Le conflit en cours entre Israël et le Hamas fait plus que jamais peser la crainte d’un embrasement régional, menace régulièrement agitée par l’Iran par le biais de ses relais d’influence à travers le Moyen-Orient.  Tour d’horizon des principaux groupes de la nébuleuse contrôlée par Téhéran, ainsi que des points chauds actuels.

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammed Amir Abdollahian, a évoqué à maintes reprises récemment " une unification des fronts ". Depuis le début de la guerre à Gaza le 7 octobre, il a clairement mis en avant le fait que l’Iran serait disposé à ouvrir tous les fronts face à Israël et aux États-Unis. Du Liban jusqu’au Yémen, un " croissant chiite " rassemble les alliés de Téhéran qui seraient prêts à ouvrir un front commun contre le bloc israélo-américain.

Quelles sont les composantes de l’autoproclamé " l’axe de la résistance "? Et selon quelles modalités se rallieraient-elles contre Israël dans le contexte actuel?

Répartition et effectifs des principaux groupes entraînés par la force al-Quds, la force d’action extérieure du Corps des gardiens de la révolution islamique, l’armée idéologique de l’Iran.
Un contrôle centralisé

" L’axe de la résistance ", selon les termes de l’Iran, ou " l’axe du Mal ", selon les États-Unis, est constitué d’une chaîne d’alliances solidement implantées sur le territoire moyen-oriental. Autrement dit, il s’agit d’une sorte de coalition informelle menée par la République Islamique d’Iran.

Celle-ci unifie l’ensemble de ces acteurs " subétatiques " par une vision anti-occidentale et anti-israélienne. L’objectif global de ce système d’alliance est d’étendre l’influence de Téhéran, notamment face aux États-Unis, Israël et leurs alliés dans la région.

La Force al-Quds constitue le principal outil d’influence de Téhéran à ce niveau. Il s’agit de l’une des branches des Gardiens de la révolution Islamique, force paramilitaire et idéologique répondant uniquement au Guide suprême de l’Iran, Ali Khamenei, dont la puissance dépasse celle de l’armée iranienne. Centrée sur les opérations extérieures, elle fournit leadership, formation, conseils, de même qu’armement et ressources financières aux alliés de l’Iran.

Si l’on prend uniquement en considération ses effectifs, estimés à près de 15.000 hommes, la Force al-Quds ne semble pas très puissante à première vue. Sa véritable force réside dans sa gestion des organisations alliées, qui constituent des forces de combat transnationales hors du territoire iranien, chacune pouvant être mobilisée pour soutenir les intérêts de Téhéran sur un autre théâtre.

Des partisans du Hezbollah brandissent ses drapeaux à côté de ceux de l’Iran et de la Palestine, lors d’une manifestation anti-israélienne dans la région de Khiam, au sud de la frontière avec Israël, face à la ville de Metula, au nord d’Israël, le 14 mai 2021. (Photo Mahmoud ZAYYAT / AFP)

Au Liban, l’influence iranienne s’incarne avant tout dans le Hezbollah, parti chiite et groupe paramilitaire dont la création en 1982 a été parrainée par Téhéran. Celui-ci y opère tout en faisant face à l’opposition farouche de tout un pan de l’échiquier politique libanais à l’Iran.

Le pays du Cèdre représente un point particulièrement stratégique pour le régime des mollahs, puisqu’il se situe dans une proximité immédiate avec l’État hébreu et représente la porte de l’Iran sur la Méditerranée, bien avant que ce pays s’implique dans la guerre en Syrie, à partir de 2011.

En raison de son implication dans ce conflit aux côtés du régime de Bachar al-Assad, le Hezbollah a acquis non seulement des équipements avancés via la force al-Quds, notamment en termes de missiles, mais aussi une précieuse expérience en matière de combat.

En Irak, le Hachd Al-Chaabi assume le rôle de relais iranien. Créée en 2014 pour faire face à l’avancée de Daech, cette organisation regroupe alors les nombreuses milices et formations paramilitaires engagées contre le groupe jihadiste, dont la majorité est inféodée à Téhéran.

L’Irak permet ainsi de développer la continuité territoriale du " croissant chiite ", offrant le lien entre la Syrie et le Liban d’un côté, et l’Iran de l’autre.

Un partisan du Hachd al-Shaabi, un réseau paramilitaire irakien dominé par des factions soutenues par l’Iran, brandit le drapeau du Hashed lors d’une manifestation dénonçant les commentaires de l’ex-ministre kurde et pour montrer leur soutien au réseau paramilitaire dans la ville de Basra, dans le sud de l’Irak, le 17 octobre 2020. (Photo Hussein FALEH / AFP)

La construction d’un chemin de fer à partir de la ville de Bassora le 2 septembre 2023 illustre cette volonté géopolitique. Dans ce cadre, le Hachd permet non seulement d’assurer la sécurité des axes de communication, mais fait également planer une menace constante pour les intérêts des rivaux de Téhéran, à l’image des bases américaines implantées dans le nord du pays.

