Est-ce que le Hezbollah contrôlera les 27 sièges chiites de la future Chambre? Tout dépendra principalement de la bataille électorale dans la circonscription du Mont-Liban I entre les listes CPL-Hezbollah, FL-PNL, Souhaid-Bone et Frem-Kataëb-Bloc national.
La bataille électorale de la circonscription du Mont-Liban I, Kesrouan et Jbeil, s’annonce cruciale tant sur la scène chrétienne que chiite: d’une part parce que le Courant patriotique libre (CPL) a fait du Kesrouan son fief depuis le retour de son chef d’exil en 2005, et d’autre part parce que le siège chiite de Jbeil est l’un des seuls – sinon le seul – qui a des chances de ne pas tomber sous la coupe du tandem Hezbollah-Amal.
Dans moins d’un mois, 182.103 électeurs, dont 12.932 inscrits à l'étranger, sont appelés à choisir leurs 8 représentants: 7 maronites (5 au Kesrouan et 2 à Jbeil) et 1 chiite. En 2018, cette circonscription avait obtenu le plus haut taux de participation avec 66,55% (67,09% pour le Kesrouan et 65,94% pour Jbeil) alors que cinq listes s’affrontaient, notamment le CPL et le Hezbollah sur deux listes concurrentes. Cette année, les cartes sont rebattues: le CPL et le parti pro-iranien se sont alliés tandis que les députés sortants, Neemat Frem et Chamel Roukoz, gendre du président de la République, qui avaient été élu sur la liste orange se présentent contre le parti aouniste.
Neemat Frem, tête de la liste "Le cri d’une nation", s’est allié avec l’opposition issue du soulèvement d’Octobre 2019, notamment les Kataëb et le Bloc national, ainsi que d’autres figures indépendantes. Quant au général-gendre, il a formé cette fois-ci une liste avec Farid Haykal el-Khazen nommée "Le cœur du Liban indépendant". Il est important de rappeler que toute la campagne Farid el-Khazen de 2018 s’était portée contre le général Roukoz qui n’est pas originaire du Kesrouan, tout comme Michel Aoun qui fut élu député de la circonscription en 2005 et 2009.
Dans le camp souverainiste, deux listes sont également en ordre de bataille. Les Forces libanaises présentent les mêmes candidats vainqueurs qu’en 2018, Chawki Daccache et Ziad Hawat, et s’allient avec des figures indépendantes comme l’ancien député chiite Mahmoud Aouad et l’avocat Antoine Sfeir, candidat du PNL, sous le slogan "Avec vous, nous pouvons jusqu’au bout". La deuxième liste, appelée "La liberté est une décision", est conduite par l’ancien député et coordinateur du 14 mars Farès Souhaid et son allié Mansour el-Bone. Enfin, deux listes incomplètes, la première rassemblant des figures indépendantes et l’autre soutenue par Citoyens et citoyennes dans un État, sont sur la ligne de départ.
Représentation maronite : la fin du CPL?
Le Kesrouan est le seul caza purement maronite du Liban. Avec 5 sièges à pourvoir et plus de 91% d’électeurs inscrits maronites, ce "maronistan" avait été choisi par Michel Aoun en 2005 pour sa première candidature et y avait obtenu plus de 67.000 voix, le fameux "tsunaMichel Aoun" qui représentait environ 70% des électeurs. Or, depuis ce fameux retour de son exil doré, l’actuel président de la République a déçu de nombreux électeurs. Déjà en 2009, il ne représentait plus qu’approximativement 51% de l’électorat kesrouanais avec un peu moins de 32.000 voix, en raison notamment de son alliance contre-nature avec le Hezbollah en 2006.
En 2018, le député Aoun était déjà devenu le président Aoun, tandis que son gendre Gebran Bassil a pris les manettes du CPL. La liste orange avait obtenu un peu plus de 35.000 voix au Kesrouan, soit plus de 55% de l’électorat kesrouanais. Mais à l’époque, Neemat Frem avec 10.717 voix, Mansour el-Bone avec 6.589 voix et Ziad Baroud avec 3.893 voix étaient sur la même liste que les candidats du CPL, Roger Azar et Chamel Roukoz.
