Un groupe d’intellectuels et de personnalités de la société civile s’engage à défendre une certaine idée du Liban ouverte sur le monde arabe face «au travail de sape du projet expansionniste iranien».


Un groupe d’intellectuels et de personnalités de la société civile s’engage à défendre une certaine idée du Liban ouverte sur le monde arabe face "au travail de sape du projet expansionniste iranien".

C’est une dynamique symboliquement réparatrice à plus d’un égard, dans l’esprit de la "culture du lien" que défendait feu le politologue Samir Frangié, qu’un groupe de personnalités académiques et de la société civile a lancée samedi, à l’initiative du Civic Influence Hub (CIH) à l’hôtel al-Boustan, à Beit Méry, dans le Metn.

L’objectif? Remettre les pendules à l’heure concernant l’apport fondamental du Liban, à travers son histoire, dans le développement de l’identité et de la culture arabes et, réciproquement, celle du monde arabe dans l’identité complexe libanaise et dans la vie politique et l’essor du pays du Cèdre. Mais aussi tenter, non pas dans une optique de complaisance à l’égard de certains pays arabes, mais sur base d’une vision culturelle et politique stratégiques du rôle du Liban, de restaurer quelque peu les relations entre Beyrouth et son environnement arabe sur fond d’une "culture de l’exclusion" menée par les tenants du projet néo-impérialiste iranien au Liban, Hezbollah en tête, qui multiplient les actes visant à couper le pays de l’espace arabe et le noyer dans les bourbiers de ladite Alliance des minorités autrefois prônée le président syrien Hafez el-Assad, et aujourd’hui apanage des mollahs de Téhéran et de leurs alliés chrétiens.

A l’issue d’une séance de discussions à huis clos, ces personnalités, parmi lesquelles notre collaborateur Antoine Courban, conseiller de la rédaction d’Ici Beyrouth ainsi que plusieurs membres de notre conseil stratégique – Sam Menassa, Tarek Mitri, Fayçal el-Khalil, Hareth Sleiman Salim Dahdah Ziad el-Sayegh Youssef el-Zein – ont signé et adopté une charte au souffle philosophique intitulée : "La souveraineté libanaise, une réalité arabe" . Prenant le contrepied de l’impavidité retentissante d’une partie du pouvoir face à la crise entre Beyrouth et les pays du Golfe, sinon de sa complicité manifeste, le groupe de Beit Méry s’est engagé à défendre et promouvoir aussi bien le préambule de la Constitution de Taëf sur l’appartenance et l’identité arabe du Liban que le principe salutaire de neutralité vis-à-vis de la politique des axes, précise à Ici Beyrouth Ziad el-Sayegh, expert en politiques publiques et directeur exécutif du CIH.

C’est le politologue et chercheur Sam Menassa qui a donné lecture du document à l’issue de la séance. Le texte rejette les tentatives de destruction systématique des spécificités libanaises et les tentatives de scinder le pays de son appartenance à la vitalité de la civilisation arabe, et souligne l’attachement des Libanais à la défense de l’arabité du Liban, qui représente selon eux un élément essentiel de la bataille pour la survie de ce pays. Les participants ont souligné qu’ils continueront à défendre cette vocation du Liban jusqu’au bout, en dépit du monumental déséquilibre dans les rapports de forces au plan local.

"Au-dessus des polémiques"

Qu’à cela ne tienne, le texte n’est pas à lire seulement au premier degré, dans la mesure où il n’est pas mû uniquement par une volonté de confrontation du projet iranien. Pour l’ancien ministre Tarek Mitri, interrogé par Ici Beyrouth, la déclaration se situe "un cran au-dessus des polémiques partisanes et des courtisaneries" à l’égard des pays du Golfe. Il est principalement à lire dans sa dimension culturelle, et comporte un appel franc à la neutralité sous un angle qui échappe aux contrées traditionnelles et "aux répétitions qui ont de moins en moins de sens dans le discours public", estime M. Mitri. "Le Liban serait plus fidèle à sa vocation s’il était neutre. Il s’agit d’une réflexion poussée sur ce qu’a été ce pays dans sa profondeur arabe et ce qu’il risque de perdre s’il se retrouve amputé de l’espace arabe", souligne-t-il.

"Le document dépasse toute politique politicienne et se positionne sur le registre de la pensée politique de l’identité nationale du Liban comme étant arabe et spécifique avec les conséquences culturelles, anthropologiques et géostratégiques – la neutralité – que cela implique", affirme de son côté Antoine Courban à Ici Beyrouth.

"Une identité qui n’a pas été imposée"

"L’arabité du Liban n’est pas une valeur ajoutée ni une identité imposée. Inscrite dans sa Constitution, elle le résultat d’une dynamique historique essentiellement produite par la société libanaise depuis le XIXème siècle", dit-il.

"Grâce aux libanais et à leur créativité, le Liban a été le premier à lancer la Nahda arabe à partir de Beyrouth, préserver et purifier la langue arabe afin d’en faire une langue de la modernité, forger un modèle culturel adopté par l’ensemble du monde arabe et susciter l’éveil arabe à la pensée de la modernité, à la science et au progrès technique dans plus d’un domaine", rappelle l’épistémologue.

"L’arabité du Liban est structurellement libanaise, tout comme l’arabité au sens culturel contemporain d’espace de civilisation ouverte sur le monde. Elle n’a en rien annulé la spécificité du Liban que les Arabes ont parfaitement comprise, acceptée et protégée. La spécificité du Liban et sa neutralité de facto vis-à-vis des axes stratégiques est le visage de cette arabité. C’est ce que les Arabes ont accepté et défendu dans plus d’une circonstance difficile pour le Liban. En contrepartie le Liban a défendu toutes les causes arabes sans jamais renoncer à sa propre autonomie et sa spécificité", note M. Courban.

Un message tacite

Reprenant le texte de la charte, Antoine Courban souligne que "la situation actuelle du Liban est le plus grave danger qu’encourt son identité nationale mais également l’identité arabe en tant que telle. Le Liban, en tant que patrie définitive pour tous ses fils, arabe d’identité et d’appartenance, comme le dispose le Préambule de la Constitution, lutte aujourd’hui pour la survie de cette identité. C’est pourquoi le conflit libanais actuel n’est pas seulement la défense de son identité spécifique mais aussi de l’identité arabe".

Pour Tarek Mitri le texte est aussi tacitement adressé aux Arabes eux-mêmes, dans un contexte de désamour entre une nouvelle génération de leaders arabes qui n’ont pas connu ce Liban de jadis qui jouissait du respect de leurs prédécesseurs, et un Liban sous hégémonie iranienne et ravagé par une classe politique indigente. Le message étant le suivant : "Ce Liban que vous avez apprécié n’est pas mort. Il ne faut pas l’abandonner à son sort."

Lire le texte de l’Appel

Ici Beyrouth

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