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En raison des échecs des multiples tentatives entreprises par divers responsables et formations politiques pour élire un président de la République et de l’insistance du Hezbollah à lier ce dossier à des questions régionales pour l’utiliser comme une carte de pression aux mains de l’axe régional auquel il est subordonné, le dossier de l’élection présidentielle a été reporté à une date qui sera déterminée par le groupe des Cinq, à savoir, la France, l’Arabie saoudite, le Qatar, l’Égypte et les États-Unis.

En effet, la persistance du duopole chiite (Amal-Hezbollah) à soutenir la candidature de Sleiman Frangié est une réaction à la volonté du groupe des Cinq d’explorer une troisième option, ce qui a compliqué l’initiative française ainsi que les efforts du Qatar et d’autres acteurs internationaux, y compris le Vatican, pour élire un président.

Étant donné que l’élection présidentielle est étroitement liée aux enjeux régionaux, un ancien ministre estime qu’il est essentiel d’attendre l’aboutissement de certains dossiers critiques pour débloquer cette question. Parmi ces dossiers, on compte notamment les négociations entre les États-Unis et l’Iran, qui ont repris à Oman avec la participation de responsables sécuritaires. Ces pourparlers ont été initiés à la suite d’un échange de prisonniers entre les deux pays et d’un accord portant sur le transfert de 6 milliards de dollars d’avoirs iraniens gelés en Corée du Sud vers des banques qataries.

De plus, les négociations entre l’Arabie saoudite et les Houthis à Riyad, visant à mettre fin à la guerre au Yémen, ont été initiées à la demande de l’Iran. Cela fait suite aux discussions entre son ministre des Affaires étrangères, Hussein Amir-Abdollahian, et son homologue saoudien, Faisal ben Farhan. Dans ce contexte, l’Iran a demandé aux Houthis et au Hezbollah d’engager un dialogue avec l’Arabie saoudite dans le but de mettre un terme au conflit et de résoudre les différends.

Cependant, en dépit des défis qui se posent, l’Arabie saoudite s’engage résolument à mener ces négociations à leur terme en vue de rétablir la stabilité et la paix au Yémen, en restaurant l’autorité légitime.

Parallèlement, l’exploration pétrolière dans le bloc 9 au sud du Liban va bon train afin d’évaluer les réserves pétrolières disponibles.

Pendant ce temps, les milieux politiques attendent le retour de l’émissaire américain Amos Hochstein pour examiner les dossiers qu’il porte, notamment au niveau de la délimitation des frontières terrestres dans le sud avec Israël, ainsi que la question de l’élection présidentielle. À ce titre, on rapporte que l’administration de Joe Biden a inclus le dossier de la présidentielle dans la mission de Hochstein.

Néanmoins, la crise des réfugiés syriens au Liban occupe le devant de la scène politique en attendant l’arrivée de l’émissaire et la concrétisation des résultats des trois étapes susmentionnées. Cette situation est exacerbée par les atermoiements des responsables politiques et le blocage des institutions constitutionnelles en raison des divergences politiques, avec les répercussions qu’on connait sur la situation sécuritaire, comme l’indiquent les rapports à ce sujet.

Certains observateurs s’interrogent d’ailleurs sur l’afflux continu de réfugiés syriens au Liban, malgré la fin de la guerre en Syrie et l’existence de zones sécurisées sous le contrôle du régime, ainsi que d’autres sous le contrôle de l’opposition où les réfugiés pourraient retourner. Un responsable sécuritaire affirme que la principale motivation des Syriens pour se rendre au Liban est d’ordre économique plutôt que politique. Selon un réfugié syrien, la situation économique au Liban, malgré les difficultés, reste meilleure qu’en Syrie, où il déplore la cherté de la vie et la pénurie de produits de première nécessité.

Partant, si ces déplacements sont motivés par des raisons économiques visant à assurer leur subsistance, cela soulève des interrogations au sein des milieux sécuritaires sur la raison pour laquelle ces déplacés choisissent de s’armer, de transformer leurs camps en bases militaires et en casernes, en prenant soin d’acquérir des armes lourdes, des bombes, des drones et d’autres équipements similaires.

Les milieux souverainistes s’interrogent sur les implications de ce phénomène, face à l’indifférence de la communauté internationale, alors que le nombre des déplacés représente près de la moitié de la population libanaise.

Dans ce contexte, l’armée a lancé des perquisitions dans les zones où résident les Syriens, saisissant d’importantes quantités d’armes et expulsant les Syriens qui ont pénétré illégalement au Liban par le biais de réseaux de contrebande.

Un dirigeant souverainiste craint que ces déplacés ne se transforment en bombes à retardement, exploités au moment opportun par leurs commanditaires, pour servir des intérêts étrangers visant à cibler l’armement du Hezbollah. Cette situation risquerait d’engendrer des tensions entre les communautés chiite et sunnite, fragilisant ainsi le duopole chiite (Amal-Hezbollah) et poussant potentiellement sa base à se révolter contre ses propres dirigeants, ce qui pourrait même être l’objectif recherché.

Pour en revenir à la présidentielle, force est de reconnaître que les autorités locales n’ont pas réussi à accomplir cette mission; la décision appartient désormais à la communauté internationale, qui ne pourra la réussir qu’avec un accord interne.

Les milieux de l’opposition craignent que le règlement ne se concrétise dans un climat tendu, à l’instar de l’accord survenu en 2008. Pour rappel, les incidents du 7 mai de cette année-là, avec l’invasion de Beyrouth et de la Montagne par le Hezbollah, ont abouti à l’accord de Doha et à l’élection du général Michel Sleiman à la présidence de la République.

La question demeure de savoir si une situation similaire pourrait se reproduire, mais cette fois en utilisant la question des déplacés à des fins sécuritaires contre le Hezbollah.

La communauté internationale redoute que la violence au Liban ne provoque une explosion sur la scène interne, qui pourrait s’étendre à l’étranger, engendrant ainsi un conflit à plus grande échelle. Selon des sources bien informées, il n’est pas exclu d’instrumentaliser les Syriens pour mettre un terme aux armes illégales du Hezb et appliquer les résolutions 1559, 1701 et 2650, de la même manière que "la Syrie de Hafez al-Assad" a expulsé dans les années 80 les factions palestiniennes qui exerçaient une influence sur le pouvoir et ses décisions.

Selon les milieux de l’opposition, la question des déplacés pourrait être exploitée aujourd’hui par la communauté internationale pour contribuer à résoudre la crise, mettre un terme au rôle des armes illégales et requérir l’intervention du groupe des Cinq et des Nations unies pour ce faire. Il est également envisagé de délimiter les frontières maritimes et terrestres avec la Syrie, d’élargir la mission de la FINUL pour la surveillance des frontières et d’apporter une assistance à l’armée pour prévenir les infiltrations et le trafic d’armes.

L’élection du président de la République et la formation du gouvernement resteront insuffisantes si elles ne sont pas accompagnées d’une délimitation précise des frontières avec la Syrie et de la mise en place d’une coopération sécuritaire entre le Liban et la Syrie.

Et si le régime syrien acceptait ce plan, la Syrie pourrait être "récompensée" en retour par une ouverture arabo-occidentale à son égard et une résolution de la crise syrienne, sous certaines conditions que le régime s’engagerait à respecter. Ces conditions pourraient englober la mise en œuvre des accords d’Abraham avec Israël, la clarification de ses positions politiques, ainsi que son rapprochement avec le monde arabe et son désengagement vis-à-vis de l’Iran.