Le même jour, le Fonds monétaire international scelle un accord avec le Liban, et l’Arabie saoudite et le Koweït annoncent le retour de leurs ambassadeurs respectifs à Beyrouth. Une deuxième chance est aujourd’hui donnée au pays du Cèdre, fragilisé par une crise économique et financière sans précédent.

Ce n’est pas un hasard que l’Arabie saoudite et le Koweït annoncent en moins d’une heure d’intervalle, le retour de leurs ambassadeurs respectifs, Walid Boukhari et Abdel Aal el-Qinaï dans la capitale libanaise, et que le jour même les autorités du Liban scellent un accord attendu depuis plusieurs mois avec le Fonds monétaire international.

La classe dirigeante qui a raté depuis la fin de 2019 – lorsque les premiers signes d’un effondrement inéluctable ont commencé à se manifester – de nombreuses occasions pour freiner la chute libre vers les abîmes d’une crise inextricable, bénéficie aujourd’hui d’une deuxième chance pour mieux faire. Une deuxième chance que seuls méritent en réalité les Libanais, victimes de l’irresponsabilité affligeante de ceux qui les gouvernent. Ces derniers, pour des raisons liées strictement à leurs intérêts politiciens ont bloqué tour à tour les démarches et les processus pouvant freiner l’aggravation des difficultés financières, économiques et sociales. On rappelle surtout les obstacles posés devant l’ancien Premier ministre Saad Hariri, empêché après sa désignation consécutive à la démission du gouvernement de Hassane Diab, en août 2020, de former un cabinet d’experts non partisans, capables de mettre en place un plan de redressement applicable.

Après la récusation de Saad Hariri en juillet 2021, dix mois après sa désignation, le gouvernement qui avait vu le jour ensuite, celui du Premier ministre actuel Nagib Mikati était composé de représentants des partis de la majorité parlementaire. Il a jusqu’à aujourd’hui subi les blocages, les tiraillements et les crises pour des considérations liées aux intérêts des uns et des autres, parmi ceux qui considèrent que les intérêts de leurs partis et de leurs leaderships passent avant ceux de la population et du pays.

La deuxième chance donnée à la classe dirigeante oblige celle-ci à inverser cette tendance. Si le FMI insistait pour qu’un accord-cadre soit conclu avec le Liban, au niveau des experts, avant l’organisation des législatives, c’est pour placer les dirigeants libanais devant leurs responsabilités et empêcher que le temps mort qui dure depuis plus de deux ans, ne se prolonge à cause des deux échéances électorales : les législatives du 15 mai puis la présidentielle d’octobre. Le montant de l’aide annoncée, ridiculement bas comparé aux pertes colossales découlant d’une mauvaise gestion des affaires publiques, étalée sur des années, est un signe indicateur du manque de confiance des bailleurs de fonds dans les autorités chargées de mettre en œuvre un plan de redressement. Dans le même, il leur donne la possibilité de montrer qu’ils peuvent être dignes de confiance s’ils réalisent les réformes attendues depuis des années.

Un message de Hariri

C’est cette même interprétation qui doit être donnée au retour des deux ambassadeurs d’Arabie saoudite et du Koweït, lequel met fin à la crise exacerbée entre le Liban et les pays du Golfe, depuis octobre 2021. A cause des propos de l’ancien ministre de l’Information, Georges Cordahi, au sujet de la guerre au Yémen, Riyad, Koweït et Bahrein avaient pratiquement rompu leurs relations diplomatiques avec Beyrouth. C’est à la faveur d’une intervention du président français Emmanuel Macron auprès de Riyad, en décembre dernier, qu’un dégel léger est intervenu au niveau de ces relations. Pour l’heure, assure-t-on de sources proches de Riyad, il s’agit d’un "retour formel" qui devrait surtout rassurer la communauté sunnite à l’approche des législatives, sur le fait qu’elle n’a pas été abandonnée. De mêmes sources, on indique que le chef du Courant du Futur, Saad Hariri, prévoit d’adresser un message à sa communauté avant les élections, sans en dire davantage sur sa teneur ou ses motivations.

L’Arabie saoudite a fait état du retour de son ambassadeur à Beyrouth, moins de deux heures après l’annonce de l’accord avec le FMI. Le ministère saoudien des Affaires étrangères a indiqué que ce retour est en " réponse aux appels des forces politiques modérées au Liban, et à l’engagement du gouvernement libanais à prendre les mesures nécessaires pour cesser toutes les activités politiques, militaires et sécuritaires portant atteinte au royaume ", selon l’agence officielle saoudienne SPA.

Un peu plus tard, le Premier ministre Nagib Mikati annonçait avoir été informé par l’ambassadeur du Koweït de son retour à Beyrouth "avant la fin de la semaine, sur décision de son gouvernement". Le chef du gouvernement s’en est félicité, tout comme le ministre de l’Intérieur, Bassam Maoulaoui. Sur son compte Twitter, ce dernier a réaffirmé l’engagement du Liban à "œuvrer pour renforcer les relations bilatérales et interdire toute atteinte contre les pays du Golfe".