Ce que les collectivités devraient réaliser dans l’urgence, c’est la plus grande partie possible des travaux liés aux énergies renouvelables. Car ces dernières, qui ne couvriraient qu’une partie des besoins, sont en mesure d’assurer au moins le minimum nécessaire durant la période de crise actuelle. C’est une condition sine qua non pour limiter l’hémorragie de la jeunesse qui fuit le pays à cause d’une pénurie énergétique quasi totale qui affecte tous les secteurs et les artères vitales.
La Suisse de l’Orient est morte et plus personne ne se souvient du miracle libanais. Seul persiste et s’impose le mythe de la pauvreté congénitale de ce pays prétendument condamné. Aujourd’hui, le Liban est un bateau à la dérive dont les passagers ne songent qu’à fuir le plus vite possible, vers n’importe quel horizon et à n’importe quel prix.
Les solutions miracles ne sont pas toujours dans la politique ou dans les bouleversements régionaux ou internationaux. À force de les attendre, les Libanais pourraient assister à leur propre fin et à celle de leur pays. Lorsqu’on n’a plus d’emprise sur la politique et sur la macroéconomie et que l’on refuse la solution facile de l’émigration, il convient de chercher des options plus réalistes et abordables. Un diagnostic préalable s’avère nécessaire afin de cerner les causes de la faillite qui a rendu le Liban incapable d’assurer les besoins les plus élémentaires, et donc vitaux.
Rue Allenby, Beyrouth sous le mandat français, circa 1930.
Diagnostic
Le secteur de l’énergie, basé aujourd’hui presque exclusivement sur la thermique, représente plus de 40% de la dette d’un pays qui n’est même plus en mesure de fournir à ses citoyens plus de deux heures d’électricité par jour. Ce secteur a entraîné dans son gouffre toutes les autres sphères dont l’université, l’hôpital, le tourisme, les banques, l’industrie et les startups. Ce sont 40 milliards de dollars qui ont été dilapidés.
Qu’est-ce qui peut expliquer cette faillite totale, trente années après la fin de la guerre, sinon un système de gouvernance inadapté à la structure sociopolitique du pays ? Le pouvoir central a fait preuve de sa faillite totale, de son incapacité et de son inaptitude dans tous les domaines.
Entretemps les pays développés ont fini par adopter, à tour de rôle, des modèles de gouvernance décentralisée permettant à leurs économies de pouvoir accompagner leur croissance démographique et les innovations technologiques. Le Liban, idéologiquement et fanatiquement accroché à un système centralisé, supposé pouvoir unifier ou faire fusionner les différentes composantes culturelles du pays, a fini par rater tous les schémas de croissance survenus dans le monde depuis plus d’un demi-siècle. Cette faillite concerne l’intégralité des secteurs dont ceux de la sécurité et de l’énergie ne sont que les volets les plus flagrants de par leur importance. Ces deux secteurs sont les garants de tous les autres et se placent à la base du redressement.
Le principe de subsidiarité
C’est le principe de subsidiarité préconisé par la doctrine sociale de l’Église, qui est en mesure de répondre aux besoins des citoyens, surtout en cas d’absence de l’État. Formulé en 1931 dans l’encyclique Quadragesimo Anno sous le pape Pie XI, ce principe suggère la construction de la société du bas vers le haut. Il stipule qu’il n’appartient à aucun moment à une autorité supérieure de s’immiscer dans la sphère d’une collectivité médiane ou inférieure ou de limiter son action.
Les prérogatives des municipalités ou des fédérations des municipalités deviennent donc inviolables offrant aux collectivités les marges de manœuvre nécessaires pour leur développement. Elles sont en mesure d’établir des modèles de jumelage et de faire appel à des financements étrangers pour leurs besoins propres, notamment en termes de durabilité, et donc d’énergie renouvelable. Si l’État central continu à s’opposer à ce genre de solution salutaire, c’est l’Église qui pourrait exiger ce droit explicité dans sa doctrine sociale. Car plus rien ne justifie l’appauvrissement et la famine qui accablent les Libanais si ce n’est un pouvoir central paralysé par ses contradictions profondes. En attendant un règlement de ce problème existentiel, il faut laisser les populations vivre dans les différentes régions. La subsidiarité devrait être en mesure de régler le problème de l’approvisionnement énergétique, et donc conséquemment ceux des autres secteurs.
Câbles électriques à Beyrouth aujourd’hui. ©Eurasiareview
Le Liban exportateur d’électricité
Avant 1939, le pays du Cèdre produisait plus d’électricité hydraulique que thermique. La Société d’électricité de Beyrouth (société de droit français) exploitait une centrale hydroélectrique de 6.4 mW (mégawatt heure) et une centrale thermique (diesel) de 4.5 mW. En 1948, la production totale est passée à 80 mW. En 1954, la Société est devenue l’Office d’électricité, propriété de l’État libanais qui lui a adjoint une centrale thermique à Zouk en 1956, portant la production électrique à 280 mW. En 1964, avec la création de nombreuses unités privées ainsi que le barrage de Qaraoun inauguré en 1961, la production a atteint les 692 mW. Le Liban était alors devenu exportateur de son surplus de production électrique. Ce petit pays assurait une consommation électrique parmi les plus élevées. Elle représentait 300 kW par habitant, contre 130 pour la Turquie, 100 pour la Syrie et à peine 61 pour la Jordanie.
