©C’est lorsqu’il n’y a aucune donnée positive, aucune lueur à l’horizon, qu’il convient de parler de résistance.
Le 18 juin 1940, Charles de Gaulle lançait son appel historique à la résistance sur les ondes de la BBC. Le monde se souvient de la fameuse petite phrase qui sera reprise par la suite et qui deviendra comme un symbole de résistance : « Ici Londres, les Français parlent aux Français ».
Plein de courage et de détermination, De Gaulle annonçait aux Français qu’ils n’avaient perdu qu’une bataille mais pas la guerre. Il prédisait de plus la mondialisation du conflit qui ne laisserait pas la France seule face à la machine de guerre nazie. Le général remontait le moral de ses troupes et de ses compatriotes en citant leurs alliés, leur puissance et leurs atouts. Son appel, repris le 22 juin, puis le 2 juillet en version audiovisuelle, fonda la résistance en réinstaurant l’espoir. Car un peuple abattu et désillusionné ne peut se battre. Il a besoin de croire en lui-même, en son histoire, en ses alliés, ses capacités et ses chances. Il doit savoir qu’il n’est nullement seul.
À cet effet, le général De Gaulle répéta par trois fois à son peuple qu’il n’était pas seul. Il dressa aussitôt un étalage des forces de l’ennemi, de la puissance de la machine de guerre allemande, de ses blindés innombrables, de son aviation, de sa tactique avancée, et de son impressionnante stratégie. Il fit cet inventaire seulement pour le briser face à l’image promise d’une puissance bien supérieure. Il rappela alors la grandeur de l’Empire britannique et son emprise sur les mers, ainsi que l’immensité de l’industrie militaire des États-Unis. Il proclama la prochaine mondialisation du conflit qui ne manquerait pas de lier le destin de la France au reste de l’humanité et du monde libre. Ces propos ne pouvaient que relever le peuple français de sa défaite et lui rendre le courage et l’espérance. Alors que le gouvernement de Vichy signait l’armistice, que les troupes allemandes marchaient sur Paris, et que la Gestapo, aidée par les services français, ratissait le pays, il y avait malgré tout une forte lueur d’espoir et toutes les raisons de pouvoir se battre encore.
Et pourtant, tout ce que le général avançait était incorrect. Les alliés promis n’envisageaient aucunement de s’immiscer dans cette guerre de l’autre côté des mers. La France était bel et bien occupée, battue et soumise. Les Britanniques s’étaient retirés sur leur île et vers leur lointain Empire, tandis que les Américains faisaient savoir qu’ils n’avaient pas la moindre intention d’intervenir. Mais De Gaulle était un fervent catholique. Il pouvait mêler la foi à la raison lorsque cette dernière ne faisait plus le poids face au défi. Ce qu’il décrivait aux Français n’était pas la cruelle réalité, mais celle qu’il s’apprêtait à façonner et à rendre réelle. Sans cette volonté de modifier les évidences, il n’y a pas de vision et donc pas d’avenir. De Gaulle présenta un constat erroné ou inexact des conditions militaires et géopolitiques, mais cela n’avait pas la moindre importance. Car s’ils aspirent à avoir une place dans ce monde, les peuples ne peuvent pas toujours se contenter d’être le produit de l’histoire ; ils se doivent de la forger.
La réalité sur le terrain était que les Britanniques venaient de rapatrier par Dunkerque leurs 200 000 hommes sans la moindre concertation avec le commandement de leurs alliés français. Quant aux Américains, ils étaient à cette époque très majoritairement isolationnistes et exprimaient clairement depuis 1939 leur attachement à la neutralité, ainsi que leur refus de revivre l’expérience de 1917.
Tout cela, De Gaulle n’en tint pas compte et persévéra, armé de sa patience. Et il eut raison car les aides, d’abord timides, s’intensifièrent grâce à l’insistance du président Roosevelt. Puis les déclarations prémonitoires du général s’avérèrent correctes puisque l’Amérique finit par être précipitée dans le conflit dès l’attaque qu’elle subit à Pearl Harbour en décembre 1941.
Si tous les Français avaient abdiqué en juin 1940, s’ils avaient choisi la voie du défaitisme et de l’exil, il n’y aurait jamais eu de débarquement en Normandie en juin 1944. Si tous les Libanais désertaient aujourd’hui leur pays sous le prétexte que l’Amérique et le monde libre nous ont abandonnés, que notre gouvernement est vichyste et que nos héros moisissent dans les cellules du tribunal militaire, il n’y aurait jamais de jour J.
