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Votée le 18 avril dernier, la loi sur la prolongation des mandats des conseils municipaux municipaux et des moukhtars est aujourd’hui suspendue par décision du Conseil constitutionnel. Comment réagira le gouvernement? Qu’adviendra-t-il des conseils municipaux si aucune décision n’est prise d’ici la fin du mois de mai, date à laquelle les mandats de ces derniers expirent ?

Le Conseil constitutionnel (CC) a accepté ainsi, mardi, sur le plan du principe et au niveau de la forme, les deux recours en invalidation présentés contre cette loi par les députés des Forces Libanaises (FL), d’une part, et par ceux des Kataëb, du " Renouveau " et des indépendants, d’autre part. "Il s’agit d’une décision temporaire en attendant d’examiner les recours de plus près", explique l’un des membres du CC, à Ici Beyrouth. "Pour statuer définitivement sur les recours, il faut attendre que le président du CC nomme un rapporteur", précise-t-il. À partir du moment où il est désigné, ce dernier dispose de 10 jours pour étudier les recours et remettre au Conseil son rapport. Les délibérations peuvent alors commencer. Elles peuvent s’étendre sur une durée maximale de 15 jours, à l’issue desquels le CC devra trancher. "Normalement, cela devrait se faire avant la fin du mandat des conseils municipaux", estime le magistrat interrogé.

En attendant, le gouvernement devrait agir comme si la loi sur la prolongation des mandats municipaux et des moukhtars n’existait pas. Il devrait appeler à l’organisation de nouvelles élections. C’est du moins ce que réclame le député Ghassan Hasbani (Forces libanaises), qui fait partie des parlementaires qui ont présenté le recours. L’option d’organiser le scrutin s’avère toutefois quasiment impossible, au vu des différentes entraves (notamment politiques) apparues sur ce plan.

Les différents scénarios possibles 

Aujourd’hui, trois cas de figure se présentent. Le premier repose sur le fait que les recours seraient rejetés par le CC . La loi entre par conséquent en vigueur et les mandats sont prorogés. Or une telle décision est problématique pour le CC, qui devra justifier un revirement de jurisprudence. En effet, en 1997, le Liban avait connu une situation semblable à celle qui se présente aujourd’hui. Cette année-là, les lois n°654 et 655, datées du 24 juillet 1997, et relatives à la prorogation des mandats des conseils municipaux et des moukhtars, étaient ratifiées par la Chambre des députés. Considérant que les textes étaient contraires aux dispositions de la Constitution, notamment ses articles 7 et 16, ainsi qu’aux principes prévus à son Préambule, certains députés déposaient, au mois d’août, un recours contre ladite loi. Réuni en son siège en date du 12 septembre 1997, sous la présidence du juge Amin Nassar, le CC décidait, après délibération, la recevabilité du recours en la forme et l’annulation de la loi.

Par conséquent, si le CC tranche aujourd’hui en faveur de la loi, il devra s’expliquer sur les raisons pour lesquelles son jugement aura été différent de celui de 1997.

Deuxième cas de figure: les recours sont acceptés. La loi est ainsi rejetée dans la forme et dans le fond. "Le gouvernement se trouve alors dans une situation délicate et devra assumer avec le Parlement la responsabilité du vide municipal et se dépêcher de convoquer les collèges électoraux", signale le député Georges Okeiss à Ici Beyrouth.

Troisième scénario: le CC se trouve dans l’incapacité de prendre une décision, la majorité (qui est de 7 membres sur 10) n’étant pas assurée. "Dans ce cas de figure, la loi est adoptée et les mandats prorogés", indique le magistrat susmentionné, membre du CC. Il semble, selon une source proche du dossier, que les membres du CC ne parviennent pas à se mettre d’accord sur l’affaire. Avec de tels avis divergents, la Chambre des députés pourrait proposer une nouvelle loi de prolongation supplémentaire des mandats, le temps que le CC tranche les recours dans le fond.

À titre de rappel, la loi adoptée par le Parlement le 18 avril prévoit la prolongation des mandats des conseils municipaux et des moukhtars pour une durée maximale d’un an. Les élections qui devaient se tenir initialement en 2022, avaient été reportées d’un an. Elles l’ont été, une fois de plus, en vertu de cette loi jusqu’au 30 mai 2024, le gouvernement et le Parlement se renvoyant la balle au sujet de la tenue ou non du scrutin dans les délais.

Considérant la loi comme entachée du vice d’inconstitutionnalité, affirmant en outre qu’elle est contraire aux principes généraux prévus au Préambule de la Constitution, à ses articles 7 et 16, et en l’absence de circonstances exceptionnelles justifiant la prorogation de ces mandats, les députés précités se sont fortement opposés à la loi. Ces parlementaires auront ainsi réussi à embarrasser aussi bien le CC, le gouvernement que le Parlement qui, une fois de plus, se trouvent dans une situation délicate.