candidat dans un arrêt historique et très controversé, Citizens United v. Federal Election Commission. Dès lors, les plafonds des dons pour les PACs (Political Action Committees), qui sont des comités indépendants des partis et des candidats mais choisissant d’en appuyer un, sont abolis. De ce fait, ces comités rassemblent de telles sommes et atteignent une telle ampleur qu’ils peuvent complètement porter un parti ou un candidat au pouvoir, et qu’ils viennent se substituer aux sommes généralement requises par les partis classiques pour leur fonctionnement quotidien. En effet, les partis dépendent aujourd’hui beaucoup plus des sommes versées par des donateurs, entreprises et lobbies en tous genres à ces comités. C’est par exemple souvent l’emblématique NRA (National Rifle Association), une association dont le but est de promouvoir pour les Américains le droit de posséder et de porter des armes, qui est montrée du doigt pour dénoncer l’influence du lobby des armes sur la politique partisane américaine.
Lire aussi : Liban – Le financement des partis face à la loi
Note : Ce tableau de Yves-Marie Doublet datant de 2001 est pour certaines données devenu obsolète ; comme par exemple le financement par les entreprises qui est aujourd’hui permis aux États-Unis depuis la décision de la Cour Suprême, Citizens United v. Federal Election Commission (2010).
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