Il ne fait aucun doute que la résistance est l’unique issue. Elle est stipulée dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui énumère dans son article 2 quatre droits naturels identifiés par la philosophie des Lumières : la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. Plus qu’un droit, cette dernière est un devoir. Aucune autre nation, aucune institution internationale ne se battra pour nous, et personne ne s’inquiétera de notre sort. Une résistance efficace se doit d’être amplifiée par la coordination entre toutes les forces locales et de la diaspora, et par une lecture active et non passive de l’histoire. L’homme doit savoir qu’il est en mesure de modifier le cours des choses, à condition de disposer d’un minimum de vision, de foi et de volonté.
La vision définit sa propre réalité et refuse de se soumettre au constat des conditions lamentables et désavantageuses. Autrement, la France n’aurait jamais résisté, et nos aînés auraient abandonné le Liban en 1975 face à l’arrivée de groupes terroristes venus du monde entier. Sans État, sans armée, sans armes, et dénigrés par tout l’Occident, nous aurions pu abdiquer et fuir. Mais nous avons choisi de nous battre et de reconstruire toutes les institutions en zone libre. Aucun pays ami ne nous est venu en aide. Arabes et Occidentaux ont tous d’une certaine manière choisi le camp de ladite cause palestinienne, nous taxant de fascistes. Seuls face au monde, nous avons tenu et nous sommes restés.
Aujourd’hui, nos plus jeunes générations se plaignent d’avoir un pays sous occupation des armes de la République islamique d’Iran. Nous nous lamentons d’avoir un État kidnappé par les sbires de la milice terroriste et totalitaire, un État soumis, anéanti et inexistant. Or justement, la résistance se définit selon la philosophe Véronique Bergen par une sécession par rapport à l’État, de même que par rapport à une réalité qu’il faut oser réinventer. On ne résiste pas lorsqu’on est au summum de ses forces, mais précisément lorsqu’on est déjà battu, perdant et asphyxié. C’est là et seulement là que la société se dépasse pour pouvoir survivre au mal qui l’assassine.
C’est lorsque tous les indicateurs sont au rouge que la résistance trouve sa raison d’être. Autrement, ce n’est qu’une guerre de défense prise en charge par une armée régulière, pendant que les sacrifices des civils demeurent aussi limités que possible. C’est lorsqu’il n’y a aucune donnée positive, aucune lueur à l’horizon, qu’il convient de parler de résistance. Tous ceux qui menacent de partir, et qui refusent de lutter tant qu’ils n’aperçoivent pas un minimum de garanties, ceux-là n’ont visiblement pas compris grand-chose à ce concept de résistance.
Plein de courage et de détermination, De Gaulle annonçait aux Français qu’ils n’avaient perdu qu’une bataille mais pas la guerre. Il prédisait de plus la mondialisation du conflit qui ne laisserait pas la France seule face à la machine de guerre nazie. Le général remontait le moral de ses troupes et de ses compatriotes en citant leurs alliés, leur puissance et leurs atouts. Son appel, repris le 22 juin, puis le 2 juillet en version audiovisuelle, fonda la résistance en réinstaurant l’espoir. Car un peuple abattu et désillusionné ne peut se battre. Il a besoin de croire en lui-même, en son histoire, en ses alliés, ses capacités et ses chances. Il doit savoir qu’il n’est nullement seul.
À cet effet, le général De Gaulle répéta par trois fois à son peuple qu’il n’était pas seul. Il dressa aussitôt un étalage des forces de l’ennemi, de la puissance de la machine de guerre allemande, de ses blindés innombrables, de son aviation, de sa tactique avancée, et de son impressionnante stratégie. Il fit cet inventaire seulement pour le briser face à l’image promise d’une puissance bien supérieure. Il rappela alors la grandeur de l’Empire britannique et son emprise sur les mers, ainsi que l’immensité de l’industrie militaire des États-Unis. Il proclama la prochaine mondialisation du conflit qui ne manquerait pas de lier le destin de la France au reste de l’humanité et du monde libre. Ces propos ne pouvaient que relever le peuple français de sa défaite et lui rendre le courage et l’espérance. Alors que le gouvernement de Vichy signait l’armistice, que les troupes allemandes marchaient sur Paris, et que la Gestapo, aidée par les services français, ratissait le pays, il y avait malgré tout une forte lueur d’espoir et toutes les raisons de pouvoir se battre encore.
