La répression continue de s’abattre avec une violence sans nom sur les manifestants en Iran, les autorités comptant sur les multiples condamnations à mort prononcées contre les " ennemis de la révolution " pour mettre fin au mouvement qui agite le pays depuis plusieurs mois. Dans un discours, le président iranien a réitéré cette intention, affirmant n’avoir " aucune pitié " envers ceux qui affichent leur hostilité à l’égard de la république islamique. 

Un Iranien s’est suicidé lundi en se jetant dans le Rhône à Lyon, afin, dit-il dans une vidéo posthume, d’attirer l’attention sur la situation de son pays secoué par des manifestations.

Au moins 100 Iraniens arrêtés durant plus de 100 jours de manifestations dans plusieurs villes iraniennes sont passibles de la peine de mort, a indiqué mardi Iran Human Rights (IHR), une ONG basée à Oslo.

L’Iran est secoué par des manifestations déclenchées par la mort le 16 septembre de Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans, décédée après son arrestation par la police des mœurs pour infraction au code vestimentaire strict de la République islamique.

L’Iran a exécuté ce mois-ci deux hommes en lien avec ces manifestations, dans une escalade de la répression exercée par les autorités qui, selon les militants, visent à semer la peur au sein de la population.

Dans un rapport publié mardi, l’IHR a identifié 100 détenus susceptibles d’être condamnés à la peine capitale, dont 13 déjà condamnés à mort. Il a noté que nombre d’entre eux avaient un accès limité à un avocat.

" En prononçant des condamnations à mort et en exécutant certains manifestants, elles (les autorités) veulent que les gens rentrent chez eux ", a déclaré le directeur de l’IHR, Mahmood Amiry-Moghaddam.

" Cela a eu un certain effet, (mais) ce que nous avons observé en général, c’est davantage de colère contre les autorités ", a-t-il déclaré à l’AFP, ajoutant que " leur stratégie de semer la peur avec les exécutions a échoué ".

Dans un bilan actualisé publié mardi, l’IHR a déclaré que 476 manifestants avaient été tués depuis mi-septembre.

Au moins 14 000 personnes ont été arrêtées depuis le début des protestations en Iran, avaient indiqué les Nations unies en novembre.

Majidreza Rahnavard, 23 ans, a été pendu en public le 12 décembre après avoir été condamné par un tribunal de Machhad (nord-est) pour avoir tué deux membres des forces de sécurité.

Quatre jours auparavant, Mohsen Shekari, également âgé de 23 ans, avait été exécuté pour avoir blessé un membre des forces de sécurité.

Le pouvoir judiciaire a indiqué que neuf autres personnes avaient été condamnées à mort en lien avec les manifestations, dont deux ont été autorisées à être rejugées.

Le père d’un des condamnés à mort Mohammad Ghodablou a appelé à la libération de son fils sur les réseaux sociaux.

" Mohammad n’avait jusqu’à présent aucun casier judiciaire ", a déclaré le père dans une vidéo diffusée cette semaine, affirmant qu’il souffrait d’un trouble mental.

Ghodablou, 22 ans, a été inculpé de " corruption sur terre " pour " avoir attaqué des policiers avec une voiture, ce qui a entraîné la mort d’un d’entre eux ".

Le site d’information Mizan Online du pouvoir judiciaire a rapporté lundi que Ghodablou avait subi une évaluation psychiatrique concluant qu’il " avait conscience de la nature de son crime ".

" Aucune pitié " 

Dans ce contexte de répression sauvage, le président iranien Ebrahim Raïssi a promis mardi de n’avoir " aucune pitié " envers ceux qui affichent leur hostilité à l’égard de la république islamique dans les manifestations déclenchées par la mort en détention de Mahsa Amini.

" Les hypocrites, les monarchistes, les courants contre-révolutionnaires et tous ceux qui ont été lésés par la révolution ont rejoint les manifestations ", a déclaré M. Raïssi à une foule massée devant l’Université de Téhéran pour un hommage à 200 soldats tués pendant la guerre Iran-Irak (1980-1988).

" Les bras de la nation sont ouverts à tous ceux qui ont été leurrés. Les jeunes sont nos enfants ", a-t-il dit, mais " nous n’aurons aucune pitié pour les éléments hostiles ".

Des responsables iraniens ont accusé les " ennemis " de la république islamique, comme les États-Unis et d’autres pays occidentaux, d’avoir suscité les manifestations.

" Si vous pensez atteindre vos objectifs en répandant des rumeurs et en divisant la société, vous vous trompez ", a lancé à ce sujet M. Raïssi. " Vous voulez nous tromper, mais nous vous connaissons et nous connaissons aussi notre nation ".

Les responsables iraniens affirment que des centaines de personnes ont été tuées, dont des dizaines de membres du personnel de sécurité, tandis que des milliers ont été arrêtées durant les manifestations au cours desquelles femmes et jeunes jouent un rôle prépondérant.

Suicide contestataire à Lyon 

 

" Quand vous regarderez cette vidéo, je serai mort ": un Iranien s’est suicidé lundi en se jetant dans le fleuve du Rhône à Lyon, dans le sud-est de la France, afin, dit-il dans une vidéo posthume, d’attirer l’attention sur la situation de son pays.

L’Iranien a été retrouvé noyé, lundi en fin de journée, a indiqué la police à l’AFP, confirmant une information du journal local Le Progrès.

L’homme, âgé de 38 ans selon sa vidéo, n’a pas pu être ranimé malgré l’intervention des pompiers, qui l’ont ramené sur la berge, a-t-on appris de mêmes sources.

" La police attaque les gens, on a perdu beaucoup de fils et de filles, on doit faire quelque chose ", affirme d’une voix calme l’homme dans sa vidéo postée sur plusieurs réseaux sociaux avant de commettre l’irréparable.

" J’ai décidé de me suicider dans le fleuve Rhône, c’est un challenge pour montrer que nous, peuple iranien, nous sommes très fatigués de cette situation " annonce-t-il.

" Quand vous regarderez cette vidéo, je serai mort ", poursuit-il, avant d’appeler à soutenir le peuple iranien dans sa lutte contre " des policiers et un gouvernement extrêmement violents ".

Des appels à un rassemblement mardi en fin d’après-midi dans le centre-ville de Lyon, pour lui rendre hommage, ont été lancés sur les réseaux sociaux.

Avec AFP