Secteur public: de grève en scandale

 
Depuis quelques jours, les employés de différents ministères organisent des grèves successives pour protester contre une discrimination perçue parmi les fonctionnaires. En effet, certains d'entre eux ont accès à des allocations spéciales, tandis que d'autres ne bénéficient pas de ce privilège.Le premier ministre sortant, Najib Mikati, a demandé de geler l'octroi de ces fonds. Quelle est la situation actuelle et quelles pourraient être les conséquences de cette décision?
Les employés de divers ministères – de l'Information, de l'Agriculture, des Télécoms, du Tourisme, du Travail et de l'Économie – ont annoncé, à tour de rôle, mercredi et jeudi, un arrêt de travail total, dénonçant des inégalités dans l’octroi d’augmentations salariales et d’allocations dans le secteur public.
Ils protestent notamment contre leur exclusion des allocations que le gouvernement a décidé d’accorder à certaines catégories de fonctionnaires. Ceux-ci se sentent lésés après avoir constaté que d’autres départements ont bénéficié de gratifications financières dans le cadre d’une avance approuvée par le Conseil des ministres.
Ils appellent le gouvernement, qui doit tenir une réunion vendredi, à adopter une politique de revalorisation des salaires et des indemnités de fin de service «qui soit équitable et qui permette aux fonctionnaires de vivre dignement».
Gel des avantages
Au vu de cette escalade, le Premier ministre sortant, Najib Mikati, a demandé jeudi au ministre sortant des Finances, Youssef Khalil, de suspendre temporairement les avantages et augmentations octroyés à certains fonctionnaires, dans l'attente d'une discussion lors de la réunion du Conseil des ministres prévue vendredi à 15h30 au Sérail.
À l’annonce de la nouvelle et en guise de protestation, tous les employés du ministère des Finances, lesquels bénéficient de ces avantages, ont décrété une grève.
Cette affaire est des plus bizarres. Sur quelle base des gratifications ont-elles été accordées à un groupe de fonctionnaires et pas à d'autres? Certains cadres de l'administration ont avancé des critères clientélistes, mais ces informations n'ont pas pu être confirmées par Ici Beyrouth. Le ministre sortant des Finances, Youssef el-Khalil, était injoignable.
Ces avantages et augmentations auraient été octroyés aux employés du Grand Sérail, du palais présidentiel, de la Cour des comptes, de l'Inspection centrale, ainsi que de certains ministères, dont celui des Finances, tandis que les fonctionnaires des autres administrations et institutions n'ont rien reçu.

La raison avancée pour justifier l'attribution de ces augmentations est de « motiver ces fonctionnaires pour qu'ils accomplissent leurs tâches ». Cependant, selon les mêmes sources, on s'insurge en soulignant que «les autres fonctionnaires accomplissent également leurs tâches».
D’où proviendrait cet argent pour financer les augmentations, puisque l’État, qui reste réticent à entreprendre les réformes jugées indispensables pour assainir les finances publiques, affirme ne pas disposer des fonds nécessaires pour accorder des revalorisations de salaires aux fonctionnaires?
Selon les rumeurs, à la suite de l'obtention par le Liban d'un prêt de 34 millions de dollars de la Banque mondiale pour le développement de la gestion budgétaire des services publics, il aurait été décidé que ce montant serait distribué à 500 employés du secteur public, soit 65.000 dollars par employé. Cependant, cette information a été rapidement démentie par le bureau de presse du ministère des Finances lundi.
Cependant, personne n'a pu confirmer le nombre précis de fonctionnaires qui bénéficieront de ces avantages, ni même le montant précis dédié à cette générosité, ni la source de l'argent utilisé, ni les critères choisis pour «récompenser et motiver» certains fonctionnaires plutôt que d'autres.
Dans le même contexte, le conseil de coordination des retraités du secteur public observera un sit-in demain, vendredi, place Riad el-Solh, pour réclamer une nouvelle fois une correction progressive des salaires, «fondée sur les principes de justice et d'égalité».
Conséquences de ces grèves
Ces grèves affecteront une série de services et de formalités. Contacté par Ici Beyrouth, le président du syndicat des minotiers, Ahmad Hoteit, révèle ainsi que la cargaison d’un navire chargé de blé, financé par la Banque mondiale, n’a pas pu être déchargée parce que les contrôles et inspections n’ont pas pu être effectués en raison de la grève. Il assure toutefois que les minotiers disposent de stocks, mais qu’au vu de la situation régionale, il vaut mieux être prudent.
De même, le syndicat des importateurs de produits alimentaires, présidé par Hani Bohsali, a publié un communiqué, jeudi, mettant en garde contre «les répercussions importantes de la grève annoncée par les employés du ministère de l'Agriculture et les inspecteurs du service de protection des consommateurs du ministère de l'Économie et du Commerce, notamment en termes d'interruption de l'entrée de produits alimentaires, via les postes frontaliers et les ports libanais».
Le texte précise que de nombreux produits nécessitent des examens et des approbations par le ministère de l'Agriculture, ainsi qu'une inspection par le ministère de l'Économie. Le non-respect de ces procédures perturberait leur mise sur le marché et occasionnerait des frais supplémentaires pour les importateurs, en plus du risque de détérioration de certains types d'aliments.
​Même son de cloche du côté du syndicat des bouchers et importateurs de bétail, qui a appelé le Premier ministre sortant et le Conseil des ministres «à trouver une solution à la grève ouverte annoncée par les employés du ministère de l'Agriculture».
Il a averti que des commandes supplémentaires ont été effectuées en prévision du mois du Ramadan, dont certaines se trouvent déjà au port de Beyrouth et ne peuvent être déchargées parce qu’une approbation du représentant du ministère de l'Agriculture est nécessaire.
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