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La rhétorique et la levée de boucliers de la semaine dernière ont perdu de leur ampleur à la veille de la réunion parlementaire consacrée, mercredi, à la discussion du plan d’aide financière d’un milliard d’euros accordés au Liban afin de soutenir les populations les plus vulnérables et l’armée, en plus de lutter contre l’immigration illégale des Syriens vers l’Europe.

La perspective d’une éventuelle position parlementaire commune semble avoir calmé les discours des partis politiques qui, tous bords confondus, s’étaient opposés à ce don, accusant le Premier ministre sortant, Najib Mikati, d’être de collusion avec l’Union européenne (UE) et d’avoir accepté de maintenir les Syriens au Liban en "bradant" le pays.

En réalité, la séance convoquée par le président du Parlement, Nabih Berry, d’un côté pour calmer le jeu, de l’autre pour diminuer la pression subie par M. Mikati depuis l’annonce du don, le 2 mai dernier, réunira tous les groupes de l’opposition. Georges Okais, membre du bloc de la République forte (Forces libanaises) a confirmé à Ici Beyrouth, que les FL assisteront à la réunion parce qu’il s’agit d’une séance de débat. "Il n’y aura donc pas de lois votées en l’absence d’un président de la République, mais un débat au sujet d’un dossier d’une importance stratégique au niveau national", a-t-il expliqué, précisant que le bloc FL "préfère y être présent car il a beaucoup de choses à dire sur la performance de ce gouvernement et des gouvernements successifs depuis 2011" pour ce qui a trait à la présence massive syrienne.

"On va proposer des solutions et des recommandations à la délégation ministérielle pour qu’elle les présente à la conférence internationale de Bruxelles" sur la Syrie, le 27 mai, a précisé le député FL, soulignant que "plusieurs volets peuvent être abordés".

Cette même volonté de s’associer à l’élaboration d’une feuille de route pour un règlement anime les députés du parti Kataëb, ceux de la coalition du changement et d’autres indépendants, qui boycottent depuis octobre 2022 les séances législatives, à se rendre, mercredi, place de l’Étoile.

Vision unifiée

Pour le Premier ministre sortant, Najib Mikati, la réunion de mercredi est l’occasion de développer une vision nationale unifiée pour un règlement de la question des migrants syriens, et, surtout, de soustraire son équipe à la pression que l’initiative européenne a fait peser sur elle.

M. Mikati a souligné, lundi, que cette aide était un droit pour le Liban et que l’Union européenne l’accordait les années précédentes "avant qu’elle ne soit retirée en raison de certaines lois".

À cet égard, une source FL a indiqué à Ici Beyrouth que M. Mikati aurait dû préciser cela plus tôt. "Il aurait coupé la route à toutes les spéculations selon lesquelles le don est destiné à garder les migrants au Liban. On ne brade pas le Liban pour des milliards", affirme-t-on de même source.

Le bloc du Renouveau réclamera, pour sa part, l’adoption d’une politique gouvernementale claire, axée sur le retour des Syriens dans leur pays. Dans un entretien accordé à Ici Beyrouth, le député Michel Moawad, membre du bloc, a qualifié la séance d’"essentielle" car elle établira une stratégie nationale et permettra une meilleure connaissance des détails du don.

Décision politique

Au cours de cette même réunion, le bloc du Rassemblement démocratique que préside Teymour Joumblatt, présentera une feuille de route préalablement soumise à M. Berry et M. Mikati, a expliqué le député Bilal Abdallah, à Ici Beyrouth. "Nous sommes d’accord sur le point selon lequel la présence syrienne constitue un fardeau pour le Liban, mais il nous faut une position unifiée et non pas des slogans", a-t-il précisé. Il a souligné la nécessité d’établir une distinction claire entre les travailleurs légaux et les migrants économiques et sécuritaires.

M. Abdallah a affirmé que l’UE, la communauté internationale et surtout le gouvernement syrien devaient assumer leurs responsabilités dans le cadre de ce dossier. "Des discussions informelles sont actuellement établies avec la Syrie. Il faut qu’elles deviennent officielles et formelles. Le retour des migrants est tributaire d’une décision politique qui, si elle est acceptée par le gouvernement syrien, sera facilement applicable."

Nouvelle approche du CPL

Le bloc du Liban fort du Courant patriotique libre (CPL) semble disposé, de son côté, à lâcher du lest vis-à-vis du gouvernement, auquel il est pourtant opposé depuis 2022, date de la fin du mandat de Michel Aoun.

Lors d’un entretien télévisé vendredi, Nicolas Sehnaoui, député CPL avait ainsi jugé qu’il fallait fournir un soutien parlementaire au gouvernement à travers un plan clair et des décisions concrètes.

Le bloc du CPL avait soumis une proposition de loi au sujet du retour des migrants syriens et est favorable à l’adoption d’une recommandation contraignante pour le gouvernement, à ce sujet, a indiqué Michel Abou Najm, coordinateur de la commission d’information du CPL. "Le don européen ne se résume pas à une question d’argent, mais devrait permettre de dynamiser le processus qui va conduire au retour des migrants syriens chez eux", a-t-il dit, donnant en exemple les mesures que la Sûreté générale est en train de mettre en œuvre à l’encontre des migrants illégaux.

Le bureau politique du CPL a tenu mardi dans l’après-midi, une réunion au cours de laquelle il s’est "félicité du consensus libanais autour de la nécessité de faire face aux dangers découlant de la présence massive syrienne au Liban et des politiques syriennes visant à maintenir les Syriens dans le pays". Il a insisté en particulier sur la nécessité de "régler le dossier de la présence syrienne irrégulière conformément aux lois en vigueur".

La séance de mercredi, retransmise en direct par les télévisions, soumet les blocs parlementaires au défi de parvenir à un accord applicable concernant le dossier des migrants syriens. Si cet accord se concrétise, le gouvernement et la communauté internationale seront confrontés à une réelle pression.