La nouveauté attendue dans la position libanaise à Bruxelles est la référence aux embarcations de clandestins ayant fait récemment naufrage au large du Liban comme argument supplémentaire auprès des donateurs internationaux. L’essentiel du message serait que si le Liban n’obtenait pas l’aide nécessaire, les réfugiés afflueraient vers l’Europe.

Le ministre des Affaires étrangères (AE), Abdallah Bou Habib, a quitté Beyrouth, au matin du 9 mai, pour se rendre à Bruxelles. C’est de la capitale belge qu’il annoncera une prise de position "inédite" sur le dossier des réfugiés syriens au Liban, dans le cadre de la 6e Conférence de Bruxelles sur le thème "Soutenir l’avenir de la Syrie et de la région", qui se tiendra les 9 et 10 mai 2022. L’affaire des bateaux à bord desquels des migrants d’origine syrienne tentent de fuir clandestinement le Liban devait servir de nouveau moyen de pression pour intimider la communauté internationale.

Présidant la délégation libanaise, composée, entre autres, du ministre des Affaires sociales, Hector Hajjar, et de l’ambassadeur du Liban à Bruxelles, Fadi Hajj-Ali, Bou Habib avait appelé, le jeudi 5 mai, au lendemain de sa rencontre avec le président de la République, Michel Aoun, au rapatriement des réfugiés syriens, affirmant que le nombre écrasant de plus d’un million de déplacés dépasse les capacités du Liban en la matière. Ce discours, la classe politique libanaise le tient depuis 2012, sans toutefois élaborer de plan de gestion de crise. "Aucune démarche qui consolide la souveraineté libanaise et le travail diplomatique n’a été entreprise pour assurer le retour des réfugiés syriens. A la base de tous les discours politiques prononcés dans cette perspective, y compris celui prévu par le ministre Bou Habib, nous retrouvons une vague de populisme et de polarisation politique" à défaut d’une action concrète, déclare Ziad el-Sayegh, expert en politiques publiques et réfugiés, en réponse aux questions d’Ici Beyrouth.

Aujourd’hui, à quelques jours des élections législatives, le dossier refait surface. La nouveauté cette fois-ci dans le discours du chef de la diplomatie libanaise est la référence aux embarcations de clandestins ayant fait récemment naufrage au large du Liban comme argument supplémentaire (de chantage?) auprès des donateurs internationaux. L’essentiel du message serait que si le Liban n’obtenait pas l’aide nécessaire, les réfugiés afflueraient vers l’Europe.

L’enjeu des négociations avec le FMI

Pour Ziad el-Sayegh, il s’agit également d’une "arme que brandiraient le mandat ainsi que le Hezbollah pour imputer aux Syriens réfugiés au Liban la plus grande part de responsabilité pour l’effondrement économique et financier . Un tel prétexte faciliterait les négociations avec le Fonds monétaire international (FMI)". L’expert ne nie pas que la crise syrienne ait pu affecter la situation politique et économique libanaise. Toutefois, "le principal bémol dans cette affaire a été la mauvaise gouvernance et la volonté de politisation du dossier. En tant que société civile, nous tenons au retour des Syriens dans leur pays. C’est d’ailleurs leur droit le plus légitime de préservation de leur identité", a-t-il indiqué. La solution serait donc, selon lui, la mise en place d’une politique publique, qui n’a jamais vu le jour, et une étroite collaboration avec les Nations Unies et la communauté internationale pour la garantie d’un retour dans les normes juridiques et humanitaires.

D’après l’expert, en somme, quatre éléments sont à l’origine de la crise des réfugiés syriens au Liban:

– L’Etat libanais aurait indirectement facilité l’arrivée des Syriens sur le territoire libanais en interdisant la mise en place d’abris temporaires aux frontières.

– La désignation du Liban en tant que membre observateur à la conférence de Genève a été empêchée par ces mêmes responsables politiques auquel le ministre Bou Habib est affilié, en l’occurence le Courant patriotique libre, parti du président de la République.

– La mainmise du Hezbollah et du régime syrien sur la région du Qalamoun et les villes de Zabadani et de Qousseir s’accompagne d’une interdiction de retour des réfugiés issus de ces contrées, dont le nombre est estimé à 300.000.

– Le refus avéré du régime syrien d’accueillir certains de ses habitants dont le retour avait pourtant été facilité par la Sûreté générale libanaise en 2018.