Un haut responsable américain a déclaré hier, sous couvert de l’anonymat, que Téhéran a fait des concessions importantes sur des points clés de l’accord sur son programme nucléaire. Ces points sont inscrits dans la toute dernière mouture de l’accord. Ce " texte final ", selon la dénomination européenne, est actuellement à l’étude par l’administration américaine en vue d’une possible acceptation ou, le cas échéant, d’un rejet, ce qui enterrerait pour de bon l’accord Vienne signé en 2015. Après avoir lâché du lest sur la levée des Gardiens de la révolution de la liste des organisations terroristes, l’Iran aurait accepté les exigences américaines concernant les inspections régulières effectuées par l’AIEA. Ces inspections constituent l’élément le plus important, car elles permettent aux signataires de l’accord de vérifier à tout moment l’avancement du programme militaire iranien et, surtout, l’accès aux inspecteurs internationaux aux sites sensibles ou secrets.

 

Les Etats-Unis ont indiqué mardi que l’Iran avait fait des concessions sur des points clés, ravivant les espoirs d’un retour à l’accord sur le nucléaire de 2015, même s’ils n’ont toujours pas donné leur réponse formelle aux propositions iraniennes.

Selon un haut responsable américain, Téhéran a notamment abandonné sa demande visant à bloquer certaines inspections de l’AIEA, un sujet ultrasensible de part et d’autre.

" En plus des restrictions au programme nucléaire que l’Iran auraient à mettre en oeuvre, l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) serait de nouveau en mesure de superviser le régime d’inspections le plus drastique ayant jamais existé, permettant de détecter toute tentative de l’Iran de développer une arme nucléaire secrètement ", a déclaré ce responsable sous couvert de l’anonymat en raison de la nature sensible des négociations.

Il a ajouté que les inspections internationales " resteraient en place pour une durée indéterminée " en cas d’accord.

Des centrifugeuses iraniennes utilisées pour enrichir l’uranium à un taux proche de la qualité militaire requise.

 

Les Iraniens exigeaient que l’AIEA cesse leurs enquêtes sur les sites non déclarés en Iran, où des traces d’uranium enrichi avaient été retrouvées.

L’Iran a également ces jours derniers abandonné une autre exigence, relative à la levée de la désignation des Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique de la République islamique, en tant qu’organisation terroriste.

Cette exigence, à laquelle Téhéran avait lié tout accord pendant des mois, était catégoriquement refusée par les Etats-Unis.

Les négociations sur le nucléaire iranien, engagées depuis déjà 16 mois mais qui avaient été suspendues puis reprises début août, ont pour but de sauver l’accord international conclu en 2015 avec le régime de Téhéran par les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU (Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni et Russie) plus l’Allemagne, dont Washington s’est retiré avec fracas en 2018 sous la présidence de Donald Trump.

Le site de Natanz, tenu secret, a repris de l’activité après le retrait unilatéral des USA de l’accord en 2018. La seule source d’information concernant ce site, à part l’espionnage classique, reste les satellites d’observation.

 

 

Le responsable américain a par ailleurs rejeté toute notion de concessions américaines, affirmant que c’est " l’Iran qui a fait des concessions sur des questions importantes ".

" Il reste encore des disparités à surmonter, mais si nous devions parvenir à un accord pour retourner à l’accord nucléaire (de 2015), l’Iran aurait à prendre de nombreuses mesures significatives visant à démanteler son programme nucléaire ", a-t-il ajouté.

Parmi celles-ci, l’Iran se verrait interdire d’enrichir l’uranium au-delà de 3,67% et à en stocker plus de 300 kilos jusqu’en 2031, et des milliers de centrifugeuses seraient arrêtées et démantelées, selon cette source.

De son côté, l’Iran a demandé " quelques ajustements " à la proposition d’accord soumise par l’Union européenne aux participants aux négociations, a affirmé mardi le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, qui pilote le dossier.

Dans une interview à la télévision nationale espagnole, M. Borrell a confirmé que " la plus grande partie " des participants avaient accepté les demandes iraniennes, dont il n’a pas dévoilé la teneur, et que seule " manquait la réponse des Etats-Unis ".

L’Iran investit lourdement dans le développement des vecteurs de l’arme nucléaire. Les programmes iraniens développent des engins basés sur les missiles balistiques de l’ère soviétique.

 

Lundi, M. Borrell avait même suggéré qu’une réunion pourrait se tenir " cette semaine " à Vienne, siège de l’AIEA.

Les Etats-Unis ont nié lundi retarder ces négociations et assuré qu’ils répondraient par écrit dès " que l’examen (des propositions iraniennes) et leurs consultations (seraient) terminés ".

Les Américains restent très discrets sur les négociations en cours et a fortiori sur leurs propres concessions, tout en assurant publiquement être prêts à retourner dans l’accord dit JCPOA (le sigle anglais) ce qui se traduirait par la levée des sanctions visant Téhéran dont sur la vente de pétrole en pleine crise énergétique.

Le président Joe Biden a promis après son élection de raviver l’accord nucléaire mais fait face à une forte opposition aux Etats-Unis notamment des républicains.

 

D’autant plus que les Etats-Unis ont récemment dévoilé un complot visant à assassiner John Bolton, ancien conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, fomenté selon Washington par un membre des Gardiens de la Révolution iraniens.

Pour Suzanne DiMaggio, du Carnegie Endowment for International Peace, au final les deux parties ont dû se montrer flexibles pour en arriver à ce stade des négociations.

" Aucune partie ne l’admettra, mais la réalité est que dans une telle négociation avec de tels enjeux, spécialement entre adversaires, faire de difficiles compromis est la seule manière de parvenir à un accord ", souligne-t-elle.

" Et si chaque partie pourra faire en sorte que cela apparaisse comme une victoire pour elle, alors il y a des chances que le JCPOA soit restauré. Si non, le chemin restera tortueux ", ajoute l’experte.

Avec AFP