France : le « merci » d’un violoniste syrien à son village d’accueil
©Bilal Al Nemr- Crédit photo: Nicolas Tucat/AFP
Il voulait « remercier » Vauvenargues, pittoresque village du sud de la France, près d’Aix-en-Provence, d’avoir accueilli ses parents fuyant la guerre en Syrie : Bilal Al Nemr, 25 ans, violoniste virtuose formé à l’académie de Daniel Barenboïm, y a organisé ce week-end un festival.

« Mes parents sont arrivés en France avec deux valises en 2016, cinq ans après le début de la guerre, Vauvenargues s’est transformé en lieu d’accueil merveilleux. J’avais envie d’utiliser mon langage qui est la musique classique pour rendre à ce village de 1.000 habitants ce qu’il a donné à ma famille, en y organisant un festival avec de grands artistes », raconte Bilal Al Nemr.

Au pied de la montagne Sainte-Victoire peinte par Cézanne, près du château où est enterré Pablo Picasso, les notes classiques des compositeurs allemands Ludwig van Beethoven (1770-1827) et Félix Mendelssohn (1809-1847) ont résonnées, mais aussi des mélodies arabes, comme la sonate syrienne numéro 2 en la mineur du musicien d’origine irakienne Solhi Alwadi(1934-2007), interprétée par des solistes de renom et le nouvel orchestre symphonique du pays d’Aix-en-Provence.

La musicienne Wahed Bouhassoun, qui a souvent accompagné Jordi Savall, y a interprété aussi à l’oud des chansons poétiques de la région des parents de Bilal, dans le sud de la Syrie.

Bilal Alnemr est le premier de sa famille à être arrivé en France, grâce à son talent pour le violon. Ses parents n’étaient pas musiciens : mère comptable et père maçon ayant aussi travaillé au Liban comme maître-nageur. « Quand mon père était petit, une fille jouait de l’accordéon et le professeur l’a présentée comme quelqu’un d’extraordinaire », raconte-t-il. Un jour, le père de Bilal a voulu essayer un violon posé sur une table chez un cousin, mais ne put en faire sortir aucun son. « Plus tard, au Liban, il a écouté un morceau de violon à la radio et il a dit : "Je n’ai pas réussi à faire du violon, mais mon fils en jouera" ».

Bébé, Bilal reçoit à Damas un jouet en forme de violon. Puis, son père lui offre ce bel instrument à cordes. Il trouve alors un cours dans une école de musique, dans une cave. « J’ai gagné un petit concours, le prix c’était un walkman bleu que j’ai toujours ». Repéré par un professeur, il entre au conservatoire Solhi Alwadi puis gagne un concours international.

Bilal Al Nemr- Crédit photo: Nicolas Tucat/AFP

La merveilleux destion de Bilal Al Nemr


Des professeurs français lui proposent en 2010, à l’âge de 13 ans, de venir à Aix-en-Provence continuer ses études. Un an plus tard, avec la guerre en Syrie, c’est « la séparation » ; pendant des années il ne voit plus sa famille. Seul, l’inquiétude au ventre pour ses proches à Damas, Bilal travaille d’arrache-pied : chaque matin, il est à 07H00 au lycée pour faire une heure de violon, enchaîne les cours puis répète des heures le soir.

Après de brillantes études secondaires, il entre au Conservatoire à Paris et réussit à faire venir sa sœur, puis ses parents.

« Ils venaient d’arriver en France, encore un peu déboussolés ; nous avions un logement qui se libérait à Vauvenargues, nous l’avons mis à disposition, des habitants l’ont meublé », se souvient le maire, Philippe Charrin.

Six ans plus tard, sa mère travaille à l’école du village et son père est agent responsable de la déchetterie. « Ils sont complètement intégrés, c’est extraordinaire », s’émerveille M. Charrin.

Bilal, lui, a joué aux côtés de musiciens prestigieux comme Daniel Barenboïm, Renaud Capuçon ou Hélène Grimaud. Il a obtenu la nationalité française en 2021 en tant que personnalité contribuant au rayonnement culturel. « Et il nous fait ce cadeau, ces Rencontres musicales de Vauvenargues : on avait donné un peu et on reçoit beaucoup, c’est une belle histoire », dit le maire.

D’ex-professeurs de collège de Bilal assisteront aux concerts. Des élèves gardés par sa mère viendront à l’atelier d’éveil musical. Bilal, qui commence à réaliser son rêve de devenir un soliste international, reste fidèle à sa base, de l’amour de son pays natal syrien à celui pour son village d’accueil français et pour tous ceux qui l’ont aidé sur son chemin : « Je suis comme un arbre, plus je monte vers le haut, plus mes racines s’enfoncent ».

AFP
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