Les dates des législatives sont fixées. Environ 225 114 expatriés participeront au scrutin les 6 et 8 mai 2022 selon le décret rendu public le lundi 27 décembre par le ministre de l’Intérieur Bassam Maoulaoui, puis signé par le Premier ministre Nagib Mikati et le président de la République Michel Aoun, mercredi 29 décembre.

Le délai des inscriptions sur les listes d’électeurs pour les expatriés avait expiré fin novembre. Seuls 244 442 Libanais établis à l’étranger se sont inscrits et pourront donc participer au vote. Cependant, le ministère des Affaires étrangères a transmis 230 466 fiches à étudier à la Direction générale du statut personnel qui relève du ministère de l’Intérieur, précisant que quelque 14 mille demandes ont été rejetées pour des causes variées, dont le non-respect des critères pour l’enregistrement, un double enregistrement, l’expiration du délai légal d’inscription ou l’expiration de certains documents comme le passeport ou le permis de séjour. Toutefois, l’effectif a baissé encore une fois de 2 612 faute de conformité aux critères établis. Ainsi, au total, 16 588 demandes ont été annulées. Des personnes rapportent que certains expatriés n’ont pas reçu par courriel la validation de leur inscription électronique ce qui les a laissés dans le doute, se demandant s’il s’agissait d’une erreur technique ou humaine.

En outre, 2740 électeurs devront faire l’effort de voter au Liban vu l’impossibilité d’organiser des élections dans les localités regroupant moins de 200 inscrits, affirme Mme Vanessa Matta, responsable des relations médiatiques au bureau du ministre de l’Intérieur. Mme Rahaf Abou Chahine, chargée de communication à l’association libanaise pour la démocratie des élections (LADE), souligne à ce sujet que " cette mesure n’oblige pas les Libanais à se déplacer mais maintient leurs noms sur les listes d’électeurs ". Le coût d’ouverture des bureaux de vote incombe à l’Etat. Mme Abou Chahine souligne qu’" il serait préférable de reconsidérer le nombre minimum requis pour l’instauration des bureaux de vote ". Et pour cause : prendre l’avion en mai pour Beyrouth pourrait être difficile pour des raisons diverses en rapport avec l’emploi, les études en présentiel, les frais de déplacement…

Quoi qu’il en soit, d’aucuns se félicitent de la hausse du nombre total d’électeurs expatriés en 2021. Le chiffre enregistré est en effet le triple de celui de 2018 (environ 82 900). Cette nette augmentation a déjà déstabilisé des politiciens au pouvoir qui ont essayé d’endiguer la voix des émigrés en limitant leur vote à 6 représentants, mais cette tentative a fait choux blanc.

Il reste que 225 mille électeurs expatriés est un chiffre anormalement bas vu que la diaspora libanaise compte plus du triple des résidents, ce qui ouvre un débat sur la restitution de la nationalité ou des pièces d’identité libanaise aux émigrés et le rôle du ministère des Affaires étrangères et des missions diplomatiques à ce sujet. Alain Louyaut écrivait dans l’Express en 2002 : " Aucun pays au monde ne compte, comme le Liban, plus de ressortissants hors de ses frontières qu’à l’intérieur. "

Points de vue d’activistes

Une multitude de facteurs auraient permis l’accroissement de ces chiffres, relève un spécialiste en sciences des données : " D’une part, la révolution de 2019 qui a probablement été une cause potentielle avec la mobilisation des expatriés lors des manifestations ; d’autre part, la double explosion au port de Beyrouth qui a conféré aux Libanais du monde un sentiment d’engagement à l’égard de leur patrie meurtrie ".
" J’ai quitté le Liban à la fin de la guerre civile. Je refuse que mes compatriotes continuent de bruler dans un enfer sans fin, c’est pourquoi je vais participer aux élections ", confie à Ici Beyrouth un Libanais vivant en Roumanie. Cependant, il ne cache pas son inquiétude que les chiites de sa communauté ne puissent pas voter librement dans les régions qui sont sous l’emprise du tandem Hezbollah-Amal.

Des activistes font part de leurs avis sur les élections de 2022 et du rôle des expatriés. Marc Tuéni représentant de " Meghterbin Mejtemiin " à Paris explique que les élections ne sont pas une finalité mais un passage obligé pour mettre en perspective le changement. Il a contribué, dit-il, à convaincre quelque 200 personnes à s’inscrire au Maroc et au Luxembourg.  De son côté, Wadih Assaf, secrétaire général de l’Association libano-suisse, appelle à une surveillance internationale effective des élections sous l’égide des Nations-Unies et non pas un simple contrôle inefficace. Pour lui, le Liban est sous occupation iranienne via le Hezbollah ce qui entrave la transparence des élections et surtout la mobilité des électeurs.

Quant au président du comité de suivi pour l’application des résolutions onusiennes, Pierre el Sokhn (résidant en Australie), il souligne que " les Libanais craignent que les bulletins ne soient pas dépouillés en Australie et qu’ils disparaissent comme lors des élections précédentes ". " Nous n’avons pas confiance dans l’Etat ", affirme-t-il. Cependant, il souhaite que les élections aient lieu, mettant en garde contre la prorogation illégitime du Parlement actuel et craignant de ce fait la fin de la démocratie au Liban. Il insiste dans ce contexte sur le fait que le plus important reste l’application des résolutions de l’ONU.