Le sort des négociations libano-israéliennes indirectes sur la frontière maritime devrait être connu d’ici à une semaine, le temps que le médiateur américain Amos Hochstein communique à Tel Aviv la proposition de Beyrouth pour une reprise des pourparlers.

Le Liban officiel s’est gardé mardi de donner la moindre indication sur la teneur de cette proposition, tout comme M. Hochstein qui a eu cinq entretiens mardi à Beyrouth, axés sur ce dossier. Dans des extraits d’une interview à la chaîne internationale Al-Horra, le médiateur américain a indiqué que " la partie libanaise a présenté certaines idées qui peuvent constituer une base pour la poursuite et la progression des pourparlers " avec Israël. Il a révélé qu’il va partager ces idées avec Tel Aviv et qu’il communiquera la réponse israélienne aux dirigeants libanais dès qu’il l’obtiendra ". Prié de commenter les propos du chef du CPL, Gebran Bassil, selon lesquels " le moment est venu pour établir l’équation Qana contre Karish, M. Hochstein est parti d’un grand éclat de rire, avant d’affirmer: " Je crois que nombreux sont ceux qui ont des idées sur ce que les pourparlers devraient être. Le gouvernement libanais a fait un grand pas en avant aujourd’hui en présentant une approche unifiée (du dossier). L’heure n’est pas aux slogans, mais aux efforts pour déterminer le genre de compromis que les Israéliens pourraient accepter sans sentir que celui-ci va à l’encontre de leurs intérêts, tout en préservant ceux du Liban. Il ne s’agit pas d’avancer des slogans, mais de voir ce qui peut vraiment fonctionner, a-t-il dit.

De sources qui suivent le dossier, on indique que le médiateur américain ne va pas se rendre en Israël, mais qu’il doit discuter de " ces idées " avec les responsables israéliens concernés par ce dossier lors d’une visioconférence dont la date n’a pas été fixée.

Amos Hochstein s’est entretenu durant la journée avec le président Michel Aoun, le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, le chef du gouvernement d’expédition des affaires courantes, Najib Mikati, le ministre sortant des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib et le président de la Chambre, Nabih Berry. Aucun d’eux n’a voulu donner de détails sur la teneur de l’entretien ou sur la proposition du Liban aux Israéliens. Mais un responsable libanais au courant des discussions de la journée a indiqué à l’AFP que le Liban a " proposé d’élargir la surface maritime (lui appartenant) de 860 km2 à environ 1.200 km2″, en incluant le champ gazier de Qana. Selon lui, cette nouvelle proposition exclut le champ gazier de Karish, situé selon Beyrouth dans une partie des eaux contestées avec Israël.

Le médiateur américain Amos Hochstein s’entretenant avec le chef du gouvernement d’expédition des Affaires courantes Najib Mikati. Crédit: Dalati – Nohra

Amendement de la ligne 23

" Nous réclamons depuis le début le champ de Qana entier, cela veut dire que la ligne 23 devra être amendée ", a poursuivi le responsable libanais, estimant que si l’État hébreu accepte la nouvelle proposition du Liban, les négociations entre les deux pays reprendront.

Celles-ci avaient été suspendues en mai 2021 à la suite de différends concernant la surface de la zone contestée.

Dans un premier temps, les négociations portaient sur une zone de 860 km2 délimitée par la ligne 23, conformément aux revendications libanaises enregistrées auprès de l’Onu en 2011.

Le Liban avait annoncé plus tard vouloir réclamer un droit supplémentaire sur 1.430 km2 limités par la ligne 29, qui comprend une partie du champ de Karish. Mais pour Israël, le champ gazier de Karish se trouve dans la Zone économique exclusive (ZEE) reconnue par l’ONU. Amos Hochstein avait entre-temps suggéré une solution médiane, proposant que les pourparlers reprennent sur base d’un tracé sinueux de la ligne 23, ce que le Liban n’avait pas accepté. Pendant ce temps, des voix s’étaient élevées dans le pays pour contester l’abandon de la ligne 29 qu’ils ont assimilé à une atteinte à la souveraineté libanaise.

