Les traits marquants du scrutin de 2022
Les résultats des élections législatives qui se sont achevées le 15 mai ont débouché incontestablement sur un nouveau paysage politique et un rapport de forces qui ouvre des perspectives intéressantes à plus d’un niveau. Les principaux éléments marquants de ce scrutin peuvent être résumés comme suit :



  • Le camp du Hezbollah et de ses différents alliés a manifestement perdu la majorité parlementaire. La nombre de sièges dont il bénéficiait est passé de 71 (à la suite du scrutin de 2018) à une soixantaine, donc bien en deçà de la majorité absolue de 65.

  • La société civile a fait une entrée fracassante à la Chambre par le biais d’une quinzaine de jeunes indépendants dont une bonne partie se sont distingués par leur activisme soit lors du mouvement de contestation du 17 octobre 2019 soit à la faveur d’actions axées sur l’environnement, les droits humains ou le développement dans les régions périphériques. Cette implication de jeunes dans plusieurs circonscriptions de manière concomitante dans une même bataille électorale sous le signe du « changement » et de la contestation est un phénomène nouveau dans la vie politique libanaise.

  • Le parti des Forces libanaises est l’autre grand vainqueur de ce scrutin législatif et a enregistré d’importantes percées. Son bloc parlementaire qui comptait 13 députés à la suite des élections de 2018 est passé à 19 députés, auxquels il faut ajouter au moins 3 alliés. Les FL représentent désormais le plus grand bloc parlementaire chrétien et le plus grand au sein de la nouvelle Chambre. Cette victoire a été enregistrée en dépit du fait que les FL ont été la cible depuis plus d’un an d’une farouche campagne fiévreuse menée sans discontinu contre le parti et Samir Geagea par le Hezbollah, le chef du Courant patriotique libre Gebrane Bassil et certains partis censés être du même bord que les FL.


  • Un examen détaillé du nombre de voix préférentielles obtenues par les candidats chrétiens des FL et du Courant patriotique libre dans les différentes circonscriptions à prédominance chrétienne montre clairement une grande différence dans le nombre de voix entre les candidats FL et les candidats CPL au profit des FL, ce qui reflète un profond changement dans la représentativité chrétienne au profit des FL.

  • Des personnalités de premier plan connues pour leurs positions radicales contre l’emprise iranienne sur le pouvoir font leur entrée au Parlement, telles que le général Achraf Rifi et le président du Parti national libéral, Camille Chamoun.

  • Les principales personnalités alliées au Hezbollah et proches de Bachar el-Assad ont perdu leur bataille électorale. Il s’agit notamment du vice-président sortant de la Chambre, Elie Ferzli, et de Assaad Herdane (Parti syrien national social, qui n’est plus représenté au sein de la nouvelle Chambre), Talal Arslane, Wiaam Wahab, Fayçal Karamé.

  • Le Hezbollah n’a pas réussi à atteindre les principaux objectifs qu’il s’était fixés, selon diverses sources concordances, à savoir empêcher l’élection du député FL sortant Antoine Habchi à Baalbeck-Hermel et saper le leadership druze de Walid Joumblatt.

  • Le Courant patriotique libre a pâti d’un net recul, certes, mais il a quand même réussi à remporter 17 sièges (contre 25 en 2018), en débit du bilan catastrophique (sans précédent dans l’histoire du Liban) du mandat du président Michel Aoun et de la gestion désastreuse du Courant patriotique libre au sein de l’exécutif, notamment au niveau du secteur de l’électricité.

  • Des percées spectaculaires ont été enregistrées dans des circonscriptions qui étaient considérées comme les bastions de certains partis. Les FL ont ainsi perdu, à la grande surprise, un siège dans leur fief de Becharré au profit des Marada, lesquels ont perdu, par contre, un siège dans leur fief de Zghorta. Le CPL, pour sa part, a été totalement éliminé de l’une de ses places fortes, la circonscription de Saïda-Jezzine (au profit des FL), tandis que le rouleau compresseur du tandem chiite Hezbollah-Amal dans la circonscription Liban-Sud III (Nabatieh-Marjayoun, Hasbaya et Bint Jbeil) n’a pas pu empêcher une percée de la liste de gauche représentant la société civile, qui a remporté deux sièges sur onze.

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