Le Premier ministre israélien Yaïr Lapid et le président de la République libanaise Michel Aoun sont aujourd’hui confrontés à ce qu’ils redoutaient le plus: un retard au niveau de la conclusion de l’accord sur la délimitation de la frontière maritime, préjudiciable aux deux. Le Premier ministre israélien tenait à finaliser cet accord avant les législatives israéliennes du 1er novembre, pour pouvoir l’utiliser à son avantage et le président libanais aspirait à boucler le dossier avant la fin de son mandat, le 31 octobre, pour s’attribuer une victoire dont il pourrait récolter les fruits politiquement.

Au Liban, ceux qui suivent de près le dossier des négociations frontalières ne s’attendaient nullement à une objection israélienne aux observations libanaises sur la proposition américaine, estimant que celles-ci étaient formulées d’une manière qui ne pouvait pas générer de refus. Pourtant, s’ils avaient prêté attention aux commentaires de la partie américaine, ils auraient pu réaliser qu’Israël n’accepterait pas leurs propositions d’amendement. Le premier signe négatif à la démarche libanaise est intervenu durant les entretiens du vice-président du Parlement Élias Bou Saab avec l’équipe juridique américaine. Les négociateurs américains ont clairement attiré son attention sur ce risque, même s’ils ont reconnu que la majorité des points soulevés par Beyrouth étaient logiques et légitimes.

Toutes les informations rassemblées au sujet du litige naissant convergent autour de deux points. Israël refuse catégoriquement que Total Energy, la société française qui devrait exploiter le champ de Cana, ait une liberté totale d’activité dans ce secteur, sans un accord préalable  de Tel-Aviv, surtout que la partie sud du champ gazier se trouve dans les eaux territoriales israéliennes, donc sous contrôle israélien. Le Liban, en revanche voudrait que Total Energy ait les coudées franches dans l’exploitation des ressources gazières de Cana.

Le second point de litige se rapporte à la "ligne des bouées", cette zone de sécurité établie par Israël en mer entre les lignes 1 et 23, sur un tracé s’étendant sur 5 kilomètres à partir de Ras Naqoura, et que Tel-Aviv voudrait consacrer. Un tel procédé mettrait fin une fois pour toutes au conflit frontalier maritime entre les deux pays voisins, mais le Liban a préféré laisser les choses en l’état, refusant de conférer une légalité quelconque à la "ligne des bouées".

Quoi qu’il en soit, au Liban, les officiels refusent  de croire que l’accord que les États-Unis se sont attelés à élaborer des mois durant est compromis. Ils estiment que la médiation américaine ne s’arrêtera pas, et que l’échange indirect de vues et d’idées entre les Libanais et les Israéliens se poursuivra pour parvenir à une nouvelle formule qui satisfaira les deux parties au dossier.

Mais aujourd’hui, la question la plus importante qui se pose est celle de savoir laquelle des deux parties est prête à faire des concessions en premier. Après tout ce qui vient de se passer, toute concession, qu’elle vienne de telle ou de telle autre partie, aura un prix politique.