Au Akkar, une école bastion de la francophonie
C’est un établissement un peu particulier, qui se dresse au milieu des plaines du Akkar. Situé dans le village de Qobet Chamra, le Collège Akkar accueille 1.200 élèves, de la petite section au brevet. Créé en 2011, cet établissement vise à pallier le recul de la francophonie. Et ce, grâce à une pédagogie innovante.



Dans la cour de récréation, les enfants se pressent autour de la directrice de l’école, Abir Bodon. À ses questions, tous répondent naturellement en français. Dans le Akkar, région du nord du Liban, une telle scène est devenue rare. Le recul du français y est important. Une langue qui, en général, ne dépasse plus les murs des salles de classes.

C’est dans ce contexte qu’en 2011, Abir Bodon décide de créer un nouvel établissement avec l’aide de ses parents. «Dans le Akkar, il y a beaucoup d’écoles, mais la francophonie n’est vraiment pas présente», explique-t-elle. Elle commence avec 64 élèves. Très vite, sa pédagogie innovante, qui ne bénéficie pas d’accréditation de l’État, plaît. «Les parents ont aimé l’idée», affirme Abir Bodon. Dans le Akkar, beaucoup ne demandent en effet qu’à apprendre et à pratiquer le français. L’établissement accueille des enfants de tous horizons, même si 70% ont des parents fonctionnaires. Il compte également des élèves non musulmans, cas unique dans la région.

«Élève aujourd’hui, innovateur demain»

La recette du succès du Collège Akkar tient sans nul doute à sa pédagogie. «C’est l’enfant et ses besoins qui sont au cœur de cette pédagogie, ainsi que les objectifs que nous nous sommes fixés», affirme Abir Bodon. Des propos qui renvoient au slogan de l’école «élève aujourd’hui, innovateur demain».


Si l’enfant est au cœur des méthodes de travail, le français l’est tout autant. Afin d’enseigner la langue de Molière, l’équipe pédagogique prend soin de placer les élèves en immersion linguistique. Car, comme l’affirme la directrice: «En classe, on n’apprend pas. Comment un élève va-t-il apprendre? Quand il est devant un problème, il va vouloir se défendre, il va chercher les mots. Et c’est là qu’il va apprendre une langue». Du secrétariat à l’infirmerie, le français est donc de mise.

L’idée du Collège Akkar est ainsi de dépasser le simple enseignement du français, afin que les jeunes le pratiquent au quotidien dès le plus jeune âge. Hanane Salaheddine est mère de trois filles, toutes scolarisées dans cet établissement. Depuis huit ans, elle a vu ces dernières pratiquer le français dans leur foyer. «Mes filles parlent à 80% le français à la maison», s’enorgueillit-elle.

Les enseignants de français sont rares
Même si ce projet a pris racine, sa mise en place n’a pas été sans difficultés. Le Akkar est une région où les enseignants de la langue française sont rares. «Sur cinquante candidatures, j’ai pu retenir récemment une seule enseignante de la langue française», soupire Abir Bodon. Ce qui l’oblige à recruter ces derniers dans d’autres régions, plus lointaines.

Malgré cela et la crise que traverse le pays depuis plus de deux ans, l’équipe pédagogique n’abandonne pas. Une ténacité qui a permis aux élèves de ne pas perdre leur niveau durant les confinements. Et aux classes de ne pas fermer en raison de la situation financière. «Je me bats, je ne lâche pas, car c’est l’avenir de tous ces enfants, et donc de notre pays, qui est en jeu», martèle la directrice.

L’apprentissage du français est pour elle, ainsi que pour les parents d’élèves, essentiel. Au-delà de son aspect culturel, parler français facilite l’apprentissage d’autres langues telles que l’anglais. C’est également un moyen d’intégrer des universités prestigieuses à l’étranger. Un réel atout donc, alors que tant de jeunes aspirent à quitter un pays en crise.

Fidèle au slogan de son établissement, Abir Bodon aspire à faire de l’école et de la francophonie un véritable tremplin dans la vie des élèves. Elle voit ces derniers comme des enfants avec un avenir, un tout et non seulement de simples écoliers. «L’école permet de faire le changement. En véhiculant des principes et en les appliquant à l’école, comme l’égalité, les droits, les devoirs, on peut changer les mentalités et faire progresser les choses», conclut-elle. Un véritable message d’espérance alors que le Akkar est l’une des régions pauvres du Liban où l’éducation est aujourd’hui menacée.
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