Aussi simple que bonjour: en une séance au pas de charge, un acte théâtral monté de toutes pièces, 66 députés ont assuré le quorum mardi et permis la prolongation du mandat des conseils municipaux et des moukhtars pour une durée d’un an au plus, soit en définitive un mandat de huit ans au total, sachant que ce mandat a déjà été prolongé d’un an en 2022.

 

Cette prorogation permet donc d’éviter l’émergence d’une nouvelle vacance au niveau de la gestion de la chose publique si ces élections ne peuvent se tenir en raison d’éventuels obstacles logistiques, financiers et humains. Les intérêts des citoyens et des administrations locales seraient alors préservés en théorie dans une logique de continuité. Pratiquement donc, rien ne change: les conseillers municipaux et les moukhtars poursuivront leur mission jusqu’en mai 2024, au maximum.

Quid des vacances?

Depuis le dernier scrutin de mai 2016, certains élus ne sont plus en poste: démissions, décès… plusieurs facteurs ont entraîné des vacances à différents niveaux, que ce soit au sein des conseils municipaux ou des moukhtars. Or puisque la loi votée mardi ne fait que prolonger la durée du mandat de ces élus, les lois régissant les fonctions et les procédures des conseils municipaux et des moukhtars restent en vigueur.

En cas de vacance de la position de moukhtar, un remplaçant est choisi parmi les candidats malheureux du dernier scrutin, comme le prévoit l’article 15, amendé en 1999, de la loi 36/1947. Par exemple, à Rmeil (Beyrouth I), suite au décès du moukhtar Ziad Aramouni en décembre 2021, le ministère de l’Intérieur a décidé de nommer Maroun Naufal, premier perdant du scrutin de 2016 pour le remplacer. À Achrafieh (Beyrouth I), le moukhtar Pierre Sadaka, décédé en octobre 2020, a quant à lui été remplacé par le deuxième perdant Antoine Rizk. Une décision normalement illégale à moins que la première perdante, Samira Tabbal, n’ait refusé de remplacer le défunt.

Concernant les conseils municipaux, les vacances au niveau des postes peuvent être dues à différentes raisons: d’une part, un vide au niveau de la présidence ou de la vice-présidence du conseil municipal, ou une absence totale de conseil municipal, due à des démissions ou une dissolution motivée et décidée par le Conseil des ministres, sur proposition du ministre de l’Intérieur, en cas de fautes graves récidivées.

Si un vide intervenait à la tête du conseil municipal, un autre membre du conseil pourrait être élu par ses collègues en suivant la même procédure qu’en début de mandat.

Dans le cas d’une vacance d’un quart des sièges du conseil (article 21 de la loi 118/1977), des élections partielles doivent être organisées dans les deux mois qui suivent, à moins que leurs mandats se terminent au cours des six mois suivants. Idem si tout le conseil est démissionnaire ou dissous. Durant la phase de transition, c’est le caïmacan ou le mohafez de la région qui gère les affaires courantes de la municipalité en question.

Des élections partielles devraient donc être organisées dans les municipalités concernées qui ne fonctionnent plus à cause des démissions ou des dissolutions, puisque le mandat a été prolongé d’un an, jusqu’en mai 2024. Or au Liban, comme à l’accoutumée, le temporaire devient permanent et les lois ne sont appliquées que si une volonté politique existe.

À l’instar des élections législatives partielles qui sont rarement décidées pour remplacer des sièges parlementaires vacants, l’Exécutif libanais ne prend la peine d’organiser des élections municipales partielles que si les composantes politiques du gouvernement y ont intérêt. Les mohafez et les caïmacams continueront donc de gérer eux-mêmes, dans la limite de leurs moyens, les différentes municipalités vacantes jusqu’au prochain scrutin de mai 2024, si rien ne change d’ici là. À moins que le Conseil constitutionnel n’accepte les recours que différents blocs parlementaires préparent et n’invalide cette loi. Auquel cas, les mandats des conseils municipaux s’achevant le mois prochain, le pays s’enfoncera dans un nouveau type de vacance constitutionnelle.