Le scrutin de 2022 semble donc très difficile pour le CPL qui n’a d’autres alliés que le Hezbollah, qui lui-même a besoin de se concentrer sur le siège chiite de Jbeil (voir ci-dessous). La "thawra" est bel et bien passée par Zouk, Ghazir et Jbeil. Selon un analyste politique qui suit de près la campagne à Mont-Liban I, la liste du CPL risque de n’avoir qu’un seul siège maronite dans toute la circonscription, soit Nada Boustany au Kesrouan, soit Simon Abiramia ou Walid Khoury à Jbeil. Si ce scénario se concrétise le 16 mai prochain, Gebran Bassil ne pourra plus, tout comme son beau-père, dire qu’il est à la tête de la communauté maronite libanaise.
Selon le même spécialiste, rien est encore joué pour les autres listes. Les dernières prévisions à ce jour montrent que la liste de Neemat Frem obtiendrait au moins deux sièges, la liste des FL également et aussi celle du CPL-Hezbollah. Il semble par ailleurs possible que la liste de Farès Souhaid et Mansour el-Bone obtienne au moins un siège, probablement au Kesrouan. Tout dépendra de la capacité de Farid Haykal el-Khazen à se qualifier en obtenant 12,5% des voix, le quotient électoral, qui était de 14.452 voix en 2018. Un quotient que la liste du Hezbollah n’avait pas atteint aux dernières législatives, d’où son alliance avec le CPL aujourd'hui.
Souverainistes vs Hezbollah pour le siège chiite de Jbeil
Le Parlement libanais compte 27 sièges dédiés à la communauté chiite. En 2018, le tandem Hezbollah-Amal et leurs alliés avaient réussi à les assurer grâce au système de scrutin proportionnel. Le siège chiite de Jbeil avait failli leur échapper avant que le candidat élu Moustapha el-Husseini ne décide de rejoindre le groupe parlementaire des Marada. Or, le Hezbollah a besoin d’une part de boucler la représentation de la communauté chiite pour maintenir son monopole, et d’autre part de garder la majorité parlementaire en compensant les probables pertes de ses alliés, notamment le CPL. C’est pour cela que pour ces élections, le CPL a accepté que le candidat chiite pour le siège de Jbeil soit choisi par le Hezbollah, en contrepartie d’un candidat chrétien dans la circonscription de la Békaa III ; une concession que Gebran Bassil avait totalement rejetée en 2018, en expliquant que le Mont-Liban I est une circonscription chrétienne et que c’est donc aux chrétiens de choisir leurs candidats.
La liste du CPL et du tandem chiite va vraisemblablement essayer de mobiliser l’électorat chiite qui représente 11,22% des inscrits de la circonscription, soit 20.435 électeurs (18.669 à Jbeil et 1.766 au Kesrouan). La machine électorale du parti pro-iranien a déjà aiguisé ses couteaux clientélistes: selon des informations recueillies par Ici Beyrouth, des équipes sont sur le terrain pour évaluer les besoins des familles chiites, et seize mille lots alimentaires seront distribués pour les ruptures de jeûne du mois de ramadan dans le caza de Jbeil.
Le siège chiite est également la cible des autres listes, notamment celles des souverainistes. Farès Souhaid, porte-parole actuel du Rassemblement de Saydet el-Jabal et membre fondateur du Conseil national pour la levée de l’occupation iranienne, est très clair dans ses positions publiques: il se bat pour que le Hezbollah perde à Jbeil. Dans un entretien télévisé samedi soir chez nos confrères de la chaîne al-Jadeed, l’ancien député a confié qu’il avait proposé de retirer sa candidature pour faire élire un chiite indépendant, mais que Samir Geagea a refusé.
L’attribution du siège chiite dépendra de deux batailles le 15 mai: d’une part, la lutte au sein du CPL entre Simon Abiramia et Walid Khoury au niveau des voix préférentielles, qui permettrait au candidat du Hezbollah Raëd Berro d’obtenir le plus grand nombre de voix préférentielles sur cette liste et donc d’être qualifié avant ses colistiers maronites. Et d’autre part, le risque d’avoir des voix souverainistes dispersées entre la liste des FL et celle de Farès Souhaid, une répartition qui risque de les affaiblir toutes les deux. Il faudra également scruter les décimales de chaque liste pour savoir quelle liste obtiendra le dernier siège à pourvoir.
Alors que les yeux des électeurs maronites sont rivés sur la circonscription des présidentiables un peu plus au Nord, le scrutin du "maronistan" peut constituer la fin d’une double hégémonie: celle des aounistes sur la communauté maronite et celle du Hezbollah sur la communauté chiite.