Cette prospérité allait commencer graduellement à perdre de son élan. Avec l’accroissement démographique et la complexification des économies, la décentralisation s’imposait sur tous les continents et dans les différents secteurs. Mais pour certains partis libanais, cette notion a été associée, par ignorance ou par mauvaise fois, à la partition et à l’isolationnisme. L’idéologie de l’union nationale et de la fusion des groupes culturels, comme s’il s’agissait de vulgaires métaux, a engendré la décomposition, l’effritement et la déliquescence de la nation.
Une production énergétique diversifiée
La solution énergétique pour le Liban n’est nullement dans l’hydraulique seule, ni même dans les énergies renouvelables seules, car les études montrent que l’optimisation de ce secteur ne lui permettrait d’assurer les besoins du pays que partiellement. C’est ce que prévoyait une projection pour l’an 2030, préparée en collaboration avec l’Irena (International Renewable Energy Agency). L’étude faisait état d’un potentiel de 840 mW (mégawatt heure) pour les centrales photovoltaïques, et de 600 mW pour les centrales éoliennes. Il faudrait en prévoir encore autant (600 mW) pour les centrales hydrauliques. Les besoins du Liban étant au-delà des 3.000 mW, la construction de centrales à gaz s’avère inévitable. Il est crucial d’entamer aussi des inspections dans le domaine du géothermique non encore abordé au Liban.
Mais ce que les collectivités devraient réaliser dans l’urgence, c’est la plus grande partie possible des travaux liés aux énergies renouvelables. Car ces dernières qui ne couvriraient qu’une partie des besoins, sont en mesure d’assurer tout au moins le minimum nécessaire durant la période de crise actuelle.
C’est une condition sine qua non pour limiter l’hémorragie de la jeunesse qui fuit le pays à cause d’une pénurie énergétique quasi totale qui affecte tous les secteurs et les artères vitales. C’est là la responsabilité des collectivités dans toutes leurs constituantes représentatives, qu’il s’agisse de municipalités, d’ONG ou de paroisses locales ou diasporiques. C’est là la responsabilité de tout citoyen capable de se défaire du mythe de la pauvreté si profondément intégré, et qui ait la volonté de dépasser le syndrome de Stockholm qui le réduit à la double soumission politique et économique.
La Suisse de l’Orient est morte et plus personne ne se souvient du miracle libanais. Seul persiste et s’impose le mythe de la pauvreté congénitale de ce pays prétendument condamné. Aujourd’hui, le Liban est un bateau à la dérive dont les passagers ne songent qu’à fuir le plus vite possible, vers n’importe quel horizon et à n’importe quel prix.
Les solutions miracles ne sont pas toujours dans la politique ou dans les bouleversements régionaux ou internationaux. À force de les attendre, les Libanais pourraient assister à leur propre fin et à celle de leur pays. Lorsqu’on n’a plus d’emprise sur la politique et sur la macroéconomie et que l’on refuse la solution facile de l’émigration, il convient de chercher des options plus réalistes et abordables. Un diagnostic préalable s’avère nécessaire afin de cerner les causes de la faillite qui a rendu le Liban incapable d’assurer les besoins les plus élémentaires, et donc vitaux.
Rue Allenby, Beyrouth sous le mandat français, circa 1930.
Diagnostic
Le secteur de l’énergie, basé aujourd’hui presque exclusivement sur la thermique, représente plus de 40% de la dette d’un pays qui n’est même plus en mesure de fournir à ses citoyens plus de deux heures d’électricité par jour. Ce secteur a entraîné dans son gouffre toutes les autres sphères dont l’université, l’hôpital, le tourisme, les banques, l’industrie et les startups. Ce sont 40 milliards de dollars qui ont été dilapidés.
Qu’est-ce qui peut expliquer cette faillite totale, trente années après la fin de la guerre, sinon un système de gouvernance inadapté à la structure sociopolitique du pays ? Le pouvoir central a fait preuve de sa faillite totale, de son incapacité et de son inaptitude dans tous les domaines.
Entretemps les pays développés ont fini par adopter, à tour de rôle, des modèles de gouvernance décentralisée permettant à leurs économies de pouvoir accompagner leur croissance démographique et les innovations technologiques. Le Liban, idéologiquement et fanatiquement accroché à un système centralisé, supposé pouvoir unifier ou faire fusionner les différentes composantes culturelles du pays, a fini par rater tous les schémas de croissance survenus dans le monde depuis plus d’un demi-siècle. Cette faillite concerne l’intégralité des secteurs dont ceux de la sécurité et de l’énergie ne sont que les volets les plus flagrants de par leur importance. Ces deux secteurs sont les garants de tous les autres et se placent à la base du redressement.
