Le nouvel accord sur le nucléaire iranien peine à voir le jour, alors que les négociations sont au point mort. Un texte final avait été proposé le 8 août, mais l’Iran demande la clôture d’une enquête de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) sur son sol, ce que les autres pays refusent.

Les interminables négociations nucléaires avec l’Iran, totalement bloquées, ne trouveront pas d’issue à court terme, mais personne ne veut acter la mort d’un processus qui permet encore d' "acheter du temps " pour éviter une crise sans retour.

Un texte final est sur la table depuis le 8 août pour relancer le JCPOA, l’accord de 2015 signé entre Téhéran et les grandes puissances pour limiter le programme nucléaire iranien en échange d’une levée des sanctions internationales. L’accord a explosé en 2018 avec le retrait unilatéral américain et le rétablissement des sanctions par Donald Trump, qui a entraîné l’affranchissement progressif par Téhéran de ses obligations.

Les négociations ont repris il y a un an et demi.

Mais le relatif optimisme qui perçait il y a quelques semaines a volé en éclats et l’impasse est aujourd’hui totale.

Pas d’accord en perspective avant les midterms

" Nous sommes dans une situation critique ", résume mardi une source diplomatique française.

" Les perspectives d’un accord à court terme sont improbables ", a lâché lundi le secrétaire d’Etat américain Anthony Blinken, jugeant que l’Iran " ne peut pas ou ne veut pas faire ce qui est nécessaire pour avoir un accord ".

La centrale nucléaire iranienne d’Aboushehr (AFP)

 

La plupart des négociateurs s’accordent désormais à dire qu’il n’y aura pas d’accord avant les " midterms ", les élections de mi-mandat aux Etats-Unis, prévues le 8 novembre.

Les grandes puissances espéraient il y a encore quelques mois conclure avant cette échéance cruciale américaine, qui pourrait rebattre les cartes en cas de victoire républicaine.

Une reprise des discussions après les élections américaines n’est pas exclue. Mais aujourd’hui, " il n’y a pas de négociation active " et la situation est totalement bloquée, selon la source française.

" La saga sans fin des négociations nucléaires iraniennes n’est pas prête de s’achever ", constatait dans une note début septembre le chercheur français Bruno Tertrais, soulignant qu’il n’y a " pas de plan B ".

Qu’est ce qui bloque ?

Le point de crispation concerne la demande par Téhéran de la clôture d’une enquête de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) concernant des traces d’uranium enrichi retrouvées sur trois sites non déclarés, qui pourraient être le signe que l’Iran a eu un programme visant à obtenir la bombe atomique.

Téhéran dénonce la " politisation " de l’AIEA et de son enquête et a encore assuré mardi avoir " pleinement " coopéré avec l’agence.

Pour les grandes puissances, ce sujet n’a rien à voir avec la négociation sur le JCPOA, mais relève des obligations juridiques de l’Iran en tant qu’Etat membre du Traité de non prolifération nucléaire (TNP).

Un site d’expérimentation de missiles balistiques en Iran (AFP)

 

" Nous ne transigerons pas là dessus ", souligne la source française, estimant qu’il en va de l’indépendance de l’AIEA et de la crédibilité du système international de non prolifération.

L’Agence pour sa part dit désormais ne pas être en mesure de garantir que le programme iranien soit " exclusivement pacifique ".

Plusieurs autres points de blocage avaient émergé au fil de la négociation, mais ont été surmontés vaille que vaille. Ainsi, la demande de l’Iran que les USA retirent les gardiens de la Révolution de leur liste d’entités terroristes a été " réglée " et n’est plus une condition à la conclusion de l’accord.

L’autre question, cruciale, des garanties américaines, a également été surmontée, selon des diplomates occidentaux. Téhéran s’inquiète de la validité de la signature américaine et de la pérennité de la levée des sanctions, compte tenu du précédent créé par Donald Trump.

Risque militaire ?

Il est dans tous les esprits, mais " personne n’a envie d’une guerre ", souligne un diplomate européen. Surtout au moment où un conflit fait déjà rage en Ukraine.

Détracteur farouche de l’accord nucléaire, qui de son point de vue ne règle aucune question concernant les " activités déstabilisatrices " de l’Iran, Israël s’est de nouveau lancé dans une campagne auprès des puissances occidentales.

En visite lundi en Allemagne, le Premier ministre israélien Yair Lapid a réclamé que soit mise en oeuvre avec les Américains et les Européens une " menace militaire crédible contre l’Iran ".

Même si Israël n’est pas " encore tout à fait prêt " pour lancer des frappes préventives, selon la source européenne, ce pays " semble avoir accru au cours des derniers mois sa campagne d’opérations clandestines en Iran ", note un rapport d’International Crisis group (ICG) publié lundi, en référence à une série d’attaques et d’assassinats en Iran qui sont attribués à l’Etat hébreu.

Israël est un opposant farouche à l’accord sur le nucléaire (AFP)

 

Si le scenario militaire n’a pas les faveurs des Occidentaux, le statu quo actuel et ce qu’ICG nomme " le fragile équilibre du +pas d’accord, pas de crise+ " ne pourra pas perdurer éternellement.

" Même s’il y a encore une chance pour que le processus de Vienne puisse aboutir d’ici la fin de l’année, il y a aussi des raisons de craindre que l’accord actuellement sur la table soit bientôt jugé dépassé, les fossés trop importants pour être comblés et la méfiance entre les Etats-Unis et l’Iran trop profonde pour être surmontée ", relève le centre de réflexion.

" Si les efforts diplomatiques s’épuisent ou échouent, il y a un risque que les parties entrent dans une spirale déclenchant une confrontation militaire ", s’inquiète ICG.

Le facteur Ukraine

De l’avis de plusieurs sources proches du dossier, il est certes un facteur de perturbation, mais l’accord du JCPOA, dont Russie et Chine sont parties prenantes, reste dans l’intérêt de ces deux pays.

Par ailleurs, " le lien entre un accord (nucléaire) et l’actuel contexte énergétique ne doit pas être sous-estimé " souligne le Soufan group. Un accord permettrait le retour du pétrole et du gaz iranien sur le marché international.

Avec AFP