La bataille électorale de la circonscription du Mont-Liban I, Kesrouan et Jbeil, s’annonce cruciale tant sur la scène chrétienne que chiite: d’une part parce que le Courant patriotique libre (CPL) a fait du Kesrouan son fief depuis le retour de son chef d’exil en 2005, et d’autre part parce que le siège chiite de Jbeil est l’un des seuls – sinon le seul – qui a des chances de ne pas tomber sous la coupe du tandem Hezbollah-Amal.
Dans moins d’un mois, 182.103 électeurs, dont 12.932 inscrits à l'étranger, sont appelés à choisir leurs 8 représentants: 7 maronites (5 au Kesrouan et 2 à Jbeil) et 1 chiite. En 2018, cette circonscription avait obtenu le plus haut taux de participation avec 66,55% (67,09% pour le Kesrouan et 65,94% pour Jbeil) alors que cinq listes s’affrontaient, notamment le CPL et le Hezbollah sur deux listes concurrentes. Cette année, les cartes sont rebattues: le CPL et le parti pro-iranien se sont alliés tandis que les députés sortants, Neemat Frem et Chamel Roukoz, gendre du président de la République, qui avaient été élu sur la liste orange se présentent contre le parti aouniste.
Neemat Frem, tête de la liste "Le cri d’une nation", s’est allié avec l’opposition issue du soulèvement d’Octobre 2019, notamment les Kataëb et le Bloc national, ainsi que d’autres figures indépendantes. Quant au général-gendre, il a formé cette fois-ci une liste avec Farid Haykal el-Khazen nommée "Le cœur du Liban indépendant". Il est important de rappeler que toute la campagne Farid el-Khazen de 2018 s’était portée contre le général Roukoz qui n’est pas originaire du Kesrouan, tout comme Michel Aoun qui fut élu député de la circonscription en 2005 et 2009.
Dans le camp souverainiste, deux listes sont également en ordre de bataille. Les Forces libanaises présentent les mêmes candidats vainqueurs qu’en 2018, Chawki Daccache et Ziad Hawat, et s’allient avec des figures indépendantes comme l’ancien député chiite Mahmoud Aouad et l’avocat Antoine Sfeir, candidat du PNL, sous le slogan "Avec vous, nous pouvons jusqu’au bout". La deuxième liste, appelée "La liberté est une décision", est conduite par l’ancien député et coordinateur du 14 mars Farès Souhaid et son allié Mansour el-Bone. Enfin, deux listes incomplètes, la première rassemblant des figures indépendantes et l’autre soutenue par Citoyens et citoyennes dans un État, sont sur la ligne de départ.
Représentation maronite : la fin du CPL?
Le Kesrouan est le seul caza purement maronite du Liban. Avec 5 sièges à pourvoir et plus de 91% d’électeurs inscrits maronites, ce "maronistan" avait été choisi par Michel Aoun en 2005 pour sa première candidature et y avait obtenu plus de 67.000 voix, le fameux "tsunaMichel Aoun" qui représentait environ 70% des électeurs. Or, depuis ce fameux retour de son exil doré, l’actuel président de la République a déçu de nombreux électeurs. Déjà en 2009, il ne représentait plus qu’approximativement 51% de l’électorat kesrouanais avec un peu moins de 32.000 voix, en raison notamment de son alliance contre-nature avec le Hezbollah en 2006.
En 2018, le député Aoun était déjà devenu le président Aoun, tandis que son gendre Gebran Bassil a pris les manettes du CPL. La liste orange avait obtenu un peu plus de 35.000 voix au Kesrouan, soit plus de 55% de l’électorat kesrouanais. Mais à l’époque, Neemat Frem avec 10.717 voix, Mansour el-Bone avec 6.589 voix et Ziad Baroud avec 3.893 voix étaient sur la même liste que les candidats du CPL, Roger Azar et Chamel Roukoz.
Le scrutin de 2022 semble donc très difficile pour le CPL qui n’a d’autres alliés que le Hezbollah, qui lui-même a besoin de se concentrer sur le siège chiite de Jbeil (voir ci-dessous). La "thawra" est bel et bien passée par Zouk, Ghazir et Jbeil. Selon un analyste politique qui suit de près la campagne à Mont-Liban I, la liste du CPL risque de n’avoir qu’un seul siège maronite dans toute la circonscription, soit Nada Boustany au Kesrouan, soit Simon Abiramia ou Walid Khoury à Jbeil. Si ce scénario se concrétise le 16 mai prochain, Gebran Bassil ne pourra plus, tout comme son beau-père, dire qu’il est à la tête de la communauté maronite libanaise.
