Le duopole chiite ne veut pas de président

 
Le duopole chiite ne souhaite pas de président, et ce, depuis le début de la vacance présidentielle, le 31 octobre 2022. Pour preuve, il n'a entrepris aucune action sérieuse pour accélérer l'élection. Ses positions ont, en effet, varié entre, d’un côté le vote blanc et le premier vote en faveur de Sleiman Frangié lors de la séance 12 du 14 juin 2023 où ce dernier a obtenu 51 voix – contre 59 pour l'ancien ministre Jihad Azour, soutenu par l'opposition et le Courant Patriotique Libre – et, de l'autre, le blocage du quorum pour empêcher la tenue d'un second tour, alors même que son candidat avait obtenu 51 voix.
Le duopole ne souhaite donc pas l'élection d'un président. C'est pourquoi il s'accroche à la proposition du président Nabih Berry, annoncée le 1ᵉʳ septembre 2023, appelant à «un dialogue de sept jours, suivi de séances ouvertes avec des sessions successives jusqu'à ce qu’une solution soit trouvée». Berry a demandé: «Que signifie le refus des deux parties concernées (les Forces libanaises et les Kataëb) de toute formule de dialogue et de consensus?»
Face à cette obstination, la position de l'opposition a connu un développement notable: l'abandon de la candidature du député Michel Mouawad malgré le score obtenu, en faveur de celle de Jihad Azour lors de la 12e séance en raison du refus des députés alignés sur l'axe obstructionniste de sa candidature. Le duopole chiite , lui, a maintenu une position inchangée et n'a fait aucun compromis.
Face à cette rigidité, dans une tentative de briser le mur de l'obstination dont fait preuve la moumanaa, et pour mettre à nu sa responsabilité dans le blocage délibéré, l’opposition a proposé de s’entendre sur un troisième candidat: un président indépendant capable de mettre en œuvre des réformes acceptables internationalement et régionalement, conformément aux critères du Quintette.
Le duopole n'a pas modifié sa position et s'est accroché au dialogue selon la formule de M. Berry, avec Sleiman Frangié comme candidat ultime. Malgré ses tentatives répétées d'élire un président, le duopole a tenu l'opposition responsable du blocage de l'élection, accusant notamment les chrétiens, du simple fait que le président est chrétien. Il les a accusés de bloquer l'élection pour des intérêts personnels ou politiques. C'est ce qu'a déclaré Nabih Berry au cardinal Pietro Parolin, secrétaire d'État du Vatican, qui lui a répondu que «tout le monde porte la responsabilité, et non une seule partie». Face à ces faits, l'opposition se demande qui est celui qui bloque, l’opposition ou la Moumanaa?
Pour en revenir au contexte entourant le dossier de l'élection présidentielle, des sources de l'opposition révèlent que «le Hezb s'accroche à l'équation suivante: pas de président qui poignarde la résistance dans le dos et qui n'est pas fiable, ni un président qui ne rassure pas la résistance». C'est pourquoi le Hezb se cramponne à son candidat, Sleiman Frangié. Selon ces sources, il «refuse de discuter de la question de l'élection avant un cessez-le-feu à Gaza.» Cette position a été transmise aux responsables sécuritaires et aux politiciens occidentaux qui ont récemment visité Haret Hreik, fief du Hezbollah.
Selon des sources de l'opposition, «les partis de l'axe obstructionniste, dirigés par l'Iran, sont absorbés par le dossier de Gaza et se désintéressent de l'élection présidentielle». En effet, les affirmations du Hezb selon lesquelles «il n'y a pas de lien entre Gaza et le front sud et l'élection présidentielle» sont incorrectes. Preuve en est que le Hezb refuse de discuter de l'élection et d’entreprendre des actions positives, bien qu'il soit conscient de l'impact et de la responsabilité du duopole dans le dossier.
