Le financement de la vie politique au Liban 4/5 : après les partis de l’establishment représentés au gouvernement, les cas des Forces Libanaises et des Kataëb.

Dans le cadre de notre série sur le financement de la vie politique au Liban, nous avons exposé dans les articles précédents les cas des partis de l’establishment qui détiennent réellement le pouvoir (Le Hezbollah, le courant du Futur, le Parti Socialiste Progressiste, et le Courant Patriotique Libre). Nous abordons dans ce quatrième article de la série les sources de financement de deux partis qui ont choisi de se positionner dans le camp de l’opposition souverainiste : l’un à travers l’action parlementaire, les Forces Libanaises, et l’autre en se plaçant en dehors des institutions étatiques, les Kataëb.

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Les Forces Libanaises

À la suite de la démission des députés Kataëb et autres indépendants du Parlement, les Forces Libanaises incarnent le dernier parti qui agit dans le cadre des institutions étatiques mais qui se positionne clairement dans l’opposition au camp présidentiel dominé par l’axe pro-Hezbollah. Fier de ses anciens ministres dont les mains sont " restées propres " tout au long de leur action au sein du gouvernement, le parti des Forces Libanaises n’est toutefois pas à l’abri d’une critique majeure souvent formulée à son égard : le manque de transparence au niveau de son financement. À titre d’exemples sur le plan des dépenses, des évènements tels que la traditionnelle messe des martyrs ou les meetings politiques réguliers à Meerab ainsi que tout le personnel administratif et les agents de sécurité de Samir Geagea, nécessitent un budget important qui suscite des interrogations au sein de l’opinion publique.

Interrogé à ce sujet par Ici Beyrouth, l’ancien ministre de l’Information Melhem Riachi répond en substance que ces frais sont principalement couverts grâce à l’apport majeur de la diaspora libanaise, plus spécialement chrétienne, qui serait très mobilisée autour du projet porté par les FL, notamment au Brésil, en Amérique du Nord (Canada, surtout), en Australie et en Europe. Les dons de ces expatriés libanais et fils d’émigrés peuvent être aussi bien ponctuels que réguliers (à un rythme mensuel ou annuel). De richissimes particuliers arabes sont également en train de soutenir les FL à titre individuel ; " Nous ne sommes financés par aucun État étranger ", précise l’ancien ministre, récemment pointé du doigt pour avoir effectué une visite en Arabie Saoudite.

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Soutien arabe après l’explosion du 4 Août

Même si ce n’était pas dans un cadre politicien, ce soutien de la population arabe a été plus visible à la suite de l’explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020 avec, entre autres, une importante donation d’un million de dollars accordée par l’homme d’affaires et philanthrope émirati Khalaf Al Habtoor pour le comité d’assistance Ground Zero. Ce groupe, affilié aux Forces Libanaises et présidé par l’ancienne ministre May Chidiac, se charge du soutien à la population et de la reconstruction des biens endommagés.
Mais qu’en est-il de la transparence des finances du parti, qui ne sont pas rendues publiques ? Selon Melhem Riachi, " d’une part, les comptes des FL sont régulièrement audités, et de l’autre il existe un comité central qui représente l’assemblée générale du parti, et dont l’une des fonctions est l’observation et le contrôle des rentrées et des dépenses ".

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Le parti Kataëb

Il est également important de se pencher sur les finances du parti Kataëb qui se range parmi les formations contestatrices de la révolution du 17 octobre. Patrick Richa, responsable médiatique du parti, indique à ce propos à Ici Beyrouth : " Fort de ses 85 années d’ancienneté, le parti Kataëb subsiste principalement grâce aux nombreux investissements immobiliers accomplis par les responsables qui se sont succédé à sa direction ". En effet, le parti a accumulé au fil des ans de nombreux biens immobiliers. Et malgré la revente dans les années 90 d’une partie de ces biens et même des meubles qui s’y trouvaient, il lui reste une part non négligeable d’actifs qui produisent des revenus souvent mensuels.


Ainsi, de nombreux appartements et bureaux appartenant au parti sont loués, et les sommes récoltées servent directement au financement de la vie politique des Kataëb. Si l’immobilier est la première source de revenus du parti, ce dernier gère et dirige aussi quelques compagnies, notamment une société d’import-export et une autre œuvrant précisément dans le secteur immobilier et dans la réhabilitation de bâtiments. Il faut également souligner le fait que les membres du parti versent une cotisation annuelle, ce qui peut paraitre anodin mais cela relève presque de l’exceptionnel vu que dans beaucoup d’autres partis la situation est inversée et ce sont les dirigeants qui font preuve de clientélisme en reversant des sommes à leurs membres.

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Évidemment, et comme leurs homologues chrétiens, les Kataëb évoquent aussi le rôle crucial de la diaspora qui se serait mobilisée en masse à leur profit, surtout après l’explosion du 4 Août qui a détruit le quartier général du parti à Saïfi et entrainé, entre autres, le décès du secrétaire général du parti Nazar Najarian. Les donations avaient donc afflué, notamment sur le site internet toujours actif www.savekataebhouse.com. À ce sujet, utiliser internet à l’avantage du parti est un instrument qui n’a pas vraiment été exploité par les autres formations libanaises et que les Kataëb semblent maitriser depuis quelques années déjà. " Avant les élections législatives de 2018, nous avions effectué une campagne de levée de fonds en ligne, simultanément avec une tournée de la diaspora ; les dons avaient été publiés et une compagnie d’audit produisait des rapports mensuels pour plus de transparence " explique M. Richa qui précise enfin que le parti opèrera de la même manière sur ce plan dans les mois à venir, avant les élections de 2022.

Prochain article : Le mouvement Amal

* Il n’y a pas forcément de liens de corruption dans les informations présentées tout le long de ces articles, et c’est à la justice d’établir ou pas la présence de ce type d’infractions.

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