Selon le même spécialiste, rien est encore joué pour les autres listes. Les dernières prévisions à ce jour montrent que la liste de Neemat Frem obtiendrait au moins deux sièges, la liste des FL également et aussi celle du CPL-Hezbollah. Il semble par ailleurs possible que la liste de Farès Souhaid et Mansour el-Bone obtienne au moins un siège, probablement au Kesrouan. Tout dépendra de la capacité de Farid Haykal el-Khazen à se qualifier en obtenant 12,5% des voix, le quotient électoral, qui était de 14.452 voix en 2018. Un quotient que la liste du Hezbollah n’avait pas atteint aux dernières législatives, d’où son alliance avec le CPL aujourd'hui.
Souverainistes vs Hezbollah pour le siège chiite de Jbeil
Le Parlement libanais compte 27 sièges dédiés à la communauté chiite. En 2018, le tandem Hezbollah-Amal et leurs alliés avaient réussi à les assurer grâce au système de scrutin proportionnel. Le siège chiite de Jbeil avait failli leur échapper avant que le candidat élu Moustapha el-Husseini ne décide de rejoindre le groupe parlementaire des Marada. Or, le Hezbollah a besoin d’une part de boucler la représentation de la communauté chiite pour maintenir son monopole, et d’autre part de garder la majorité parlementaire en compensant les probables pertes de ses alliés, notamment le CPL. C’est pour cela que pour ces élections, le CPL a accepté que le candidat chiite pour le siège de Jbeil soit choisi par le Hezbollah, en contrepartie d’un candidat chrétien dans la circonscription de la Békaa III ; une concession que Gebran Bassil avait totalement rejetée en 2018, en expliquant que le Mont-Liban I est une circonscription chrétienne et que c’est donc aux chrétiens de choisir leurs candidats.
La liste du CPL et du tandem chiite va vraisemblablement essayer de mobiliser l’électorat chiite qui représente 11,22% des inscrits de la circonscription, soit 20.435 électeurs (18.669 à Jbeil et 1.766 au Kesrouan). La machine électorale du parti pro-iranien a déjà aiguisé ses couteaux clientélistes: selon des informations recueillies par Ici Beyrouth, des équipes sont sur le terrain pour évaluer les besoins des familles chiites, et seize mille lots alimentaires seront distribués pour les ruptures de jeûne du mois de ramadan dans le caza de Jbeil.
Le siège chiite est également la cible des autres listes, notamment celles des souverainistes. Farès Souhaid, porte-parole actuel du Rassemblement de Saydet el-Jabal et membre fondateur du Conseil national pour la levée de l’occupation iranienne, est très clair dans ses positions publiques: il se bat pour que le Hezbollah perde à Jbeil. Dans un entretien télévisé samedi soir chez nos confrères de la chaîne al-Jadeed, l’ancien député a confié qu’il avait proposé de retirer sa candidature pour faire élire un chiite indépendant, mais que Samir Geagea a refusé.
#فارس_سعيد : قدمت اقتراح الى القوات اللبنانية بأن لا اترشح للإنتخابات ويتم انتخاب شيعي مستقل في جبيل لكن القوات رفضت#عالبرنامجTweets by sabehnancy Tweets by FaresSouaid
— قنـــاة الجـــديـــد (@ALJADEEDNEWS)#فارس_سعيد : قدمت اقتراح الى القوات اللبنانية بأن لا اترشح للإنتخابات ويتم انتخاب شيعي مستقل في جبيل لكن القوات رفضت#عالبرنامج@sabehnancy @FaresSouaid
— Al Jadeed News (@ALJADEEDNEWS) April 9, 2022
L’attribution du siège chiite dépendra de deux batailles le 15 mai: d’une part, la lutte au sein du CPL entre Simon Abiramia et Walid Khoury au niveau des voix préférentielles, qui permettrait au candidat du Hezbollah Raëd Berro d’obtenir le plus grand nombre de voix préférentielles sur cette liste et donc d’être qualifié avant ses colistiers maronites. Et d’autre part, le risque d’avoir des voix souverainistes dispersées entre la liste des FL et celle de Farès Souhaid, une répartition qui risque de les affaiblir toutes les deux. Il faudra également scruter les décimales de chaque liste pour savoir quelle liste obtiendra le dernier siège à pourvoir.
Alors que les yeux des électeurs maronites sont rivés sur la circonscription des présidentiables un peu plus au Nord, le scrutin du "maronistan" peut constituer la fin d’une double hégémonie: celle des aounistes sur la communauté maronite et celle du Hezbollah sur la communauté chiite.
Lire aussi
Commentaires