La lutte d’influence au sein de la Chambre est bel et bien enclenchée, surtout au vu des enjeux et des nombreuses échéances à venir (formation d’un nouveau gouvernement, élection présidentielle, négociations avec le FMI, délimitation des frontières maritimes, etc.)
À première vue, rien n’est à signaler. Une ambiance – voulue – d’apaisement et de calme semble régner, due probablement à la défaite cuisante des partis proches de l’axe obstructionniste (la Moumanaa). En effet, le Hezbollah et ses alliés ont perdu la majorité parlementaire à la suite du scrutin du 15 mai dernier, au profit des partis et personnalités souverainistes qui sont hostiles à l’emprise iranienne et du Hezbollah sur le pouvoir, et d’un groupe de 13 députés se réclamant de la contestation du 17 octobre 2019. Néanmoins derrière cette façade calme et réservée, une vraie lutte de pouvoir a démarré entre les différentes entités politiques pour élire le président et le vice-président du Parlement, ainsi que les membres du bureau de la Chambre.
Les élections législatives qui ont eu lieu le dimanche dernier ont insufflé un espoir de changement et de renouveau dans le cœur et l’esprit des Libanais, avec l’élection de candidats indépendants issus des mouvements de contestation du 17 octobre 2019, lesquels ont pu accéder à 13 sièges parlementaires. Une nouvelle Assemblée a donc vu le jour et a entamé son mandat de quatre ans dans la nuit de samedi à dimanche.
Conformément aux termes de la Constitution, le doyen d’âge du Parlement, en l’occurrence son président sortant et chef du mouvement Amal, Nabih Berry, doit convoquer à une séance plénière dans un délai de quinze jours pour que ces élections aient lieu.
La présidence de la Chambre
Deux noms de candidats chiites ont été avancés pour succéder à l’inamovible Nabih Berry, qui a occupé le perchoir pendant plus de 30 ans; et qui malgré son âge avancé, se porte toujours volontaire pour remplir cette fonction. Il s’agit notamment de l’ancienne ministre et députée élue Inaya Ezzeddine, proche du camp de M. Berry ; ainsi que du député élu et ouvertement pro-syrien Jamil el-Sayyed.
Ces deux candidatures ne bénéficient pas d’appui au Parlement, à en croire les échos issus des hautes sphères politiques. "La candidature de Nabih Berry est naturelle et sera validée lors de la prochaine séance parlementaire", révèle une source informée à Ici Beyrouth. D’ailleurs, le tandem chiite soutient sa candidature, ainsi que le Parti socialiste progressiste (PSP), ajoute-elle.
Plus encore, le mufti Jaafari, le cheikh Ahmad Kabalan, proche du Hezbollah, s’est montré catégorique concernant la réélection du président sortant du Parlement, selon un communiqué qu'il a publié dimanche: "Nous désignerons Nabih Berry en tant que président de la Chambre, point à la ligne".
Toutefois, la candidature de M. Berry ne fait pas l’unanimité, surtout auprès des Forces libanaises (FL). "Nous voterons blanc lors de la prochaine séance parlementaire, car le rôle du Parlement est, entre autres, de définir les positions politique, stratégique et militaire du pays, et nous refusons d’être menés dans une direction à laquelle nous n’adhérons pas", indique une source proche du parti.
Le Courant patriotique libre (CPL, aouniste) aurait aussi annoncé son refus de voter pour la réélection de M. Berry. Le même son de cloche a été exprimé par quelques députés indépendants, notamment Ibrahim Mneinmé et Marc Daou.
Quoiqu’il en soit, le tandem chiite formé par le mouvement Amal et le Hezbollah comprend 27 députés chiites aux ordres. Ajoutons à ce nombre les parlementaires proches de l’axe de la Moumanaa et pro-8 Mars, et le compte sera probablement en faveur de la continuité de M. Berry en tant que président de la Chambre.
La vice-présidence
Si la réélection de M. Berry semble assurée, c’est que la vraie bataille est ailleurs. Plus précisément pour la vice-présidence de l’Assemblée. C’est ce que nous précise la source FL précitée: "Nous tablons sur l’élection du vice-président de la Chambre, car elle pourra certainement faire la différence. Cela se fera en coordination avec les forces souverainistes du Parlement, ainsi qu’avec le Parti national libéral (PNL), les Kataëb, le PSP, les députés du 17 octobre 2019, Michel Mouawad, Neemat Frem, etc."
La vice-présidence de la Chambre revient traditionnellement à un député issu de la communauté grec-orthodoxe. Pour le moment, trois noms ont été proposés: Ghassan Hasbani pour les FL (bien que ces derniers n’ont toujours pas officialisé sa candidature), Élias Bou Saab (proche du CPL) et Melhem Khalaf (indépendant).
