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La scène politique libanaise semble se préparer à une nouvelle phase qui pourrait commencer à se dessiner après les fêtes de fin d’année. Celle-ci repose sur une dynamique diplomatique qui porte aussi bien sur une application de la résolution 1701 du Conseil de sécurité, dans la perspective d’une désescalade au Liban-Sud, que sur un déblocage de la présidentielle. Celui-ci est nécessaire pour que le Liban puisse accompagner la phase de pacification dans le Sud du pays. Jeudi dernier, un développement politique a ravivé l’espoir d’une avancée sur la voie d’une éventuelle entente concernant la présidentielle.

Outre le report du départ à la retraite du commandant en chef de l’armée libanaise, le général Joseph Aoun, dont le mandat expirera le 10 janvier prochain, les Libanais ont retenu les retrouvailles inattendues entre le général Aoun et le chef des Marada, Sleiman Frangié, autour d’un dîner.

Jeudi soir, à la veille de la réunion parlementaire durant laquelle les députés ont voté une loi retardant d’un an le départ à la retraite des généraux à la tête des services de sécurité et prolongeant, par conséquent, le mandat du chef de la troupe, MM. Aoun et Frangié se sont retrouvés autour d’un dîner auquel le commandant en chef de l’armée avait invité le chef des Marada – candidat du Hezbollah à la tête de l’État – et sa famille. Soit son "rival" potentiel à la présidence de la République.

Ce rendez-vous "convivial", le premier entre les deux protagonistes, a été perçu, par certains milieux politiques, comme un pas important vers l’ouverture d’une voie pour le déblocage du dossier de la présidentielle.

Timing et messages politiques 

Sur les tenants et aboutissants de cette rencontre, Ici Beyrouth (IB) a appris qu’elle a été décidée il y a environ un mois, alors que les relations entre les deux candidats n’étaient pas au beau fixe. Sleiman Frangié, avait exprimé son opposition à l’accession du général Joseph Aoun à la tête de l’État. Il avait par la suite adopté une attitude plus nuancée. "Il fallait faire en sorte d’atténuer les tensions et de préparer l’après-Gaza, sur le plan interne", explique à IB une source au courant du contexte du dîner. D’où le choix du timing.

Avoir opté pour cette rencontre, à la veille de la séance parlementaire grâce à laquelle Joseph Aoun a été maintenu à son poste, n’est pas chose anodine. Selon une source proche du dossier, les "artisans" de ce rendez-vous ont voulu transmettre trois messages principaux.

Primo, montrer qu’il n’existe pas de dissension, sur le plan personnel, entre MM. Frangié et Aoun, même s’ils peuvent techniquement être considérés comme "rivaux" sur le plan politique.

Secundo, les deux candidats poursuivent ainsi, du moins pour le moment, leur course à la présidentielle, tout en maintenant de bonnes relations.

Tertio, aussi bien le chef des Marada que le commandant en chef de l’armée ont voulu adresser un message clair au chef du Courant patriotique libre (CPL), Gebran Bassil, qui s’oppose à la candidature de l’un et de l’autre.

Pour M. Frangié, cette rencontre a été l’occasion de se montrer ouvert aux autres, notamment à son principal "rival" à l’élection présidentielle, et de pointer du doigt l’"isolement politique" de M. Bassil qui cherche à tout prix à jouer le rôle de faiseur de président, indique-t-on de mêmes sources.

Pour M. Aoun, l’invitation a constitué le moyen de lancer le message selon lequel il est capable d’entretenir de bonnes relations avec le candidat du Hezbollah, Sleiman Frangié.

Garanties politiques

Au vu des développements dans la région et de l’entente qui a permis le report du départ à la retraite du général Aoun, un déblocage de la République ne semble plus impossible. C’est, du moins, ce que confirme une source proche du dossier. "Le Hezbollah ne va certainement pas renoncer à son appui à la candidature de M. Frangié", déclare-t-on de même source, "sauf si le parti pro-iranien se voit accorder des garanties ou des concessions, dans le cadre notamment des pourparlers autour de l’application de la 1701. Il pourrait ainsi miser sur "la création d’une garde nationale" qui aurait pour mission d’assurer la sécurité au Liban-Sud", poursuit-on, dans le même contexte. "Il pourrait, par ailleurs, espérer se faire le "garant" de la délimitation des frontières terrestres à l’ordre du jour, dans un futur proche", indique-t-on, toujours de même source.

Recours juridique

Entre-temps, Gebran Bassil veut poursuivre sa bataille contre ses deux adversaires politiques. Après s’être fermement opposé au report du départ à la retraite de M. Aoun, le chef du CPL étudie l’éventualité d’un recours devant le Conseil constitutionnel. Or, selon certains juristes, cela est impossible, car, à partir du moment où le Parlement a reculé l’âge du départ à la retraite de l’ensemble des officiers au grade de général et de général de division, la loi votée en ce sens est perçue comme étant "générale, abstraite, impersonnelle et consolidée constitutionnellement".

M. Bassil pourrait également se voir faire l’objet d’une plainte en diffamation que pourrait porter contre lui le commandant en chef de l’armée. On rappelle à cet égard que le chef du CPL avait essayé, début décembre, de dénigrer le commandant en chef de l’armée, en l’accusant de violations de la loi et d’irrégularités financières, sans en donner bien entendu la moindre preuve.