Peu charismatique, ennuyeux, redondant: tels sont souvent les termes qui qualifient le nouveau Premier ministre britannique, Sir Keir Starmer. Cependant, il préfère parler de réalisme et de prudence. Ce titan de la politique franchira le seuil du 10 Downing Street le 5 juillet, mettant ainsi fin à quatorze années de gouvernements conservateurs consécutifs. Le conseiller de la police d'Irlande du Nord en 2003 aurait-il pu imaginer qu’il occupera le siège de Clement Attlee et Tony Blair? S'était-il déjà vu diriger une puissance mondiale telle que le Royaume-Uni? Cet homme politique pragmatique a-t-il été l'artisan de sa propre gloire? Qui est-il vraiment? Retour sur la vie de celui que l'on appelle désormais «Prime Minister Starmer».
Ce minutieux stratège qu'a toujours été Keir Starmer a longtemps prôné l'irréprochabilité dans la fonction publique. Il est difficile de dire qu'il n'a pas réussi à s'y conformer. Depuis son poste de conseiller de la police d'Irlande du Nord en 2003, ce fonctionnaire exemplaire n'a jamais été impliqué dans un scandale, n'a jamais commis de faux-pas, pas même une simple contravention routière. Voici l'image qu'il s'efforçait de construire: celle d'un représentant modèle de la grandeur du Royaume-Uni, un travailleur acharné qui serait toujours à l'avant-scène. Cette anecdote symbolise parfaitement l'image modèle que le Premier ministre tente de se constituer depuis des années. Son apparence, sa tenue vestimentaire et même ses cheveux sont toujours méticuleusement contrôlés. Jamais une cravate de travers, jamais une mèche rebelle échappant au gel appliqué avec soin. Tout chez lui, de son allure à son style, est le reflet d'une discipline rigoureuse et d'un souci constant de perfection.
Diplômé en droit de l'Université d'Oxford en 1986, avocat spécialisé dans les droits de l'Homme jusqu'en 2003, conseiller de la police d'Irlande du Nord jusqu'en 2008, procureur général d'Irlande du Nord jusqu'en 2014, député depuis 2015, membre du «shadow cabinet» (ou cabinet fantôme) et chef du parti travailliste depuis 2020, ce politicien expérimenté peut se vanter d'un parcours des plus brillants. Dans son équipe actuelle règne une discipline de fer, où chaque mot prononcé est soigneusement pesé et réfléchi. Sa prudence inébranlable garantit que chaque promesse faite est tenable, même si cela implique un programme parfois perçu comme vide, mais qu'il considère comme réaliste. Il a toujours affirmé que «les gens ont besoin d'espoir, mais il faut que cela reste réaliste». Il s'est toujours engagé à respecter des règles budgétaires strictes, déterminé à réduire le déficit laissé par les conservateurs, sans faire de promesses imprévoyantes.
L'homme est tellement prudent qu'il suscite un ennui généralisé. Ses discours sont lus au mot près, sans jamais dévier, jamais improviser. Lors de ses débats télévisés face à Rishi Sunak, il s'est même montré faible, incapable de capitaliser sur le bilan catastrophique des conservateurs. Il a toujours refusé de se prêter au jeu des petites phrases et des attaques personnelles, malgré les scandales à répétition de son adversaire Boris Johnson. Keir Starmer exerce un contrôle presque obsessionnel, et ce n'est pas le jour où il franchit le seuil du 10 Downing Street que cela changera. Peut-être a-t-il bénéficié du fait que ses adversaires l'ont toujours sous-estimé? Son allure technocrate ne constitue-t-elle pas justement sa force? Car l'homme est capable de faire preuve d'une surprenante dureté fratricide.
En 2020, un de ses rêves politiques se réalise: Keir Starmer est élu nouveau chef du Parti travailliste. D'ailleurs, tout semblait déjà écrit pour lui. Si, durant son enfance, la politique n'occupe pas une place prépondérante à la maison, les valeurs de gauche demeurent toutefois profondément ancrées. Ainsi, son prénom, assez rare, n'a pas été choisi au hasard: il rend hommage à un syndicaliste écossais et fondateur du Parti travailliste, Keir Hardie. Il arrive à la tête de ce parti dans un contexte très tendu, à la suite d'une des plus grandes défaites travaillistes, au sein d'un parti laminé par les divisions dues au leadership très controversé de son prédécesseur Jeremy Corbyn. Il entame ainsi une purge à gauche, se montrant impitoyable.
Depuis quatre ans, Keir Starmer n'a cessé de purger la gauche et de redresser son parti. En éradiquant l'amateurisme et la controverse suscitée par son prédécesseur, qu'il a même exclu du parti, il se montre intolérant à toute forme d'antisémitisme. Il a réussi à réunir un parti miné par des dissensions internes profondes, à modérer sa politique et à se présenter comme une figure consensuelle et unificatrice. Aujourd'hui, l'aile gauche extrême du parti est furieuse contre lui. En raison de sa modération, il a perdu le soutien d'un électorat autrefois essentiel, la communauté musulmane.
À présent installé au 10 Downing Street, Keir Starmer fait face à un chantier colossal. Connu pour son caractère minutieux et impitoyable, il devra restaurer la confiance des citoyens dans des institutions ébranlées par les crises et les scandales politiques. La reconstruction économique, fragilisée par le Brexit et la pandémie, nécessitera un équilibre entre rigueur budgétaire et soutien aux secteurs vulnérables. Starmer, modèle de prudence et de discipline, devra également réconcilier une société divisée et relever les défis croissants en matière d'infrastructure et de services publics. Sa capacité à maintenir son contrôle rigoureux tout en encourageant l'innovation sera cruciale pour son succès. L'histoire jugera si ce technocrate soigné et résolu saura se transformer en un leader charismatique capable de mener le Royaume-Uni vers un avenir prometteur.
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