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Dans un geste qui a révélé au grand jour les divisions latentes entre le Courant patriotique libre (CPL) et son ancien allié, le Hezbollah, l’ancien chef et fondateur du CPL, Michel Aoun, ainsi que le leader actuel du parti, le député Gebran Bassil, ont dénoncé les activités militaires du Hezbollah contre Israël dans le sud du Liban.

"Aucun traité de défense ne nous lie à Gaza, et seuls les États membres de la Ligue arabe peuvent établir des liens entre les fronts", a déclaré l’ancien président lors d’une interview, lundi, faisant référence au prétendu "front de soutien" à Gaza, ouvert par le Hezbollah le 8 octobre, au lendemain du déclenchement de la guerre dans l’enclave entre le Hamas et Israël.

Gebran Bassil a, pour sa part, souligné: "Nous ne sommes pas favorables à ce que le Liban soit tenu responsable de la libération de la Palestine, car cette responsabilité incombe aux Palestiniens […]. Nous ne sommes pas pour l’unité des fronts qui consiste à associer le Liban à d’autres fronts, ou encore à lier l’arrêt des combats au Liban-Sud à celui de la guerre à Gaza."

La persistance de la violence dans le Sud alimente les craintes d’une escalade du conflit vers une guerre à part entière. Dans ce contexte, des interrogations émergent quant à la validité de l’accord de Mar Mikhaël de 2006 qui a consolidé l’alliance entre le CPL et le Hezbollah.

Une séparation… avec des garanties

Le député du CPL Alain Aoun a déclaré qu’il n’irait pas jusqu’à qualifier la situation de "divorce". "La relation entre le CPL et le Hezbollah ne sera pas rompue, les parties libanaises devant toutes trouver des terrains d’entente entre elles", a-t-il déclaré dans une interview accordée à Ici Beyrouth.

M. Aoun a reconnu que les relations entre les deux parties "n’étaient plus les mêmes" et qu’elles s’étaient refroidies récemment. Il a expliqué que les deux parties ne partageaient plus le même point de vue sur plusieurs questions et qu’elles étaient en "désaccord". "Il s’agit d’une nouvelle phase que je peux décrire comme une séparation avec des garanties plutôt qu’une rupture définitive."

Interrogé sur les raisons de cet éloignement, le député a déclaré que la position du CPL "est conforme à l’accord de 2006, qui préconise une stratégie de défense pour le Liban; par conséquent, les déclarations (de MM. Aoun et Bassil) ne devraient pas surprendre."

L’accord de Mar Mikhaël, scellé à la suite de la guerre de 2006 contre Israël, a permis à Michel Aoun d’accéder à la présidence tant convoitée en 2016, en échange du soutien du CPL au Hezbollah. Cependant, ce "mariage de convenance" a commencé à s’effriter à la suite d’un désaccord sur un candidat à la présidence pour succéder à Michel Aoun, dont le mandat a expiré en octobre 2022, sans qu’un successeur ne soit élu jusqu’à ce jour.

Une position claire

Le député du parti Kataëb Élias Hankach a mis en garde contre le revirement apparent du CPL, affirmant qu’il pourrait s’agir de "manœuvres visant à tirer avantage du jeu politique étroit". Il a souligné que l’ancien président Michel Aoun a également évoqué "la sagesse de Hassan Nasrallah et la force de dissuasion" de la prétendue résistance.

"Il s’agit d’une pure contradiction. Le CPL doit adopter une position claire, car aucune place n’existe pour l’ambiguïté ni pour complaire aux deux camps de la division interne libanaise", a-t-il déclaré à Ici Beyrouth. M. Hankach estime que la place naturelle du CPL est dans le camp souverainiste, exhortant sa direction "à rectifier le tir et à se joindre à l’effort visant à reprendre le contrôle des décisions".

Changement de la donne

Le journaliste Ali Hamadé a décrit la relation entre le CPL et le Hezbollah comme étant "au plus bas". Il a considéré que les déclarations de Michel Aoun et Gebran Bassil "vont dans la même direction" dans la mesure où elles reflètent "un éloignement clair des positions du Hezbollah, surtout en ce qui concerne les développements militaires à la frontière libano-israélienne, qui se sont transformés en combats loin des frontières et plus profondément sur le territoire libanais".

Lors d’une interview avec Ici Beyrouth, M. Hamadé a déclaré que cet éloignement s’était produit de manière progressive, "notamment après le désaccord important concernant les élections présidentielles et le candidat du tandem chiite, Sleiman Frangié".

Il a qualifié cet "événement" de "développement politique majeur", soulignant que "s’il se concrétise, nous assisterions à un grand changement sur la scène politique chrétienne vis-à-vis du Hezbollah". "Le CPL est le dernier bastion du Hezbollah […] et son allié majeur dans l’arène chrétienne", a déclaré M. Hamadé, ajoutant qu’une séparation entre eux "changerait la donne".