Si la séparation entre Gaza et l'élection présidentielle était réelle, l'opposition se demande pourquoi le duopole chiite a réagi négativement à son initiative au lieu de la rencontrer pour faciliter l'élection du président? Les positions de M. Berry et des députés du duopole chiite ont rapidement reflété cette négativité envers l'initiative de l'opposition. Pourquoi le duopole n'a-t-il pas contribué à fusionner les initiatives pour obtenir une position commune qui aiderait à convoquer le Parlement pour élire un président? Qui est celui qui bloque cette situation, demande l'opposition? Qui a précédemment bloqué les initiatives du Quintette, de la modération, du PSP, la feuille de route du CPL et qui, aujourd'hui, bloque l'initiative de l'opposition?

Des milieux politiques proches du Hezb estiment que l’échéance présidentielle est secondaire face aux dossiers régionaux et à la guerre à Gaza. La confrontation avec Israël est cruciale et essentielle. Il est ainsi impératif d’empêcher Israël de réaliser ses ambitions expansionnistes et de contrecarrer ses plans visant à empêcher la création d'un État palestinien indépendant et à adopter la solution à deux États.
Aujourd'hui, les préoccupations du Hezb sont d’ordre régional. C'est pourquoi il a focalisé ses efforts sur la ligne du front sud pour soutenir Gaza et maintenir l'engagement d'Israël dans le nord, à la suite de l'échec du projet d’unification des fronts.
Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a souligné, lors de ses dernières interventions, «l'existence de fronts militaires et politiques de soutien pour Gaza, comme la Syrie et l'Iran.»
Dans ce contexte, l'opposition se demande: Pourquoi n'avons-nous pas opté pour le soutien politique, à l’instar de la Syrie et de l'Iran? Nous aurions pu protéger notre peuple et notre terre de la destruction. Pourquoi le Liban doit-il être le seul pays, parmi 21 pays arabes, à soutenir militairement Gaza? Qu’en est-il de la Syrie, forteresse de l'arabité, ou de l'Irak résistant, ou de l'Égypte, cœur de l’arabisme? Et quid des pays du Golfe et du Maghreb?
N'est-il pas étonnant que le Liban, plongé dans ses crises financières et économiques au milieu de la déliquescence de l'État et de la défaillance de ses institutions militaires et sécuritaires incapables d’assurer les besoins les plus élémentaires, soit le seul à soutenir Gaza? Ce choix a eu des conséquences catastrophiques. Des sources au sein des FL se demandent pourquoi le Hezbollah se soucie plus de Gaza que du Liban et de son peuple qui en paient le prix fort?
Après le 8 octobre, il a été établi que la résistance au Liban agit selon l'agenda iranien, car elle est une faction au sein du corps des Gardiens de la Révolution islamique. Le duopole tente d'exploiter cette position dans l'élection présidentielle. Il cherche un accord politique, parallèlement à un cessez-le-feu à Gaza, qui lui assurerait des gains politiques en dehors de l'accord de Taëf, signé en Arabie saoudite en 1989 par toutes les forces politiques.
Un ancien député qui a participé aux réunions saoudiennes affirme «que l'accord de Taëf est le seul accord signé par tous les députés après la guerre au Liban». C'est pourquoi le Hezb cherche à acquérir des positions et des postes importants dans l'État qui garantiraient sa pérennité dans le cadre du grand règlement dans la région. Il cherche ainsi à mettre en place les «brigades de gardes frontaliers», comme en Irak avec le Hachd el-Chaabi. En effet, le Hezb refuse de mettre fin à son rôle de résistance et de se voir désarmé, alors qu’il use de son rôle et de ses armes pour renforcer son autorité sur la scène intérieure.
L'opposition cédera-t-elle au duopole chiite comme l'ont fait les forces du 14 mars en 2016, lorsque le Hezb a insisté sur la nomination du général Michel Aoun selon l'équation «pas de président sauf Aoun», acceptant alors de soutenir ce dernier? Ou maintiendra-t-elle fermement sa demande de respect de la Constitution et la mise en application de l'accord de Taëf dans son intégralité avant toute discussion sur de quelconques modifications?
Des députés de l'opposition affirment que «l'expérience de 2016 ne se répétera pas, quelle que soit l’ampleur des sacrifices. Après le règlement, le Liban ne sera plus jamais comme avant, et nous agirons en conséquence».
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