Ce dimanche 14 avril, l’Ordre des ingénieurs de Beyrouth devra élire un tiers de son conseil et son nouveau président, qui succédera à Aref Yassine.
Cette année, et conformément aux coutumes, le siège du président revient à un chrétien. Le principe de l’alternance, entre chrétien et musulman sunnite, est en vigueur depuis la fondation de l’Ordre en 1951.
Toutefois, Aref Yassine, élu en 2021, est de confession chiite, une première dans l’histoire de l’Ordre.
Plus d’une dizaine de candidats sont en lice dont:
- Pierre Geara, un ancien cadre du Parti national libéral, aujourd’hui indépendant, mais qui jouit du soutien officiel, jusqu’à maintenant, du courant du Futur et non officiel des Forces libanaises (FL) et des Kataëb.
- Fadi Hanna, officiellement soutenu par le Courant patriotique libre (CPL) et le Hezbollah.
- Georges Ghanem, indépendant, qui semble jouir du soutien du Parti socialiste progressiste (PSP).
- Joseph Mechayleh, actuellement vice-président du conseil de l’Ordre et déclaré indépendant, mais faisant partie de la mouvance «le syndicat se soulève» issue du mouvement de contestation du 17 octobre 2019.
- Roy Dagher, soutenu par la société civile de gauche, le parti communiste et certains ingénieurs indépendants.
- Nicolas Chikhani, ingénieur et économiste, soutenu par la société civile de droite et un grand nombre d’indépendants. Rappelons que la candidature de M. Chikhani avait été bloquée sur décision du conseil de l’ordre (à cause d’une question de cotisation), mais une décision judiciaire a validé sa candidature*.
La bataille semble s’orienter vers ce qui, un temps, a été appelé le clivage entre les deux camps du 8 et du 14 Mars, mais elle risque aussi d’être marquée par un éparpillement des voix, à moins d’alliances de dernière minute et de désistements d’ici dimanche. Selon certaines sources, le désistement de certains candidats dépendra en grande partie du soutien qu’accordera le mouvement Amal à l’un ou à l’autre.
Les modalités des élections
L’Ordre des ingénieurs de Beyrouth est divisé en sept sections (civil, agronome, mécanique, entrepreneurs, électricité, architecte, secteur public) qui constituent l’assemblée plénière. Un membre de chaque spécialité siège au conseil en plus de huit autres dont le président.
Une première phase des élections a eu lieu le 10 mars portant sur les élections des ingénieurs civils et agronomes. Cinq membres de chaque spécialité y ont été élus et un président pour chaque section sera élu le 14 avril parmi ces cinq, en plus de l’élection du président et des membres du conseil de l’Ordre. Les élections de la première phase ont été remportées par l’alliance CPL/Amal/Hezbollah.
Durant cette même première phase, près de 250 ingénieurs ont été élus à l’assemblée des délégués. Selon une source au conseil de l’Ordre interrogée par Ici Beyrouth, on peut comparer celle-ci en quelque sorte au Parlement, qui contrôle l’action du conseil. Et celui-ci, toujours dans la même métaphore, peut être comparé à son tour au gouvernement, en charge de l’exécutif.
Durant les élections du 14 avril, cinq membres du conseil de l’Ordre devront être élus, selon le principe du renouvellement du tiers (chaque année cinq nouveaux membres sont élus au conseil de l’ordre). Les ingénieurs devront par la suite élire un président de l’Ordre pour un mandat de trois ans.
Le rendement de l’actuel président, Aref Yassine, issu du mouvement de la contestation, est critiquée par de nombreux ingénieurs, même ceux issus du mouvement du 17 octobre, pour cause de mauvaise gestion et de manque de travail d’équipe. Ce mécontentement aurait favorisé le retour dans l’arène des partis traditionnels.
Près de 3.000 ingénieurs ont pris part à la première phase électorale alors que, de sources de l’Ordre, on s’attend à ce que près de 10.000 participent au scrutin de dimanche.
Le président de l’Ordre est élu pour un mandat de trois ans, en même temps, donc, que cinq autres membres du conseil. Son rôle est déterminant dans les décisions prises par le conseil. Bien qu’il ne puisse pas prendre des décisions unilatérales, il a un rôle de «tie-breaker» en ce sens que sa voix est déterminante lors d’un vote.
Le président de l’Ordre siège également à la direction de l’urbanisme et au Conseil national de l’éducation. Il est aussi important de noter que tout permis de construire sur le territoire libanais doit être validé par l’ordre (de Beyrouth ou de Tripoli).
