Les attaques de Bassil contre Mikati accentuent le blocage
À la suite des violents propos du chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, le Premier ministre désigné Nagib Mikati aurait préféré ne pas se rendre de sitôt à Baabda, afin de laisser les choses se tasser.

La conférence de presse du chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil mardi n’a certainement pas contribué à assainir les relations entre le parti aouniste et Nagib Mikati, ni à faciliter la formation d’un nouveau gouvernement.

Les attaques enflammées du député de Batroun contre le Premier ministre désigné n’auraient pas laissé ce dernier indifférent, ce qui expliquerait probablement le fait qu’il ne se soit pas rendu mercredi au palais présidentiel. Une source proche de Baabda avait confié à Ici Beyrouth que le président Michel Aoun attendait la visite imminente du Premier ministre, qui devait lui présenter une nouvelle formule gouvernementale.

Mais après les violents propos de Gebran Bassil à son encontre, M. Mikati aurait préféré laisser les choses se tasser et prendre du recul. Les conseillers du chef du gouvernement continuent d’insister sur le fait que le CPL et la présidence sont "deux entités distinctes" et que "M. Mikati ne traitera qu’avec le chef de l’État en ce qui concerne le prochain Cabinet". Or Michel Aoun est le fondateur du parti que préside son gendre, ce qui fait que cette distinction n’est pas pour le moins appropriée.

La querelle opposant MM. Bassil et Mikati pourrait être perçue comme une simple lutte d’influence. Le premier voudrait imposer des figures proches de son parti au sein du gouvernement et monopoliser certains portefeuilles, notamment celui de l’Énergie et de l’Eau, alors que le second voudrait répondre aux recommandations de la communauté internationale en choisissant des technocrates politiquement neutres, qui peuvent résister aux pressions politiques auxquels ils seront éventuellement soumis. Il convient de rappeler dans ce contexte, la fameuse "guerre des communiqués" déclenchée en mai dernier entre le ministre sortant de l’Énergie Walid Fayad et Nagib Mikati, concernant les centrales de Selaata et Deir Ammar.


L’approche ministérielle de M. Mikati ne conviendrait pas à Gebran Bassil, qui lui a ouvertement reproché d’empiéter sur les prérogatives constitutionnelles du président de la République. "Le président Michel Aoun est un partenaire à part entière dans le processus de formation du gouvernement, quelle que soit la position du CPL à ce sujet. Il a le droit au même titre que le Premier ministre désigné, de donner son point de vue au sujet de la répartition politique et communautaire des portefeuilles ministériels", avait martelé Gebran Bassil mardi, soulignant en outre qu’"il est inconcevable que le chef de l’État ne puisse pas choisir des ministres, alors qu’il détient un grand nombre de députés au Parlement, tandis que M. Mikati n’en a aucun".

D’un point de vue constitutionnel, la composition du gouvernement relève effectivement de la responsabilité des deux pôles de l’exécutif. "Les deux parties peuvent refuser une formule dans son intégralité ou peuvent y apporter des modifications si elles le souhaitent. Toutefois, ni le président ni le Premier ministre ne peuvent faire primer leur choix et abuser de leurs positions de façon à bloquer le bon fonctionnement des institutions", explique le constitutionaliste Saïd Malek. Surtout, est-on tenté d’ajouter, quand ce blocage sert des intérêts strictement personnels.

M. Malek commente d’ailleurs à ce sujet: "Ce qu’a dit le député Gebran Bassil dans sa conférence de presse hier (mardi) est correct en théorie. Il n’en demeure pas moins qu’il aspire à bloquer la formation du gouvernement, car la composition proposée par le Premier ministre ne concorde pas avec ses intérêts et ceux du CPL".

Le bras-de-fer entre Gebran Bassil et Nagib Mikati est ainsi appelé à perdurer d’autant que les deux hommes campent résolument chacun sur sa position. La formation du gouvernement – si elle a lieu – ne se fera pas sous les meilleurs auspices. Il faudra donc s’armer de patience et attendre le 1erseptembre prochain, début du délai constitutionnel pour la tenue de l’élection présidentielle, pour pouvoir peut-être en finir avec cette paralysie politique et institutionnelle.

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