Et pourtant, tout ce que le général avançait était incorrect. Les alliés promis n’envisageaient aucunement de s’immiscer dans cette guerre de l’autre côté des mers. La France était bel et bien occupée, battue et soumise. Les Britanniques s’étaient retirés sur leur île et vers leur lointain Empire, tandis que les Américains faisaient savoir qu’ils n’avaient pas la moindre intention d’intervenir. Mais De Gaulle était un fervent catholique. Il pouvait mêler la foi à la raison lorsque cette dernière ne faisait plus le poids face au défi. Ce qu’il décrivait aux Français n’était pas la cruelle réalité, mais celle qu’il s’apprêtait à façonner et à rendre réelle. Sans cette volonté de modifier les évidences, il n’y a pas de vision et donc pas d’avenir. De Gaulle présenta un constat erroné ou inexact des conditions militaires et géopolitiques, mais cela n’avait pas la moindre importance. Car s’ils aspirent à avoir une place dans ce monde, les peuples ne peuvent pas toujours se contenter d’être le produit de l’histoire ; ils se doivent de la forger.
La réalité sur le terrain était que les Britanniques venaient de rapatrier par Dunkerque leurs 200 000 hommes sans la moindre concertation avec le commandement de leurs alliés français. Quant aux Américains, ils étaient à cette époque très majoritairement isolationnistes et exprimaient clairement depuis 1939 leur attachement à la neutralité, ainsi que leur refus de revivre l’expérience de 1917.
Tout cela, De Gaulle n’en tint pas compte et persévéra, armé de sa patience. Et il eut raison car les aides, d’abord timides, s’intensifièrent grâce à l’insistance du président Roosevelt. Puis les déclarations prémonitoires du général s’avérèrent correctes puisque l’Amérique finit par être précipitée dans le conflit dès l’attaque qu’elle subit à Pearl Harbour en décembre 1941.
Si tous les Français avaient abdiqué en juin 1940, s’ils avaient choisi la voie du défaitisme et de l’exil, il n’y aurait jamais eu de débarquement en Normandie en juin 1944. Si tous les Libanais désertaient aujourd’hui leur pays sous le prétexte que l’Amérique et le monde libre nous ont abandonnés, que notre gouvernement est vichyste et que nos héros moisissent dans les cellules du tribunal militaire, il n’y aurait jamais de jour J.
Il ne fait aucun doute que la résistance est l’unique issue. Elle est stipulée dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui énumère dans son article 2 quatre droits naturels identifiés par la philosophie des Lumières : la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. Plus qu’un droit, cette dernière est un devoir. Aucune autre nation, aucune institution internationale ne se battra pour nous, et personne ne s’inquiétera de notre sort. Une résistance efficace se doit d’être amplifiée par la coordination entre toutes les forces locales et de la diaspora, et par une lecture active et non passive de l’histoire. L’homme doit savoir qu’il est en mesure de modifier le cours des choses, à condition de disposer d’un minimum de vision, de foi et de volonté.
La vision définit sa propre réalité et refuse de se soumettre au constat des conditions lamentables et désavantageuses. Autrement, la France n’aurait jamais résisté, et nos aînés auraient abandonné le Liban en 1975 face à l’arrivée de groupes terroristes venus du monde entier. Sans État, sans armée, sans armes, et dénigrés par tout l’Occident, nous aurions pu abdiquer et fuir. Mais nous avons choisi de nous battre et de reconstruire toutes les institutions en zone libre. Aucun pays ami ne nous est venu en aide. Arabes et Occidentaux ont tous d’une certaine manière choisi le camp de ladite cause palestinienne, nous taxant de fascistes. Seuls face au monde, nous avons tenu et nous sommes restés.
Aujourd’hui, nos plus jeunes générations se plaignent d’avoir un pays sous occupation des armes de la République islamique d’Iran. Nous nous lamentons d’avoir un État kidnappé par les sbires de la milice terroriste et totalitaire, un État soumis, anéanti et inexistant. Or justement, la résistance se définit selon la philosophe Véronique Bergen par une sécession par rapport à l’État, de même que par rapport à une réalité qu’il faut oser réinventer. On ne résiste pas lorsqu’on est au summum de ses forces, mais précisément lorsqu’on est déjà battu, perdant et asphyxié. C’est là et seulement là que la société se dépasse pour pouvoir survivre au mal qui l’assassine.
C’est lorsque tous les indicateurs sont au rouge que la résistance trouve sa raison d’être. Autrement, ce n’est qu’une guerre de défense prise en charge par une armée régulière, pendant que les sacrifices des civils demeurent aussi limités que possible. C’est lorsqu’il n’y a aucune donnée positive, aucune lueur à l’horizon, qu’il convient de parler de résistance. Tous ceux qui menacent de partir, et qui refusent de lutter tant qu’ils n’aperçoivent pas un minimum de garanties, ceux-là n’ont visiblement pas compris grand-chose à ce concept de résistance.
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