Un défi financier
Toutefois, l’enjeu ou le défi le plus important de l’élection est lié aux fonds dont dispose(ait) l’ordre ainsi qu’au dossier de l’assurance médicale.
L’Ordre des ingénieurs compte à peu près 50.000 membres (les chiffres varient selon les sources interrogées). Contrairement à un syndicat ou à une association professionnelle, l’appartenance à l’ordre est une obligation pour les professionnels des sections qui y sont représentées. Ils doivent s’y inscrire pour pouvoir exercer leur profession.
Les cotisations sont donc importantes. D’après des sources qui ont requis l’anonymat, le montant des fonds dont dispose l’ordre reste entouré de mystère, mais la crise qui frappe le Liban depuis 2020 s’est étendue à ce corps professionnel. Les cotisations ont été perçues en livres libanaises depuis le début de la crise jusqu’à la fin de 2023 avec tous les aléas que la fluctuation de la monnaie nationale a causés dans l’alimentation des fonds.
Le président élu va aussi hériter du dossier de la caisse des retraites qui cause des remous, les ingénieurs à la retraite ne touchant que cent à deux cents dollars américains par mois, selon les sources interrogées, ainsi que de celui de la couverture médicale.
L’appartenance à l’ordre permet à un ingénieur d’assurer les membres de sa famille, les conjoints, parents, parents des conjoints… Les assurés sont sujets à des taux préférentiels émis par la compagnie d’assurance qui est dans l’obligation de couvrir les souscripteurs, indépendamment de leurs conditions médicales préexistantes.
Si l’on fait un calcul approximatif, en considérant qu’en moyenne chaque membre de l’ordre fait partie d’une famille de 4 personnes, l’on se retrouve avec un «pool» d’assurés de 200.000 personnes.
(*) La décision du tribunal de permettre à M. Chikhani de se présenter à l’élection influera aussi sur le nombre de votants. D’après le règlement intérieur, un ingénieur n’ayant pas réglé l’intégralité de sa cotisation n’a ni le droit de voter ni de se présenter aux élections. Toutefois, fin 2023, l’ordre a imposé le paiement des cotisations en dollars, ce qui a créé une confusion, avec près de 8.000 membres qui ne se sont pas acquittés de la totalité de la somme fixée.
Si la décision du tribunal est appliquée, les listes électorales devront être amendées avant le 14 avril.
Pour rappel: des élections auront également lieu le 14 avril à l’Ordre des ingénieurs de Tripoli.
Cette année, et conformément aux coutumes, le siège du président revient à un chrétien. Le principe de l’alternance, entre chrétien et musulman sunnite, est en vigueur depuis la fondation de l’Ordre en 1951.
Toutefois, Aref Yassine, élu en 2021, est de confession chiite, une première dans l’histoire de l’Ordre.
Plus d’une dizaine de candidats sont en lice dont:
- Pierre Geara, un ancien cadre du Parti national libéral, aujourd’hui indépendant, mais qui jouit du soutien officiel, jusqu’à maintenant, du courant du Futur et non officiel des Forces libanaises (FL) et des Kataëb.
- Fadi Hanna, officiellement soutenu par le Courant patriotique libre (CPL) et le Hezbollah.
- Georges Ghanem, indépendant, qui semble jouir du soutien du Parti socialiste progressiste (PSP).
- Joseph Mechayleh, actuellement vice-président du conseil de l’Ordre et déclaré indépendant, mais faisant partie de la mouvance «le syndicat se soulève» issue du mouvement de contestation du 17 octobre 2019.
- Roy Dagher, soutenu par la société civile de gauche, le parti communiste et certains ingénieurs indépendants.
- Nicolas Chikhani, ingénieur et économiste, soutenu par la société civile de droite et un grand nombre d’indépendants. Rappelons que la candidature de M. Chikhani avait été bloquée sur décision du conseil de l’ordre (à cause d’une question de cotisation), mais une décision judiciaire a validé sa candidature*.
La bataille semble s’orienter vers ce qui, un temps, a été appelé le clivage entre les deux camps du 8 et du 14 Mars, mais elle risque aussi d’être marquée par un éparpillement des voix, à moins d’alliances de dernière minute et de désistements d’ici dimanche. Selon certaines sources, le désistement de certains candidats dépendra en grande partie du soutien qu’accordera le mouvement Amal à l’un ou à l’autre.
Les modalités des élections
L’Ordre des ingénieurs de Beyrouth est divisé en sept sections (civil, agronome, mécanique, entrepreneurs, électricité, architecte, secteur public) qui constituent l’assemblée plénière. Un membre de chaque spécialité siège au conseil en plus de huit autres dont le président.
