Lorsque la décision de guerre et de paix échappe au contrôle des autorités centrales d’un pays pour se retrouver aux mains d’une faction armée ayant ses propres agendas locaux et régionaux qui, de surcroît, vont souvent à l’encontre des intérêts nationaux suprêmes, cela revient à exposer ledit pays à de réels dangers. Un de ces dangers est justement le déclenchement d’une guerre, ce qui est déjà malheureusement arrivé au Liban. Le souvenir le plus récent reste celui de la guerre lancée en 2006 par Israël contre le pays du Cèdre, après des provocations du Hezbollah. Cette guerre destructrice, ni l’État libanais ni les Libanais eux-mêmes n’en voulaient, mais elle correspondait à l’agenda de l’axe auquel la formation pro-iranienne appartient.

Au cas où cela devait se répéter, compte tenu des menaces adressées la semaine dernière par le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah aux Israéliens, c’est bien évidemment le peuple libanais qui paierait une fois de plus la facture salée d’une guerre. La machine à tuer israélienne ne fera alors aucune distinction entre les Libanais et déversera sa rage sur l’ensemble de la population. Les infrastructures, qui sont déjà mal en point, ne seront pas épargnées. Et si l’armée israélienne cible les centrales électriques, celles-ci ne seront plus en mesure d’assurer les pathétiques une à trois heures de courant qu’elles fournissent actuellement par jour. Par ailleurs, certaines régions libanaises seront complètement dévastées, et le Liban peinera à se relever de la situation déplorable et complexe dans laquelle il se trouve actuellement.

Quoi qu’il en soit, même si un équilibre de "la force de dissuasion" s’est établi entre le Hezbollah et l’armée israélienne, cela n’écarte pas l’éventualité d’une guerre, qui risque d’être déclenchée pour des raisons exogènes au conflit. En 1982, l’invasion israélienne du Liban a eu lieu suite à la tentative d’assassinat de l’ambassadeur d’Israël à Londres Shlomo Argov, prétexte qu’attendait Ariel Sharon pour attaquer le Liban et occuper pour la première fois, une capitale arabe.

D’ailleurs, l’histoire du monde est pleine d’exemples du même genre : en juin 1914, l’assassinat du prince héritier autrichien François-Ferdinand était suffisant pour déclencher la Première Guerre mondiale, qui avait duré quatre ans et constitué un catalyseur des conflits en Europe.

Aujourd’hui, tous les ingrédients pour d’éventuelles hostilités sont réunies: les violations israéliennes de la souveraineté libanaise se poursuivent, et ce depuis le vote de la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU, après la guerre de 33 jours qui avait fait près de 1.500 victimes parmi les civils libanais. Dans les territoires palestiniens, la situation n’est pas meilleure puisque les Israéliens resserrent l’étau sur la population, notamment les habitants de Jérusalem, afin de les inciter à partir et de poursuivre l’expansion des colonies.

Quoi qu’il en soit, le Liban se passerait bien d’une nouvelle guerre, même si son attachement à défendre ses droits nationaux et ses ressources maritimes ne fait pas l’objet de débat. Surtout qu’une occasion politique se présente et doit être saisie afin de parvenir à un compromis au sujet du dossier sensible, épineux et stratégique que représentent les négociations indirectes avec Israël sur les frontières maritimes. Il serait révoltant de voir le Liban gaspiller cette chance inouïe en ce moment particulier, tout en préservant ses droits fondamentaux.

L’attitude du Hezbollah, et la rhétorique de son secrétaire général sur la détermination de sa formation à prendre la décision "adéquate", au cas où l’État manquerait de le faire, rappellent la période de la tutelle syrienne au Liban. En 1995, peu avant la fin du mandat du président Élias Hraoui, le chef de l’État syrien Hafez el-Assad avait utilisé le quotidien égyptien al-Ahram pour "informer" les Libanais de sa "décision" de proroger de trois ans le mandat de ce dernier. En 1998, le président Hraoui qui attendait la prochaine "décision" du président syrien concernant la présidentielle, s’est rendu à Damas et a été informé qu’Émile Lahoud (commandant en chef de l’armée à l’époque), avait été "choisi" pour lui succéder.

En rentrant à Baabda, Élias Hraoui avait appelé le président de la Chambre, une fois la frontière passée, pour le notifier de la décision syrienne. À l’époque, même les "règles" protocolaires n’étaient pas respectées, alors qu’aujourd’hui, la situation se corse dans le sens où le secrétaire général du Hezbollah se contente d’informer, via les écrans de télévision, la classe politique libanaise ainsi que l’opinion publique de ses "décisions". Et, tout le monde se doit d’"obtempérer".

Ainsi va le nouveau Liban!