Ce n’est que lorsqu’un navire de l’entreprise Energean est entré dimanche dans la zone contestée avec à son bord une unité flottante de production, de stockage et de déchargement (FPSO) pour lancer les opérations de prospection à Karish que les autorités libanaises ont déclenché un branle-bas de combat et appelé Amos Hochstein à reprendre sa médiation.

" Revenez vite "

Arrivé lundi à Beyrouth, M. Hochstein s’est entretenu mardi matin avec le président de la République Michel Aoun, en présence de l’ambassadrice américaine Dorothy Shea, d’une délégation de l’ambassade américaine, du vice-président de la Chambre, Elias Bou Saab, en charge du suivi du dossier, du directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, du directeur général du Palais présidentiel, Antoine Choucair et des conseillers du chef de l’État. Au cours de l’entretien, M. Aoun a insisté sur " les droits maritimes souverains du Liban " et a prié son hôte de " revenir vite au Liban avec la réponse israélienne ".

M. Hochstein a été ensuite reçu à Yarzé par le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, également en présence de Mme Shea et des deux délégations libanaises et américaine qui l’avaient accompagné à Baabda. Le général Aoun a réitéré " la position de l’armée qui appuie toute décision prise par les autorités politiques et toute ligne qu’elles adoptent, dans l’intérêt du Liban ". Plus tard, le médiateur américain s’est rendu au Sérail où, selon un communiqué du bureau de presse de Najib Mikati, il " a été informé de la position du Liban ". " Au cours de la réunion, il a été également assuré du fait que l’intérêt du pays commande le lancement des opérations de prospection gazière offshore, sans pour autant que le Liban ne renonce à son droit à exploiter toutes ses ressources ", selon le texte.

Après un entretien avec le ministre Abdallah Bou Habib, le médiateur américain a clôturé ses entretiens officiels libanais à Aîn el-Tiné où le président de la Chambre Nabih Berry a également reçu la visite du commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun. Dans des propos rapportés par la presse, M. Berry a indiqué que l’accord-cadre qui avait servi de base aux négociations " reste le mécanisme adéquat pour la reprise de celles-ci ", en précisant que la réponse communiquée par le président Aoun à Amos Hochstein " est celle de tous les Libanais ".

La composition de la délégation libanaise à toutes les réunions est censée mettre en relief l’unité de position officielle libanaise par rapport au dossier des négociations sur la frontière maritime. Les responsables libanais s’étaient évertués au cours des derniers jours à montrer qu’ils sont sur la même longueur d’ondes à ce sujet.

Tard dans l’après-midi, M. Hochstein devait tenir une réunion avec l’ambassadrice de France, Anne Grillo, en présence de Mme Shea. La diplomate française devait à cette occasion souligner son attachement à " une solution diplomatique " au dossier des frontières.

Sur son compte Twitter, Mme Grillo a écrit : " Échanges denses sur la frontière maritime avec l’émissaire américain Amos Hochstein. Il est important pour l’avenir du Liban et la stabilité de la région que ce contentieux trouve une solution diplomatique, par la négociation. La France ne ménagera pas ses efforts en ce sens.

Crédit: Dalati – Nohra

En soirée, il devait également discuter, à sa propre demande, avec le groupe des députés dits du changement, qui défendent le droit du Liban à des négociations sur base de la ligne 29.

Lundi, à son arrivée à Beyrouth, le médiateur américain avait tenu des réunions avec le directeur général de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, le ministre de l’Énergie, Walid Fayad, et le vice-président du Parlement, Elias Bou Saab.

Mardi matin, Amos Hochstein a publié une photo de Beyrouth sur son compte Twitter. Il a écrit : " Bonjour Beyrouth, une vue fantastique au réveil, à l’ambassade américaine à Beyrouth ".