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Aucune date n’est prévue pour l’élection du président de la République en raison de l’incapacité des forces locales à se mettre d’accord. La communauté internationale, quant à elle, est préoccupée par les dossiers chauds qui remplissent les agendas des responsables. Dans ce contexte, un responsable occidental souligne que "tant que les forces politiques au Liban refusent de s’entendre pour élire un président, comment pouvons-nous les aider alors qu’elles ne nous aident pas à le faire?".

Les forces locales continuent ainsi de bloquer l’élection et de s’accuser mutuellement du blocage. Face à cette réalité, un ancien responsable prévoit que la vacance présidentielle se poursuivra jusqu’au printemps prochain, se basant sur des informations indiquant que la communauté internationale se soucie de ses propres problèmes et son unique préoccupation est de maintenir la stabilité et d’éviter l’effondrement du Liban. À cet égard, un ancien responsable rapporte les propos de l’ambassadrice américaine au Liban, Dorothy Shea, qui déclare que "son pays ne va pas abandonner le Liban, malgré les dires de certains". "Preuve en est, indique-t-elle, que les États-Unis y ont établi leur plus grande ambassade dans la région. Cependant, ils ne peuvent pas se substituer aux Libanais dans le choix du président".

En outre, l’ambassadrice américaine affirme que son pays ne permettra pas l’effondrement du Liban. Et pour cause: Washington soutient aussi bien les institutions militaires et sécuritaires pour maintenir la stabilité, que le peuple libanais, à travers les aides d’institutions financières et des organisations non gouvernementales.

Par ailleurs, comme le dossier de l’élection présidentielle a été mis de côté pour le moment, les parties internes cherchent à renforcer leur position en prévision de la phase des négociations. D’un autre côté, le Hezbollah tente de consolider sa position au Sud en provoquant une escalade afin d’avoir droit au chapitre dans la prochaine étape censée régler la question des frontières terrestres. En ce qui concerne Nabih Berri, il s’accroche à l’entente, la considérant comme un passage obligé pour l’élection du président. L’opposition, quant à elle, demande l’application de la Constitution dans l’élection du président, tandis que le CPL cherche à créer les conditions adéquates pour que Gebran Bassil puisse se présenter comme un choix incontournable pour l’axe obstructionniste, et essentiel pour les chrétiens afin de faire face aux développements dans le cadre des écueils de l’initiative française.

Dans ce contexte, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a renoncé aux garanties qu’il réclamait et qu’il désirait consacrer à travers des amendements constitutionnels et il les a réduites à une personne, affirmant que "Sleiman Frangié est la meilleure garantie" pour rassurer le parti. D’un autre côté, les Forces libanaises et l’opposition rejettent le dialogue et réclament un président souverainiste pour sauver le pays et mettre en œuvre la teneur du communiqué américano-franco-saoudien, publié à l’issue de la réunion tripartite à New York en septembre 2022.

Selon certaines sources, le gel du dossier Libanais va de pair avec les développements régionaux extrêmement importants en cours, après l’accord irano-saoudien de Pékin: cela va de la réconciliation sunnito-chiite en gestation entre l’Iran et l’Arabie saoudite jusqu’à la mise en place d’un nouveau Moyen-Orient, en passant par le règlement du conflit israélo-palestinien via la solution des deux États. Ainsi, les développements à la frontière sud du Liban, la situation à Jénine, en Cisjordanie, et les événements à l’intérieur d’Israël, ainsi que le comportement du gouvernement de Benjamin Netanyahu, s’inscriraient dans le cadre de la préparation des conditions propices au règlement. C’est pourquoi la visite, qualifiée de "secrète" par un ministre israélien, du conseiller du président Joe Biden, Amos Hochstein, en Israël, qui coïncide avec la visite du président israélien à Washington, vise à faire progresser une série de dossiers, allant du nucléaire à la normalisation finale, en passant par la question des frontières terrestres entre le Liban et Israël, avec le début des forages, par Total, dans le Bloc 9.

Selon certaines sources, l’administration Biden est "mécontente" du gouvernement Netanyahu et de certains de ses membres en raison de leur implication dans la corruption, l’extrémisme et l’ingérence dans les affaires judiciaires. M. Hochstein a été envoyé pour traiter les dossiers passibles "de déstabiliser la région". Pendant ce temps, Oman est au centre d’une série de réunions entre les États-Unis et l’Iran, l’Iran et l’Arabie saoudite, et l’Arabie saoudite et les États-Unis, pour mettre de l’ordre dans les affaires régionales, à partir du dossier nucléaire et de la mise en œuvre de l’accord de Pékin, censé limiter l’ingérence de l’Iran dans les affaires de la région afin de maintenir la stabilité.

Par conséquent, la région connaîtra des développements positifs et des visites d’officiels américains pour accélérer les étapes du règlement. Selon un ancien responsable libanais, l’on assiste à des efforts pour préparer la fin de la phase de normalisation et pour mettre fin au conflit israélo-palestinien sur base de l’initiative du roi Abdallah lors du sommet de Beyrouth en 2002, après sa présentation en septembre prochain à l’Assemblée générale des Nations Unies pour exécution, en adoptant la solution de deux États.

Israël a anticipé ces données en mettant en œuvre un plan d’annexion des terres palestiniennes pour renforcer sa position dans les négociations, après que le président palestinien a appelé, pour la première fois depuis un certain temps, à la reprise des négociations. Il reste qu’une source diplomatique reconnaît que Joe Biden cherche à écarter Netanyahu du pouvoir pour laisser place au retour des modérés afin de parvenir à une solution.

Partant, les actions du Hezbollah au sud sont-elles liées à ces données? Serait-ce une tentative de perturber la stabilité et renforcer la position du Hezb dans les négociations dans le but de faire échouer les plans qui le lèsent dans cette étape?

Selon des sources diplomatiques, une solution à la crise au sud est possible, notamment avec le retrait d’Israël du nord du village de Ghajar, la suppression des tentes du Hezb sur la Ligne bleue, le règlement du différend concernant les six points sur la frontière sud reconnue internationalement, et le contrôle des frontières avec la Syrie afin d’empêcher la contrebande et l’entrée d’armes au Liban. C’est d’ailleurs l’une des conditions du maintien du président Bachar al-Assad au pouvoir.

Enfin, si un président est élu comme prévu en début d’année, à moins que des aléas internationaux ne requièrent d’avancer la date, le chantier des réformes sera lancé, et l’accord de Taëf sera alors appliqué. En fait, ce qui est requis, ce n’est pas un dialogue, mais plutôt l’application des dispositions de Taëf et de la législation en vigueur. Ainsi, le nouveau président serait le fruit du règlement global tant attendu.