Bien plus rapidement que nombre d’observateurs le prévoyaient, le Premier ministre désigné Najib Mikati a remis mercredi matin au président de la République Michel Aoun la première mouture du nouveau gouvernement qu’il souhaite former. Toutefois, cette formule de 24 ministres aurait peu de chances d’être avalisée par le chef de l’État, qui a demandé à l’étudier.

Reconduit le jeudi 23 juin au poste de Premier ministre à l’issue des consultations parlementaires au Palais de Baabda, et après avoir à son tour consulté les députés, Place de l’Étoile, lundi et mardi, M. Mikati n’a pas perdu de temps et a présenté mercredi à 9 h 30 une mouture au chef de l’État, précisant qu’elle lui semble convenable dans les circonstances présentes.

La nouvelle équipe proposée s’inspire largement de la composition de l’actuel gouvernement qui expédie les affaires courantes depuis le 22 mai. En fait, il s’agit plutôt d’un remaniement qui se présente comme suit : 

 – Président du conseil des ministres : Nagib Mikati (sunnite)

– Vice Premier ministre, Saadé Chami (grec-orthodoxe)

– Ministre de l’Intérieur et des municipalités, Bassam Maoulaoui (sunnite)

– Ministre des Finances, Yassine Jaber (chiite)

– Ministre des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib (maronite)

– Ministre de l’Énergie, Walid Sinno (sunnite)

– Ministre des Télécommunications, Johny Corm (maronite)

– Ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Abbas Halabi (druze)

– Ministre de la Justice, Henry Khoury (maronite)

– Ministre de la Défense, Maurice Slim (grec-orthodoxe)

– Ministre des Travaux publics et du Transport, Ali Hamieh (chiite)

– Ministre de la Santé, Firas Abyad (sunnite)

– Ministre d’État pour les affaires sociales, Hector Hajjar (grec-catholique)

– Ministre de l’Environnement, Nasser Yassine (sunnite)

– Ministre du Travail, Moustapha Bayram (chiite)

– Ministre de l’Économie, Georges Bouchikian (arménien orthodoxe)

– Ministre du Tourisme, Walid Nassar (maronite)

– Ministre de l’Agriculture, Abbas Hajj Hassan (chiite)

– Ministre de la Culture, Mohammed Wissam Mourtada (chiite)

– Ministre de l’Industrie, Walid Assaf (druze)

– Ministre d’État pour le développement administratif, Najla Riachi (minorités)

– Ministre de l’Information, Ziad Makari (maronite)

– Ministre des Réfugiés, ministre d’Etat pour les affaires des Déplacés, Sajih Attieh (grec-orthodoxe)

– Ministre de la Jeunesse et du Sport, Georges Kallas (grec-catholique)    

L’élément marquant de cette mouture est l’octroi du ministère de l’Énergie à un ministre qui ne fait pas partie de la mouvance du courant aouniste, pour la première fois depuis une dizaine d’années. En outre, la formule mise au point par M. Mikati prévoit l’entrée au gouvernement du député du Akkar nouvellement élu Sajih Attieh, proche de l’ancien vice-Premier ministre Issam Farès, qui se voit octroyé le portefeuille des Réfugiés, mais surtout un nouveau ministère d’État, consacré aux affaires des déplacés (syriens, à l’évidence).

Première polémique

Cependant, il y a peu de chances que le président Aoun avalise la mouture, qu’il aurait jugée déséquilibrée et peu productive. De fait, une première polémique a éclaté hier soir entre le camp présidentiel et les milieux du Premier ministre. Une source proche du Courant patriotique libre a ainsi affirmé que M. Mikati a présenté la composition de son gouvernement de manière " à ce qu’elle ne soit pas acceptée ". " Cela prouve qu’il ne veut pas former un nouveau gouvernement avant la fin du mandat ", a estimé la source aouniste.

De son côté, le conseiller du Premier ministre Farès Gemayel a déclaré : " Il est déplorable que la composition du gouvernement ait été transmise à la presse afin d’entraver la formation " (du cabinet).

Selon certains observateurs, le gouvernement d’expédition des affaires courantes risque donc de rester en place jusqu’à l’élection présidentielle – au moins. Car si Gebran Bassil souhaiterait un nouveau gouvernement, à ses propres conditions, Najib Mikati, lui, préférait encore garder l’actuelle équipe, car il n’ignore pas que la gestation d’un nouveau Cabinet qui serait capable de fonctionner normalement serait horriblement compliquée, en raison notamment des conditions de M. Bassil. Il est très bien placé pour le savoir, l’ayant vécu lui-même, et ayant été témoin des difficultés subies par son prédécesseur Saad Hariri.