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Que s’est-il passé lors de la réunion à huis clos de vingt minutes entre Nabih Berri, l’émissaire américain, Amos Hochstein, et l’ambassadrice américaine au Liban, Dorothy Shea, à la résidence de Berri à Aïn el-Tineh  ?

Selon des sources bien informées, Washington aurait encouragé Berri à convoquer des séances consécutives pour élire un président de la République afin de mettre le Liban sur la voie du redressement, avec le début de l’exploration gazière et le règlement  du dossier des frontières terrestres au Sud.

Le message américain était clair, contrairement à certaines rumeurs qui laissaient entendre que les Etats-Unis étaient mécontents de la connivence de Berri avec l’approche obstructionniste du Hezbollah concernant l’élection présidentielle, ce que Berri a contesté avec virulence.

Le message américain a coïncidé avec des signes positifs confirmant que l’on se dirige vers une solution. Le plus marquant a été l’annonce par Berri de séances successives pour l’élection d’un président, précédées d’une semaine de dialogue. Berri se serait ainsi positionné comme médiateur entre l’axe de la "résistance" et les forces de l’opposition. 

Berri a confirmé que la présidentielle ne peut pas aboutir en imposant un candidat ou en opposant un veto sur un autre. Cependant, il a appelé à élire un président consensuel et inclusif. La prise de position de Berri a suscité l’intérêt du président français Emmanuel Macron, qui a critiqué l’Iran en l’accusant de déstabiliser la région. Il a déclaré que "l’un des éléments clés de la solution politique passera certainement par la clarification de l’ingérence iranienne au Liban".

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, a profité de sa présence au Liban pour répondre à Macron en disant : "Je conseille à M. Macron de se concentrer sur la situation en France plutôt que d’intervenir dans les affaires d’autres pays". Il a affirmé que "l’Arabie saoudite et l’Iran ne s’ingèrent pas dans les affaires du Liban, et le retour des relations à la normale est un signe positif qui contribue à résoudre la crise".

La visite d’Abdollahian a revêtu un caractère apaisant à travers ses positions et a porté des messages à plus d’une partie, de l’Arabie saoudite pour confirmer le rétablissement des relations, à la Chine pour réaffirmer l’engagement envers l’accord de Pékin, jusqu’au groupe des Cinq (France, États-Unis, Arabie-Saoudite, Qatar et Égypte) pour confirmer que l’Iran n’est pas celui qui déstabilise le pays et fait obstacle à l’élection présidentielle.

Par ailleurs, Abdollahian a transmis un message au peuple libanais en indiquant la volonté de l’Iran d’apporter son assistance dans le domaine de l’énergie, tout en appelant les forces politiques à élire un président sans intervention étrangère.

Loin des médias, Abdollahian a transmis un message au Hezbollah indiquant que l’Iran souhaite "zéro problème" avec l’Arabie saoudite et désire résoudre la crise au Yémen. Il a encouragé le Hezbollah à abandonner ce dossier et à entamer des négociations avec l’Arabie saoudite en vue de parvenir à un accord.

En outre, les réunions qu’il a tenues avec les dirigeants palestiniens et les forces politiques libanaises ont reflété le caractère rassurant de sa visite. Cependant, il a affirmé que le Liban demeure partie intégrante de l’axe obstructionniste, et que l’Iran soutient le Liban "avec son peuple, son armée et sa résistance".

Ce positionnement intervient après qu’Abdollahian a perçu, lors de sa visite en Syrie, une tentative américaine de sortir la Syrie de l’emprise iranienne, en s’appuyant sur l’effondrement de l’alliance des minorités au profit de l’alliance des majorités, symbolisée par la normalisation arabe sunnite avec Israël à travers les Accords d’Abraham.

Face à ces données, l’Iran s’accroche à la carte libanaise parce qu’il s’agit d’une carte maitresse pour cet axe, lui assurant une présence en Méditerranée, affirme-t-on de sources bien informées. C’est pourquoi Abdollahian a concentré ses positions sur le soutien à la "résistance", au peuple libanais, et sur sa proposition d’aide et la nécessité d’élire un président sans plus tarder pour mettre en œuvre un plan de relance économique.

La visite d’Abdollahian a adressé plus d’un signal à diverses parties, mais dans l’ensemble, elle visait à promouvoir la stabilité et le calme, compte tenu de la situation régionale avec la présence militaire américaine qui a coupé les lignes de communication et d’approvisionnement entre l’Iran et le Liban, notamment au poste frontière de Tanf en Syrie, près de la frontière irako-syrienne. Comme conséquence, une ligne aérienne entre Téhéran et Beyrouth a été mise en place, à travers laquelle l’Iran peut directement acheminer les équipements et les armes nécessaires au Hezbollah, sous "la stricte supervision des organes de sécurité de cette formation", selon des sources médiatiques arabes.

Le pari de Berri, jusqu’à présent, sur les négociations entre le Courant Patriotique Libre (CPL) et le Hezbollah pour ouvrir une "brèche" dans le processus électoral, est jugé inapproprié par les milieux du 8 Mars. Aucun progrès significatif n’a été enregistré à ce jour, malgré la volonté commune de parvenir à un accord. Les propositions présentées par Bassil ne peuvent pas être rapidement approuvées par le Hezbollah, nécessitant des discussions et des débats avec ses alliés.

Un ancien ministre affirme que le profil du président n’est toujours pas clairement défini, et il prévoit une nouvelle donne qui pourrait orienter l’élection vers une nouvelle direction, à travers des candidats émergents qui prennent de l’importance, alors que la cote de certains recule face à l’insistance en faveur d’un président de consensus plutôt qu’un président de confrontation.