Cependant, une information plutôt déconcertante a fait surface dans la nuit de jeudi à vendredi, au cours de l’émission hebdomadaire Sar el-Waet, diffusée sur la chaîne télévisée MTV. Melhem Khalaf, ancien bâtonnier et député de Beyrouth II, se serait entretenu discrètement mercredi soir avec Nabih Berry à Aïn el-Tiné pour peaufiner les détails de son accession au siège de la vice-présidence du Parlement, selon des sources proches du président de la Chambre. Cette nouvelle a eu l’effet d’une bombe, d’autant plus qu’a priori M. Khalaf refuse de s’associer ou d’adhérer aux jeux des partis politiques. D’ailleurs, ce dernier s’est empressé de démentir les faits et de s’attaquer au journaliste qui avait dévoilé cette information. Il faudra sans doute s’armer de patience pour savoir ce qui a vraiment pu transparaître entre MM. Berry et Khalaf.
Le bureau de la Chambre
En ce qui concerne l’élection du bureau de la Chambre, le suspense est à son paroxysme, car il serait très possible que le scénario qui avait pris place en 2018 se reproduise en 2022.
En 2018, le CPL se targuait de détenir le plus grand groupe parlementaire. C’est pourquoi le parti aouniste a pu faire élire ses députés Alain Aoun et Ibrahim Kanaan, respectivement secrétaire du Parlement et président de la commission parlementaire des Finances et du Budget. Les FL, quant à eux, ont pu faire élire leur député Georges Adwan à la présidence de la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice (il est nécessaire de noter que les deux commissions parlementaires mentionnées sont réputées pour être les deux commissions les plus importantes au sein du Parlement).
Maintenant que les FL revendiquent le plus grand bloc à l’Assemblée, pourront-ils faire élire les candidats de leur choix en tant que secrétaire de la Chambre et président de l’une des commissions parlementaires précitées? Et dans quelle mesure un marchandage entre les deux partis politiques chrétiens pourrait-il avoir lieu? Dirigerions-nous vers un nouveau blocage parlementaire?
Pour le moment, aucune réponse définitive ne pourrait être donnée, puisqu’il est encore tôt pour se prononcer sur le sujet. Néanmoins, une certitude demeure: la lutte d’influence au sein de la Chambre est bel et bien enclenchée, surtout au vu des enjeux et des nombreuses échéances à venir: la formation d’un nouveau gouvernement, l’élection présidentielle, les négociations avec le FMI, la délimitation des frontières maritimes, etc.)
À première vue, rien n’est à signaler. Une ambiance – voulue – d’apaisement et de calme semble régner, due probablement à la défaite cuisante des partis proches de l’axe obstructionniste (la Moumanaa). En effet, le Hezbollah et ses alliés ont perdu la majorité parlementaire à la suite du scrutin du 15 mai dernier, au profit des partis et personnalités souverainistes qui sont hostiles à l’emprise iranienne et du Hezbollah sur le pouvoir, et d’un groupe de 13 députés se réclamant de la contestation du 17 octobre 2019. Néanmoins derrière cette façade calme et réservée, une vraie lutte de pouvoir a démarré entre les différentes entités politiques pour élire le président et le vice-président du Parlement, ainsi que les membres du bureau de la Chambre.
Les élections législatives qui ont eu lieu le dimanche dernier ont insufflé un espoir de changement et de renouveau dans le cœur et l’esprit des Libanais, avec l’élection de candidats indépendants issus des mouvements de contestation du 17 octobre 2019, lesquels ont pu accéder à 13 sièges parlementaires. Une nouvelle Assemblée a donc vu le jour et a entamé son mandat de quatre ans dans la nuit de samedi à dimanche.
Conformément aux termes de la Constitution, le doyen d’âge du Parlement, en l’occurrence son président sortant et chef du mouvement Amal, Nabih Berry, doit convoquer à une séance plénière dans un délai de quinze jours pour que ces élections aient lieu.
La présidence de la Chambre
Deux noms de candidats chiites ont été avancés pour succéder à l’inamovible Nabih Berry, qui a occupé le perchoir pendant plus de 30 ans; et qui malgré son âge avancé, se porte toujours volontaire pour remplir cette fonction. Il s’agit notamment de l’ancienne ministre et députée élue Inaya Ezzeddine, proche du camp de M. Berry ; ainsi que du député élu et ouvertement pro-syrien Jamil el-Sayyed.
Ces deux candidatures ne bénéficient pas d’appui au Parlement, à en croire les échos issus des hautes sphères politiques. "La candidature de Nabih Berry est naturelle et sera validée lors de la prochaine séance parlementaire", révèle une source informée à Ici Beyrouth. D’ailleurs, le tandem chiite soutient sa candidature, ainsi que le Parti socialiste progressiste (PSP), ajoute-elle.
