Alors qu’un incendie a fait huit morts dans la prison d’Evine à Téhéran, les manifestations se poursuivent malgré la répression qui a fait au moins 122 morts, selon un bilan de l’Iran Human Rights (IHR).

 

Plus de 40 organisations de défense des droits humains ont exprimé lundi " leurs vives préoccupations " face à " la machine de répression déployée par les autorités iraniennes " et ont appelé l’ONU à enquêter d’urgence.

Dans ce contexte, au moins huit détenus sont morts dans un incendie à la prison d’Evine à Téhéran, ont annoncé lundi les autorités, deux jours après les incidents qui ont encore avivé les tensions en Iran, secoué par des manifestations depuis la mort de Mahsa Amini il y a un mois.

Quatre détenus blessés " sont décédés à l’hôpital, portant le bilan à huit morts ", tous des condamnés pour vol, selon Mizan Online, le site de l’Autorité judiciaire iranienne.

 

Les autorités ont accusé des " voyous " d’avoir " mis le feu samedi soir à un entrepôt de vêtements " dans la prison et fait état de heurts entre prisonniers puis entre détenus et gardiens.

" Ce qui s’est passé à la prison d’Evine était un crime commis par quelques éléments (liés à) l’ennemi ", a affirmé le chef de l’Autorité judiciaire Gholamhossein Mohseni Ejei.

Les dirigeants iraniens accusent les Occidentaux, notamment les États-Unis, l’ennemi juré de l’Iran, de fomenter les " émeutes ", en allusion aux manifestations consécutives à la mort le 16 septembre de Mahsa Amini. Cette Kurde iranienne de 22 ans avait été arrêtée trois jours plus tôt par la police des mœurs à Téhéran, qui lui reprochait d’avoir enfreint le strict code vestimentaire imposant le port du voile aux femmes.

L’agence officielle Irna a affirmé que les troubles à Evine n’avaient " rien à voir " avec les manifestations. Celles-ci se poursuivent malgré la répression qui a fait au moins 122 morts, parmi lesquels plusieurs enfants, selon un bilan de l’Iran Human Rights (IHR) basée à Oslo.

 

L’ONG Center for Human Rights in Iran (CHRI), basée à New York, a mis en ligne lundi des vidéos montrant des enfants criant des slogans hostiles au gouvernement à Ispahan, dans le centre de l’Iran, et des étudiants manifestant à l’université de Mazandaran, dans le nord.

Après les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni, l’Union européenne a imposé lundi des sanctions à l’Iran, ciblant la police des mœurs et onze responsables impliqués dans la répression.

À l’avance, l’Iran avait averti qu’il réagirait " rapidement " aux mesures de l’UE. Lundi, le président Ebrahim Raïssi a de nouveau accusé les États-Unis d’être derrière la " sédition " dans son pays, affirmant que l’Iran ne " cèderait pas face aux sanctions ".

Des centaines d’arrestations

C’est dans ce climat de fronde généralisée que l’athlète iranienne Elnaz Rekabi a défié les lois de la République islamique en refusant de se voiler lors des championnats d’Asie d’escalade.

Notons dans ce cadre que des centaines de personnes arrêtées lors des protestations contre la mort de Mahsa Amini auraient été envoyées à la prison d’Evine. Parmi elles, des manifestants mais aussi des journalistes, des intellectuels, des militants, des artistes, des avocats.

Des ONG ont mis en doute la version des autorités sur les troubles au centre de détention, connu pour ses mauvais traitements infligés aux détenus politiques et où sont emprisonnés des étrangers.

" Sachant combien le mensonge des responsables officiels est devenu normal, nous n’acceptons pas les explications officielles ", a souligné l’IHR, estimant aussi que " le nombre de personnes tuées à Evine est probablement plus élevé que le chiffre officiel ".

Sur des vidéos publiées sur les réseaux sociaux, des coups de feu et des explosions ont été entendus le soir de l’incendie aux abords de la prison.

Après le sinistre, des ONG ainsi que les États-Unis et la France se sont dit inquiets pour les prisonniers, mais plusieurs détenus étrangers ont pu contacter leurs familles.

Parmi les étrangers à Evine figurent l’universitaire franco-iranienne Fariba Adelkhah et l’Américain Siamak Namazi, qui sont en sécurité.

Le militant du droit d’expression iranien Hossein Ronaghi a appelé sa mère depuis la prison, où il est détenu depuis septembre, et " pouvait à peine parler ", a écrit son frère Hassan sur Twitter. Sa famille affirme qu’il a subi de mauvais traitements.

En revanche, l’épouse du militant Majid Tavakoli, lui aussi arrêté récemment, a affirmé sur Twitter être sans nouvelles de lui depuis l’incendie.

" Vives préoccupations "

Selon un avocat iranien, Saeid Dehghan, 19 avocats qui voulaient défendre les personnes arrêtées durant les manifestations ont eux aussi été interpellés.

La vague de contestation en Iran est la plus importante depuis celle de 2019 contre la hausse du prix de l’essence dans ce pays.

Depuis le 16 septembre, les Iraniennes, beaucoup tête nue, ont été à l’avant-garde du mouvement. Dimanche encore, des femmes ont manifesté au Collège technique et professionnel Shariati de Téhéran, scandant " Nous sommes toutes Mahsa ", selon l’IHR.

 

Par ailleurs, la ville de Zahedan, dans la province du Sistan-Baloutchistan (sud-est), a été touchée par plusieurs jours de violences déclenchées le 30 septembre lors de manifestations contre le viol d’une jeune fille imputé à un policier, qui ont fait au moins 93 morts selon l’IHR.

Un Comité des Nations unies a de son côté appelé l’Iran à mettre fin aux " graves violations des droits de l’enfant " lors de la répression des manifestations.

Selon l’IHR, 27 enfants au total ont été tués dans les récentes violences à travers le pays.

Avec AFP