Le principe de subsidiarité
C’est le principe de subsidiarité préconisé par la doctrine sociale de l’Église, qui est en mesure de répondre aux besoins des citoyens, surtout en cas d’absence de l’État. Formulé en 1931 dans l’encyclique Quadragesimo Anno sous le pape Pie XI, ce principe suggère la construction de la société du bas vers le haut. Il stipule qu’il n’appartient à aucun moment à une autorité supérieure de s’immiscer dans la sphère d’une collectivité médiane ou inférieure ou de limiter son action.
Les prérogatives des municipalités ou des fédérations des municipalités deviennent donc inviolables offrant aux collectivités les marges de manœuvre nécessaires pour leur développement. Elles sont en mesure d’établir des modèles de jumelage et de faire appel à des financements étrangers pour leurs besoins propres, notamment en termes de durabilité, et donc d’énergie renouvelable. Si l’État central continu à s’opposer à ce genre de solution salutaire, c’est l’Église qui pourrait exiger ce droit explicité dans sa doctrine sociale. Car plus rien ne justifie l’appauvrissement et la famine qui accablent les Libanais si ce n’est un pouvoir central paralysé par ses contradictions profondes. En attendant un règlement de ce problème existentiel, il faut laisser les populations vivre dans les différentes régions. La subsidiarité devrait être en mesure de régler le problème de l’approvisionnement énergétique, et donc conséquemment ceux des autres secteurs.
Câbles électriques à Beyrouth aujourd’hui. ©Eurasiareview
Le Liban exportateur d’électricité
Avant 1939, le pays du Cèdre produisait plus d’électricité hydraulique que thermique. La Société d’électricité de Beyrouth (société de droit français) exploitait une centrale hydroélectrique de 6.4 mW (mégawatt heure) et une centrale thermique (diesel) de 4.5 mW. En 1948, la production totale est passée à 80 mW. En 1954, la Société est devenue l’Office d’électricité, propriété de l’État libanais qui lui a adjoint une centrale thermique à Zouk en 1956, portant la production électrique à 280 mW. En 1964, avec la création de nombreuses unités privées ainsi que le barrage de Qaraoun inauguré en 1961, la production a atteint les 692 mW. Le Liban était alors devenu exportateur de son surplus de production électrique. Ce petit pays assurait une consommation électrique parmi les plus élevées. Elle représentait 300 kW par habitant, contre 130 pour la Turquie, 100 pour la Syrie et à peine 61 pour la Jordanie.
Cette prospérité allait commencer graduellement à perdre de son élan. Avec l’accroissement démographique et la complexification des économies, la décentralisation s’imposait sur tous les continents et dans les différents secteurs. Mais pour certains partis libanais, cette notion a été associée, par ignorance ou par mauvaise fois, à la partition et à l’isolationnisme. L’idéologie de l’union nationale et de la fusion des groupes culturels, comme s’il s’agissait de vulgaires métaux, a engendré la décomposition, l’effritement et la déliquescence de la nation.
Une production énergétique diversifiée
La solution énergétique pour le Liban n’est nullement dans l’hydraulique seule, ni même dans les énergies renouvelables seules, car les études montrent que l’optimisation de ce secteur ne lui permettrait d’assurer les besoins du pays que partiellement. C’est ce que prévoyait une projection pour l’an 2030, préparée en collaboration avec l’Irena (International Renewable Energy Agency). L’étude faisait état d’un potentiel de 840 mW (mégawatt heure) pour les centrales photovoltaïques, et de 600 mW pour les centrales éoliennes. Il faudrait en prévoir encore autant (600 mW) pour les centrales hydrauliques. Les besoins du Liban étant au-delà des 3.000 mW, la construction de centrales à gaz s’avère inévitable. Il est crucial d’entamer aussi des inspections dans le domaine du géothermique non encore abordé au Liban.
Mais ce que les collectivités devraient réaliser dans l’urgence, c’est la plus grande partie possible des travaux liés aux énergies renouvelables. Car ces dernières qui ne couvriraient qu’une partie des besoins, sont en mesure d’assurer tout au moins le minimum nécessaire durant la période de crise actuelle.
C’est une condition sine qua non pour limiter l’hémorragie de la jeunesse qui fuit le pays à cause d’une pénurie énergétique quasi totale qui affecte tous les secteurs et les artères vitales. C’est là la responsabilité des collectivités dans toutes leurs constituantes représentatives, qu’il s’agisse de municipalités, d’ONG ou de paroisses locales ou diasporiques. C’est là la responsabilité de tout citoyen capable de se défaire du mythe de la pauvreté si profondément intégré, et qui ait la volonté de dépasser le syndrome de Stockholm qui le réduit à la double soumission politique et économique.
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