Plus encore, le mufti Jaafari, le cheikh Ahmad Kabalan, proche du Hezbollah, s’est montré catégorique concernant la réélection du président sortant du Parlement, selon un communiqué qu'il a publié dimanche: "Nous désignerons Nabih Berry en tant que président de la Chambre, point à la ligne".
Toutefois, la candidature de M. Berry ne fait pas l’unanimité, surtout auprès des Forces libanaises (FL). "Nous voterons blanc lors de la prochaine séance parlementaire, car le rôle du Parlement est, entre autres, de définir les positions politique, stratégique et militaire du pays, et nous refusons d’être menés dans une direction à laquelle nous n’adhérons pas", indique une source proche du parti.
Le Courant patriotique libre (CPL, aouniste) aurait aussi annoncé son refus de voter pour la réélection de M. Berry. Le même son de cloche a été exprimé par quelques députés indépendants, notamment Ibrahim Mneinmé et Marc Daou.
Quoiqu’il en soit, le tandem chiite formé par le mouvement Amal et le Hezbollah comprend 27 députés chiites aux ordres. Ajoutons à ce nombre les parlementaires proches de l’axe de la Moumanaa et pro-8 Mars, et le compte sera probablement en faveur de la continuité de M. Berry en tant que président de la Chambre.
La vice-présidence
Si la réélection de M. Berry semble assurée, c’est que la vraie bataille est ailleurs. Plus précisément pour la vice-présidence de l’Assemblée. C’est ce que nous précise la source FL précitée: "Nous tablons sur l’élection du vice-président de la Chambre, car elle pourra certainement faire la différence. Cela se fera en coordination avec les forces souverainistes du Parlement, ainsi qu’avec le Parti national libéral (PNL), les Kataëb, le PSP, les députés du 17 octobre 2019, Michel Mouawad, Neemat Frem, etc."
La vice-présidence de la Chambre revient traditionnellement à un député issu de la communauté grec-orthodoxe. Pour le moment, trois noms ont été proposés: Ghassan Hasbani pour les FL (bien que ces derniers n’ont toujours pas officialisé sa candidature), Élias Bou Saab (proche du CPL) et Melhem Khalaf (indépendant).
Cependant, une information plutôt déconcertante a fait surface dans la nuit de jeudi à vendredi, au cours de l’émission hebdomadaire Sar el-Waet, diffusée sur la chaîne télévisée MTV. Melhem Khalaf, ancien bâtonnier et député de Beyrouth II, se serait entretenu discrètement mercredi soir avec Nabih Berry à Aïn el-Tiné pour peaufiner les détails de son accession au siège de la vice-présidence du Parlement, selon des sources proches du président de la Chambre. Cette nouvelle a eu l’effet d’une bombe, d’autant plus qu’a priori M. Khalaf refuse de s’associer ou d’adhérer aux jeux des partis politiques. D’ailleurs, ce dernier s’est empressé de démentir les faits et de s’attaquer au journaliste qui avait dévoilé cette information. Il faudra sans doute s’armer de patience pour savoir ce qui a vraiment pu transparaître entre MM. Berry et Khalaf.
Le bureau de la Chambre
En ce qui concerne l’élection du bureau de la Chambre, le suspense est à son paroxysme, car il serait très possible que le scénario qui avait pris place en 2018 se reproduise en 2022.
En 2018, le CPL se targuait de détenir le plus grand groupe parlementaire. C’est pourquoi le parti aouniste a pu faire élire ses députés Alain Aoun et Ibrahim Kanaan, respectivement secrétaire du Parlement et président de la commission parlementaire des Finances et du Budget. Les FL, quant à eux, ont pu faire élire leur député Georges Adwan à la présidence de la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice (il est nécessaire de noter que les deux commissions parlementaires mentionnées sont réputées pour être les deux commissions les plus importantes au sein du Parlement).
Maintenant que les FL revendiquent le plus grand bloc à l’Assemblée, pourront-ils faire élire les candidats de leur choix en tant que secrétaire de la Chambre et président de l’une des commissions parlementaires précitées? Et dans quelle mesure un marchandage entre les deux partis politiques chrétiens pourrait-il avoir lieu? Dirigerions-nous vers un nouveau blocage parlementaire?
Pour le moment, aucune réponse définitive ne pourrait être donnée, puisqu’il est encore tôt pour se prononcer sur le sujet. Néanmoins, une certitude demeure: la lutte d’influence au sein de la Chambre est bel et bien enclenchée, surtout au vu des enjeux et des nombreuses échéances à venir: la formation d’un nouveau gouvernement, l’élection présidentielle, les négociations avec le FMI, la délimitation des frontières maritimes, etc.)
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