Présidentielle : Jihad Azour, l’homme de la situation ?

 
Jihad Azour ne fait peut-être pas encore l’unanimité sur la scène politique libanaise, dont certains acteurs lui préfèrent des candidats proches de leur ligne, ou qui leur ressemblent davantage. Mais ceux qui connaissent cet ancien ministre des Finances, et actuel directeur du Moyen-Orient et de l’Asie centrale au Fonds Monétaire International, ou qui suivent son parcours professionnel, réalisent qu’il possède de nombreux atouts lui permettant de " sauver " le pays de ses différents problèmes, à commencer par la crise socio-économique.
Mercredi 14 juin, Jihad Azour fera face à Sleiman Frangié, lors de la 12eme séance parlementaire consacrée à l’élection d’un président de la République. Son nom, avancé par Walid Joumblatt en février, parmi une liste de trois candidats consensuels proposés au Hezbollah, est revenu en force il y a deux semaines. En effet, les forces de l’opposition souverainiste et le Courant patriotique libre ont " convergé " sur un appui à Jihad Azour, qu’ils ont officiellement annoncé. Le Parti socialiste progressiste, ainsi que plusieurs députés du Changement et des indépendants, ont également officialisé leur appui à sa candidature.
" Honnête et intègre "
Aux yeux de nombreux observateurs, il ne fait aucun doute: Jihad Azour est l’homme de la situation.
Son parcours dans les secteurs public (ministre des Finances de 2005 à 2008) et privé (consultant chez MacKenzie et Booz Allen Hamilton, avant de lancer sa propre société de conseil et d’investissement) mais également au sein d’une grande institution internationale (le FMI, depuis 2017), le distingue nettement d’autres candidats.
"S’il est élu, il sera un excellent président, le seul capable de sauver le Liban", souligne Sami Haddad, ministre de l’Économie de 2005 à 2008 dans le Cabinet dirigé par Fouad Siniora, et dans lequel Jihad Azour était à la tête du ministère des Finances. " Il est honnête et intègre, grand travailleur, et c’est un homme de principes et de dialogue ", ajoute M. Haddad.
Selon lui, le Liban fait face à trois problèmes principaux : la présence des réfugiés syriens, les armes du Hezbollah et la crise financière et économique. " Alors que les problèmes des réfugiés et des armes revêtent une dimension régionale très importante, et ne peuvent pas être résolus par les Libanais entre eux, la crise financière et économique, qui anéantit ce pays, est un problème libano-libanais à cent pourcent, qui ne peut être résolu que par les Libanais ", explique M. Haddad. " Et la personne la mieux indiquée pour cela est Jihad Azour. C’est un expert en la matière, et il occupe un poste très important au FMI, sans lequel il n’y aura pas de solution au Liban ", affirme-t-il.
" Trois grandes qualités "
Ahmed Fatfat, qui avait également occupé un poste ministériel dans le même Cabinet, est, lui, " convaincu que Jihad Azour est idéal pour la présidence de la République, en raison de ses connaissances au niveau scientifique, économique et politique ". M. Fatfat reconnaît que son avis est " entaché d’apriori positifs ", car il a connu Jihad Azour enfant, et a toujours été très proche de lui, étant tous les deux originaires du village de Sir el-Denniyé, au Liban-nord.
Selon Ahmed Fatfat, Jihad Azour "a au moins trois qualités principales : "Il est très éduqué et expert dans les dossiers économiques et financiers, en général, et du pays, en particulier. Il a l’avantage d’être politisé, ayant exercé la politique et étant issu d’une famille politique. Enfin, et surtout, il est très intègre ". M. Azour est le neveu de l’ancien ministre et député Jean Obeid.

M. Fatfat souligne que le poste actuellement occupé par l’ancien ministre des Finances est prestigieux. " De par ses fonctions, il a des contacts influents à la Banque mondiale, mais également partout dans la région, où il rencontre les chefs d’États et les ministres des Finances ", note-t-il.
Azour et Siniora
Si Walid Joumblatt avait été le premier à proposer le nom de Jihad Azour comme candidat consensuel, c’est parce qu’il n’est rattaché à aucun groupe politique.
Cependant, ses détracteurs l’accusent d’être l’homme de Fouad Siniora, et d’être proche du " haririsme ". Or ce n’est pas Fouad Siniora, mais l’ancien ministre des Finances et économiste Georges Corm, (qui ne peut certainement pas être taxé de " haririsme ") ,qui a été le premier à introduire Jihad Azour dans le monde politique libanais, comme consultant au ministère. Il avait probablement été impressionné par ses diplômes et ses aptitudes.
En effet, après une maîtrise en économie de l’université Paris Dauphine, Jihad Azour a obtenu un doctorat avec mention honorable en finance internationale à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po). Pendant qu’il terminait son doctorat, il a été boursier postdoctoral au département d’économie de l’Université de Harvard, où il a étudié l’intégration des économies émergentes dans l’économie mondiale.
Lorsque Fouad Siniora a succédé à Georges Corm, à la tête du ministère des Finances, Jihad Azour a présenté sa démission au noveau ministre. Celui-ci a étudié son parcours et lui a proposé de travailler avec lui. N’étant pas vraiment du même bord politique, Jihad Azour a d’abord hésité, puis a accepté. Les deux hommes ont alors collaboré ensemble, et lorsque Fouad Siniora a été désigné Premier ministre en 2005, il lui a proposé le poste de ministre des Finances, qu’il a accepté.
" Il est très indépendant d’esprit, et prend ses décisions selon ses convictions ", souligne Ahmed Fatfat, qui se souvient qu’en Conseil des ministres, M. Azour tenait souvent tête à M. Siniora.
À la libanaise
Certains observateurs estiment que M. Azour satisfait tous les critères définis par la plus grande partie des joueurs libanais et étrangers concernant la présidence de la République. Il est jeune, éduqué, compétent, consensuel, réformiste, fort d’une expérience politique et économique, et capable de dialoguer avec toutes les parties locales, régionales et internationales.
L’élection de Jihad Azour serait très significative, si elle a lieu. "S’il y a un accord politique et une décision régionale et internationale de sauver le Liban, il est le mieux indiqué pour cette mission. Je serai très heureux s’il est élu, car cela voudrait dire que nous sommes en train de sortir du creux de la vague ", confie Ahmed Fatfat.
Toutefois, il estime qu’il serait risqué d’avancer la candidature de Jihad Azour en l’absence d’un accord régional et international. Ahmed Fatfat ajoute : " C’est un homme d’une grande valeur, et je ne voudrais pas qu’il perde ses fonctions au FMI pour rien, à cause de la politique ‘à la libanaise’ ".
Commentaires
  • Aucun commentaire