Alors que le Liban entre dans une phase cruciale avec les échéances présidentielle et gouvernementale, parallèlement au dossier de la démarcation des frontières maritimes, la scène politique libanaise connaît un ballet diplomatique dont la portée est importante à plus d’un titre.

Suite à la réunion tripartite entre les États-Unis, la France et l’Arabie saoudite à Paris, l’ambassadeur saoudien au Liban, Walid Boukhari, s’est activé à son retour à Beyrouth pour unifier les rangs des forces souverainistes, notamment celles issues de l’ex-rassemblement du 14 Mars, et rétablir un équilibre qui façonnera les contours de la phase à venir. Cette démarche coïncide avec les réunions tenues en France au sujet du dossier libanais, auxquelles des responsables saoudiens, américains et français ont pris part. D’ailleurs, ces réunions reprendront cette semaine afin de débloquer la situation actuelle.

Cependant, force est de constater que la position française, qui prône un dialogue avec le Hezbollah en vue de trouver une sortie de crise, diverge de celle de l’Arabie Saoudite qui réfute cette approche.

Au terme de ces réunions, l’ambassadeur d’Arabie saoudite, Walid Boukhari, est rentré à Beyrouth et a aussitôt assisté à la commémoration du 40 e anniversaire de l’assassinat du président Bachir Gemayel qui s’est tenue à Achrafieh. Par la suite, l’ambassadeur saoudien a rendu visite au chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, à sa résidence de Clemenceau, où les discussions ont porté sur le dossier de la présidentielle ainsi que sur la nécessité d’élire un président de la République dans les délais constitutionnels. Lors de cette entrevue, Walid Joumblatt a mis l’accent sur l’intérêt qu’a toujours porté l’Arabie saoudite à la stabilité au Liban, au respect de l’accord de Taëf (dont elle est le parrain) et de la Constitution. Sur ce point, M. Joumblatt a déclaré: "Les Libanais doivent respecter les délais constitutionnels et élire un président."

Selon certaines sources, M. Boukhari ambitionnerait de rassembler les forces du 14 Mars, les forces du changement et les indépendants, notamment à l’approche des échéances cruciales, surtout après le positionnement récent de Walid Joumblatt au centre et les tensions survenues avec les Forces libanaises.

À ce titre, des sources proches du PSP ont assuré que la relation du PSP avec les FL ne connaît pas de tension, mais plutôt des divergences de points de vue, concernant notamment le dossier de la présidentielle et la proposition d’un président de confrontation avancée par les FL. À noter qu’un dialogue est en cours sur ce plan avec les différentes parties prenantes, loin des feux de la rampe.

S’agissant de la réunion de Clemenceau, le député Bilal Abdallah a assuré que l’ambassadeur Boukhari tente de réunifier les forces souverainistes a minima dans un souci de rétablir l’équilibre auquel tient l’Arabie saoudite. Par ailleurs, M. Abdallah estime que le règlement sur le plan interne manque encore de maturité, au regard des efforts déployés pour former un gouvernement, la priorité devant être l’élection d’un président de la République capable de redresser la situation et de rassurer la communauté internationale, et non un président de défi et provocateur. Et de rappeler la nécessité que cette élection revête un caractère strictement libanais parce que la communauté internationale a suffisamment de préoccupations pour en rajouter.

Le Liban doit trouver des solutions rapides aux crises sans précédent qui le secouent, y remédier, afin d’anticiper des crises encore plus importantes qui pourraient surgir.

Ainsi, après l’étape de Clemenceau, M. Boukhari s’est rendu au quartier général des Forces Libanaises à Meerab (Kesrouan) pour y rencontrer Samir Geagea. Selon une source proche de Meerab, cette visite n’était pas en lien avec les divergences de vue entre les FL et le PSP. La source a d’ailleurs nié à son tour la présence d’une quelconque tension entre les deux partis. Le responsable de la communication des Forces libanaises, Charles Jabbour, souligne quant à lui que l’Arabie saoudite apporte un soutien fondamental à l’État, d’autant qu’il a parrainé l’accord de Taëf qui a mis fin à la guerre civile au Liban. Ainsi, le royaume wahhabite soutient fermement l’État, l’accord de Taëf et la Constitution. De l’avis de M. Jabbour, l’Arabie saoudite soutient les échéances constitutionnelles qui servent le projet de l’État au Liban. Partant, le président de la République doit être au-dessus de tout soupçon, notamment en termes de corruption, afin d’assurer une bonne gouvernance de l’État. De même, il doit se tenir au-dessus de la mêlée politique et apporter son appui au projet de l’édification d’un État, qui travaillera sous son égide et non sous celle du mini-état du Hezbollah.

Par ailleurs, la réunification de la maison interne sunnite dans le but d’être à la hauteur de l’échéance présidentielle et de former un gouvernement sera omniprésente au cours de la réunion qui se tiendra samedi, 24 septembre, à Dar el-Fatwa à l’initiative du mufti Abdellatif Deriane. Les députés sunnites ont été conviés à cette réunion, y compris les " députés du changement ", afin de dégager un terrain d’entente concernant l’approche à adopter au sujet des échéances présidentielle et gouvernementale.

De source bien informée, on souligne que cette réunion intervient à la suite des différents entretiens qui ont eu lieu entre M. Boukhari et les parlementaires sunnites, et reflète la volonté de renflouer le gouvernement actuel en y apportant un léger remaniement.  Le but étant de préserver l’accord de Taëf et le droit de Dar al-Fatwa (qui reste l’instance fédératrice pour toute la communauté sunnite) de rétablir l’équilibre sunnite et de défendre la présidence du Conseil des ministres. Celle-ci constitue un pôle majeur pour la communauté sunnite, notamment après que l’ancien Premier ministre, Saad Hariri, a suspendu toute action politique.

Ainsi, les réunions de M. Boukhari se poursuivront dans les prochains jours, d’autant qu’une seconde réunion franco-saoudienne se tiendra à Paris afin de discuter de la manière d’aider le Liban à surmonter ses crises actuelles.

L’Arabie saoudite réussira-t-elle bientôt à restaurer les liens rompus, à l’aune des règlements en cours dans la région ? La réponse restera tributaire des développements régionaux et de leurs aboutissements, fussent-ils positifs ou négatifs.