Une première phase des élections a eu lieu le 10 mars portant sur les élections des ingénieurs civils et agronomes. Cinq membres de chaque spécialité y ont été élus et un président pour chaque section sera élu le 14 avril parmi ces cinq, en plus de l’élection du président et des membres du conseil de l’Ordre. Les élections de la première phase ont été remportées par l’alliance CPL/Amal/Hezbollah.
Durant cette même première phase, près de 250 ingénieurs ont été élus à l’assemblée des délégués. Selon une source au conseil de l’Ordre interrogée par Ici Beyrouth, on peut comparer celle-ci en quelque sorte au Parlement, qui contrôle l’action du conseil. Et celui-ci, toujours dans la même métaphore, peut être comparé à son tour au gouvernement, en charge de l’exécutif.
Durant les élections du 14 avril, cinq membres du conseil de l’Ordre devront être élus, selon le principe du renouvellement du tiers (chaque année cinq nouveaux membres sont élus au conseil de l’ordre). Les ingénieurs devront par la suite élire un président de l’Ordre pour un mandat de trois ans.
Le rendement de l’actuel président, Aref Yassine, issu du mouvement de la contestation, est critiquée par de nombreux ingénieurs, même ceux issus du mouvement du 17 octobre, pour cause de mauvaise gestion et de manque de travail d’équipe. Ce mécontentement aurait favorisé le retour dans l’arène des partis traditionnels.
Près de 3.000 ingénieurs ont pris part à la première phase électorale alors que, de sources de l’Ordre, on s’attend à ce que près de 10.000 participent au scrutin de dimanche.
Le président de l’Ordre est élu pour un mandat de trois ans, en même temps, donc, que cinq autres membres du conseil. Son rôle est déterminant dans les décisions prises par le conseil. Bien qu’il ne puisse pas prendre des décisions unilatérales, il a un rôle de «tie-breaker» en ce sens que sa voix est déterminante lors d’un vote.
Le président de l’Ordre siège également à la direction de l’urbanisme et au Conseil national de l’éducation. Il est aussi important de noter que tout permis de construire sur le territoire libanais doit être validé par l’ordre (de Beyrouth ou de Tripoli).
Un défi financier
Toutefois, l’enjeu ou le défi le plus important de l’élection est lié aux fonds dont dispose(ait) l’ordre ainsi qu’au dossier de l’assurance médicale.
L’Ordre des ingénieurs compte à peu près 50.000 membres (les chiffres varient selon les sources interrogées). Contrairement à un syndicat ou à une association professionnelle, l’appartenance à l’ordre est une obligation pour les professionnels des sections qui y sont représentées. Ils doivent s’y inscrire pour pouvoir exercer leur profession.
Les cotisations sont donc importantes. D’après des sources qui ont requis l’anonymat, le montant des fonds dont dispose l’ordre reste entouré de mystère, mais la crise qui frappe le Liban depuis 2020 s’est étendue à ce corps professionnel. Les cotisations ont été perçues en livres libanaises depuis le début de la crise jusqu’à la fin de 2023 avec tous les aléas que la fluctuation de la monnaie nationale a causés dans l’alimentation des fonds.
Le président élu va aussi hériter du dossier de la caisse des retraites qui cause des remous, les ingénieurs à la retraite ne touchant que cent à deux cents dollars américains par mois, selon les sources interrogées, ainsi que de celui de la couverture médicale.
L’appartenance à l’ordre permet à un ingénieur d’assurer les membres de sa famille, les conjoints, parents, parents des conjoints… Les assurés sont sujets à des taux préférentiels émis par la compagnie d’assurance qui est dans l’obligation de couvrir les souscripteurs, indépendamment de leurs conditions médicales préexistantes.
Si l’on fait un calcul approximatif, en considérant qu’en moyenne chaque membre de l’ordre fait partie d’une famille de 4 personnes, l’on se retrouve avec un «pool» d’assurés de 200.000 personnes.
(*) La décision du tribunal de permettre à M. Chikhani de se présenter à l’élection influera aussi sur le nombre de votants. D’après le règlement intérieur, un ingénieur n’ayant pas réglé l’intégralité de sa cotisation n’a ni le droit de voter ni de se présenter aux élections. Toutefois, fin 2023, l’ordre a imposé le paiement des cotisations en dollars, ce qui a créé une confusion, avec près de 8.000 membres qui ne se sont pas acquittés de la totalité de la somme fixée.
Si la décision du tribunal est appliquée, les listes électorales devront être amendées avant le 14 avril.
Pour rappel: des élections auront également lieu le 14 avril à l’Ordre des ingénieurs de Tripoli.
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