Le Liban a qualifié la dernière mouture de l’accord sur la frontière maritime d’"historique" et a assuré "avoir obtenu tous ses droits".

Le Liban se gardait toujours mardi de donner des indications sur la mouture finale de l’accord sur la délimitation de la frontière maritime avec Israël, alors que la Knesset tiendra mercredi une réunion extraordinaire afin d’en prendre connaissance. Le document devrait être initialement présenté dans deux semaines, mais "l’importance de l’accord commande son examen, le plus tôt possible, par les législateurs", a commenté à cet égard le président du Parlement israélien, Micky Levy, cité par la presse israélienne.

La mouture finale de l’accord a été remise tard dans la nuit de lundi à mardi par l’émissaire américain chargé des négociations indirectes entre les deux pays, Amos Hochstein, au vice-président de la Chambre, Élias Bou Saab, chargé de suivre le dossier. Ce dernier l’a communiquée à son tour, mardi dans la matinée, aux trois pôles du pouvoir.

Signe que le Liban et Israël ne doivent pas tarder à signer l’accord, une délégation du groupe TotalEnergies, qui serait chargée de la prospection gazière offshore, menée par le directeur de la région Mena pour l’exploration-production gazière et pétrolière du groupe, Laurent Vivier, a entamé une visite officielle au Liban où elle a tenu une réunion avec le Premier ministre sortant, Najib Mikati, en présence du ministre sortant de l’Énergie, Walid Fayad, qui a plus tard annoncé que TotalEnergies lancera les opérations de prospection gazière dans la Zone économique exclusive libanaise dès que l’accord avec Israël sera signé.

Najib Mikati "a demandé aux représentants de TotalEnergies de prendre immédiatement les mesures opérationnelles pour le forage dans les eaux libanaises", a annoncé parallèlement le bureau du Premier ministre. De son côté, Laurent Vivier, a dit espérer une conclusion rapide de l’accord, ce qui ouvrirait la voie à "l’exploration de gisements de gaz dans les eaux libanaises".

Accord historique

Le document a été largement applaudi au Liban et en Israël qui l’ont qualifié d’"historique" et "satisfaisant". La présidence de la République a ainsi estimé que "la mouture finale de l’accord préserve les droits du Liban au niveau de ses ressources naturelles, en cette période importante pour les Libanais", en allusion à la crise dans laquelle le pays est plongé. Dans un communiqué, Baabda a aussi précisé que "les revendications du Liban, ont été prises en compte, sachant qu’elles ont été au centre de longues heures de négociations difficiles et compliquées". La présidence de la République a exprimé le souhait que l’accord sur la délimitation des frontières soit annoncé dans les plus brefs délais. À cet égard, le chef de l’État Michel Aoun a assuré qu’il mènera les concertations nécessaires afin d’annoncer sans tarder la position officielle du Liban. Il doit s’adresser aux Libanais mercredi pour faire le point sur le projet d’accord, d’autant que "la version arabe du document est en train d’être étudiée" au palais de Baabda, selon le Premier ministre sortant Najib Mikati, qui a été reçu en fin d’après-midi par le chef de l’État. Selon M. Mikati, c’est "la version anglaise de l’accord qui a été avalisée".

Le Liban a obtenu ses droits

Le vice-président de la Chambre, Élias Bou Saab, a à son tour confirmé que "les revendications du Liban ont été satisfaites". "Les remarques formulées par l’autre partie (Israël) ont été corrigées", a-t-il ajouté, soulignant que le Liban et Israël se considèrent tous deux "gagnants", comme "l’accord satisfait les deux parties". "Le Liban aura sa part conformément à l’accord avec le groupe Total", a-t-il encore expliqué à l’issue d’un entretien avec M. Aoun. Et M. Bou Saab d’insister: "Le Liban a obtenu tous ses droits. Toutes les remarques qu’il a formulées ont été prises en compte."

Il a en outre signalé que le Liban ne reconnaît pas "la ligne des bouées", et que toute entreprise qui doit mener des travaux d’exploration gazière de part et d’autre de cette ligne "ne doit pas être soumise à des sanctions internationales".

Renforcer la sécurité d’Israël

La médiation américaine entre le Liban et Israël au sujet de la délimitation de la frontière maritime a commencé il y a deux ans. Début octobre, les deux pays avaient donné leur feu vert à un projet d’accord qui leur a été proposé par le médiateur américain, Amos Hochstein. Mais jeudi dernier, Israël avait douché les espoirs en refusant deux amendements libanais au projet d’accord. Ces derniers jours, les négociations en coulisses se sont poursuivies et Israël a indiqué mardi avoir reçu une réponse favorable à ses remarques sur les demandes d’amendements libanais.

De fait, le Premier ministre israélien Yaïr Lapid a annoncé un accord "historique", qui "va renforcer la sécurité d’Israël, injecter des milliards (d’euros) dans l’économie israélienne et assurer la stabilité de notre frontière nord (avec le Liban)". Plus tôt, le chef du Conseil de sécurité nationale d’Israël, Eyal Hulata, avait affirmé que son pays était également satisfait par le document. "Toutes nos demandes ont été prises en considération, a-t-il déclaré. Nous avons protégé les intérêts sécuritaires d’Israël. Nous sommes sur le point de signer un accord historique."

Le ministre israélien de la Défense Benny Gantz a lui aussi salué la décision du Liban de soutenir un accord "positif pour les deux parties", malgré les "menaces" du Hezbollah de le torpiller. "Nous n’avons pas fait et ne ferons pas de compromis sur un seul millimètre jugé critique à notre sécurité", a-t-il déclaré.

Cette mouture de l’accord a toutefois été critiquée par l’ancien Premier ministre Benjamin Netayahu, qui a souligné qu’il ne s’agit pas d’un accord historique, "mais d’une capitulation historique". Dans une déclaration en direct sur Facebook, il a accusé M. Lapid d’avoir cédé aux pressions du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah. "Celui qui capitule devant Nasrallah ne peut pas être Premier ministre (…). Israël ne peut pas s’autoriser d’avoir un Premier ministre amateur et faible", a martelé M. Netanyahu, répétant sa menace de ne pas honorer l’accord s’il retourne au pouvoir.

Réactions internationales

Réagissant à l’accord, le président des États-Unis Joe Biden a félicité le Liban pour la fin des négociations. Lors d’un appel à son homologue Michel Aoun, il a assuré que "les États-Unis se tiennent aux côtés du Liban pour instaurer la stabilité et lui permettre de renforcer son économie et de profiter de ses richesses naturelles".

De son côté, le secrétaire d’État américain Anthony Blinken a estimé que cet accord favorisera "le développement d’une source d’énergie importante".