Les Libanais vivent désormais au rythme des crises et des pénuries. Dans les boulangeries et sur les rayons des supermarchés lundi, le pain arabe était inexistant. Une crise du pain pointe son nez. Les minoteries ne livrent plus de farine aux boulangeries parce qu’elles n’ont pas été payées selon le mécanisme établi par le gouvernement et la Banque centrale qui subventionne encore les importations de blé.

Maintenant que les législatives sont terminées, les Libanais renouent avec un quotidien sombre qui dure depuis des mois. Aujourd’hui, c’est de nouveau une crise de blé qui pointe son nez. À l’origine de cette crise, le fait que la Banque du Liban n’a pas effectué à certaines minoteries les transferts requis pour l’importation du blé qu’elle continue de subventionner, faute d’un feu vert du gouvernement pour qu’elle puisse puiser dans ses réserves obligatoires.

Le syndicat des boulangeries a ainsi indiqué dans un communiqué que "le secteur traverse une grave pénurie de farine depuis deux semaines". Il a expliqué qu’il "n’a pas donné l’alerte afin de laisser passer le scrutin législatif et éviter d’être accusé d’avoir perturbé l’échéance électorale avec une secousse dans le secteur du pain".

"Maintenant que les élections sont terminées, les boulangeries sont obligées de monter au créneau pour exiger que leurs besoins en farine soient assurés, surtout que les quantités sont quasiment épuisées et ne suffisent plus que pour deux jours". Le volume de production dans les boulangeries qui ont encore de la farine est aujourd’hui de cinquante pour cent.

Sept minoteries fermées

Sept minoteries sur 11 sont actuellement fermées, a affirmé pour sa part le président du syndicat des minotiers, Ahmad Hoteit. Non pas parce qu’elles n’ont pas de blé, mais parce qu’elles ne peuvent pas livrer la farine tant que la BDL n’a pas versé les fonds. La BDL change au taux de 1.515 livres pour un dollar les montants fournis en livres par les minoteries pour régler leurs importations de blé (avec, au lendemain des législatives, un taux de change sur le marché parallèle de plus de 30.000 livres pour un dollar). Le syndicat des boulangers a demandé pour sa part, dans un communiqué à tous les responsables concernés par le mécanisme adopté, d’approuver les factures d’importation de blé soumises par les minotiers, d’autant que nombre d’entre eux ont un stock de blé dont le prix n’a pas été payé.

Pour Ali Ibrahim, président du syndicat des boulangeries, "si la crise n’est pas résolue, nous verrons des files d’attente se former devant les boulangeries".

Les stocks actuels des minoteries ne seraient suffisants que pour 20 jours tout au plus. Il est vrai que le Liban a récemment conclu un accord de prêt de 150 millions de dollars avec la Banque mondiale, qui financera ainsi les importations de blé afin de préserver la sécurité alimentaire au Liban, mais les fonds ne seront débloqués que lorsque le Parlement approuvera le prêt.

Question soulevée vendredi en conseil des ministres

À l’issue d’une réunion avec le ministre de l’Économie, Amine Salam, dans la journée, le président du syndicat des minotiers, Ahmad Hoteit, a affirmé à Ici Beyrouth que la BDL, avant les élections, avait transféré le prix de trois ou quatre chargements de bateaux à quelques minoteries. Les autres n’ont pas bénéficié de transferts. "J’étais chez le ministre de l’Économie qui nous a promis qu’il allait soulever la question vendredi au Conseil des ministres. Ce dernier ne va sûrement pas accepter qu’il y ait une pénurie de pain", a-t-il dit, en exprimant l’espoir d’un transfert de fonds rapide". "Espérons que la crise ne s’aggravera pas", a-t-il ajouté.

Selon les explications d’Ahmad Hteit, le problème se pose parce que la BDL estime qu’elle a reçu du cabinet l’autorisation de transférer 15 millions de dollars, puis 21 millions, et considère qu’elle ne peut transférer le reste que par décision ministérielle.

Pourquoi ce point n’a pas été traité lors de la dernière séance du cabinet, jeudi dernier? Le syndicat des boulangeries n’a pas de réponse à cette question, même s’il dit qu’il "coordonne étroitement avec le ministre de l’Économie", affirmant soupçonner un "pôle caché". "Mais en faveur de qui?"

En attendant la réunion du Conseil des ministres jeudi, y aura-t-il du pain? M. Hoteit a estimé que seules certaines boulangeries produiront du pain, celles qui se fournissent auprès des minoteries ouvertes.