Selon une étude menée par l’Institut des Finances Basil Fuleihan, 55,8% des fonctionnaires hautement qualifiés, dans diverses administrations, notamment au ministère des Finances et dans ses organismes affiliés, ont déjà présenté leur démission ou obtenu des congés illimités, pour répondre à des offres d’emploi à l’étranger, ou pour en rechercher.

Le départ de ces effectifs est une conséquence directe de la détérioration de la situation économique, ainsi que de la dévaluation de la livre libanaise, qui a entraîné une baisse du pouvoir d’achat des Libanais, et plus particulièrement des fonctionnaires. Les départs en masse de l’administration constituent cependant une grande perte pour celle-ci, d’autant les éléments qualifiés ne sont pas nombreux. Les fonctionnaires concernés avaient reçu des formations locales et internationales spécialisées, qui les ont dotés de compétences pratiques et scientifiques ayant permis l’établissement de nombreux règlements régissant le fonctionnement de l’administration publique. De même, ils ont à leur actif un grand nombre d’études et de politiques dans divers domaines, qui sont à l’origine de nombreuses prises de décisions.

Certes, la majorité d’entre eux pourront obtenir des opportunités de travail à l’étranger, notamment dans des institutions internationales telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, ainsi que dans des établissements localisés dans les pays arabes, et plus précisément dans les pays du Golfe. Néanmoins, le Liban va grandement pâtir du vide qu’ils laisseront au sein de l’administration à un moment où le pays a plus que jamais besoin de leurs compétences pour pouvoir sortir de la crise actuelle. Sans compter que former de nouveaux cadres à compétence égale exigera du temps, et qu’il ne sera pas aisé de motiver les Libanais pour les encourager à intégrer la fonction publique.

En outre, le départ de ces fonctionnaires n’est pas sans mettre en danger l’administration, qui devra faire face au risque de voir ses systèmes et programmes informatiques menacés d’arrêt à cause de son incapacité à les développer et à les renouveler faute de liquidités en dollars. Les données dont disposent ces administrations risquent ainsi d’être perdues, alors qu’elles se rapportent à tous les citoyens libanais et résidents sur le territoire.

L’émigration massive de fonctionnaires spécialisés prouve bien à quel point la situation de la fonction publique, pléthorique de surcroît car bourrée d’éléments inutiles engagés sur une base clientéliste, est désastreuse. Des observateurs qui suivent non sans inquiétude les transformations au sein de l’administration, soulignent qu’il faut rapidement arrêter la fuite des cerveaux et travailler avec conviction pour sauver le secteur.

Pour ce faire, il est absolument nécessaire d’entamer sans tarder des réformes, d’approuver le budget, et de signer le programme de sauvetage du Fonds monétaire international. En plus des conditions susdites, des mesures difficiles devront être adoptées, comme le relèvement des impôts et des taxes, en particulier le "dollar douanier", parce qu’elles génèreront des revenus salutaires pour l’État. C’est de la sorte qu’il sera possible d’améliorer la situation financière des fonctionnaires et de garder les compétences.

Ces mêmes observateurs soulignent que la réforme du secteur public est aujourd’hui plus que jamais nécessaire et requise. Sa structure doit être revue, le nombre des fonctionnaires réduit, la grille salariale rendue plus équitable, et la masse monétaire allouée aux retraités abaissée. Ces milieux précisent que tout surplus au niveau des effectifs dans une administration donnée pourrait être utilisé pour combler les besoins d’autres administrations. De plus, ils affirment que la totalité des effectifs du secteur public sont prêts à apprendre et à se former à des fonctions différentes de celles qu’ils ont préalablement exercées.

Par conséquent, le gouvernement peut, une fois ayant amélioré sa situation financière, offrir des incitations aux fonctionnaires dont il n’a pas besoin, pour les inviter à démissionner. Ce type de mesures a été adopté dans de nombreux pays dans le but d’encourager les fonctionnaires à démissionner afin de réduire leur nombre dans le cadre des réformes requises.