Au Yémen, les Houthis constituent un autre important allié iranien, bien que plus récent. Dans un pays affaibli par la guerre civile, ceux-ci sont parvenus à mettre en place une organisation dotée de moyens conséquents, avec l’appui de la Force al-Quds, tels que l’acquisition de missiles balistiques et même d’avions de combat.

Grâce à cet arsenal, les Houthis ont notamment pu frapper des cibles aux Émirats arabes unis en janvier 2022, en réaction à l’engagement d’Abu Dhabi aux côtés de l’Arabie saoudite au Yémen.

Des soldats houthis montent la garde sur un porte-missiles lors d’un défilé militaire officiel marquant le neuvième anniversaire de la prise de contrôle de la capitale, Sanaa, par les Houthis, le 21 septembre 2023. (Photo MOHAMMED HUWAIS / AFP)

En territoire palestinien, l’Iran soutient les Brigades al-Qassam, aile militaire du Hamas, ainsi que plusieurs autres groupes tels que les Brigades des martyrs d’al-Aqsa ou le Jihad islamique.

L’assistance de Téhéran se traduit notamment par des livraisons d’armements doublées d’une assistance technique, donnant aux groupes en question la capacité de construire et mettre en œuvre leur propre armement avec les ressources disponibles.

Enfin, les milices chiites en Syrie complètent ce tableau régional, en raison du fait que l’Iran est un indéfectible soutien pour le régime de Bachar el-Assad.

Ces milices regroupent des troupes recrutées au sein des minorités chiites afghanes et pakistanaises: la première au sein du groupe Liwa Fatemiyoun, et Liwa Zaynebiyoun pour le second. Des membres d’autres milices en Irak, au Yémen, au Liban et dans les territoires palestiniens renforcent aussi les effectifs iraniens en Syrie.

Un combattant palestinien des Brigades al-Qassam, la branche armée du mouvement Hamas, participe à un défilé militaire pour marquer l’anniversaire de la guerre de 2014 avec Israël, près de la frontière dans le centre de la bande de Gaza, le 19 juillet 2023. (Photo Mahmud HAMS / AFP)
Une mobilisation régionale en vue ?

La guerre de Gaza déclenchée le 7 octobre 2023, à la suite de l’opération " Déluge d’Al-Aqsa " lancée par le Hamas contre Israël, met le monde entier au garde-à vous.

Une question tourne en boucle: l’Iran va-t-il réellement activer son réseau régional de forces militaires et unifier les fronts de l’axe de la résistance face à l’alliance israélo-américaine?

Le Hezbollah libanais semble jusque-là se contenter de faire diversion par le biais de quelques opérations militaires afin de garder l’armée israélienne mobilisée à la frontière nord avec le Liban.

Des jeunes Palestiniens de différentes factions participent à un défilé militaire dans le camp de réfugiés de Yarmuk, dans le sud de Damas, le 14 avril 2023, à l’occasion de la Journée d’Al-Quds (Jérusalem), une journée commémorative de soutien au peuple palestinien organisée chaque année le dernier vendredi du mois de jeûne musulman du Ramadan, à l’initiative du défunt fondateur de la République islamique d’Iran. (Photo LOUAI BESHARA / AFP)

Par ailleurs, de nouveaux points de tension ont émergé cette semaine dans les autres pays du de la région où sont présents les groupes affiliés à Téhéran.

Dans le nord-est de la Syrie contrôlé par les Kurdes, des groupes soutenus par l’Iran ont saboté jeudi un gazoduc, à proximité d’une base américaine, selon les informations rapportées par l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).

Parallèlement, un destroyer américain déployé dans le nord de la mer Rouge a abattu jeudi trois missiles sol-sol et plusieurs drones, qui étaient potentiellement en route vers des cibles en Israël et avaient été lancés par les rebelles houthis au Yémen, selon une déclaration du Pentagone.

Cette photo d’archives de l’US Navy obtenue le 24 juin 2020 montre un destroyer lance-missiles de classe Arleigh Burke quittant Safaga, en Égypte, après une visite portuaire, le 20 juillet 2019. (Photo William HARDY / Navy Office of Information / AFP)

En Irak, plusieurs attaques contre des troupes américaines ont été rapportées par l’AFP, et ce, mercredi, jeudi et vendredi.

En outre, des factions pro-iraniennes, qui soutiennent le Hamas et ne reconnaissent pas l’État d’Israël, ont proféré récemment des menaces à l’encontre des États-Unis. Les Brigades du Hezbollah, par exemple, ont demandé le retrait des forces américaines d’Irak.

Pendant ce temps, des combattants irakiens auraient commencé à se diriger vers la frontière entre l’Irak et la Jordanie. Selon des sources citées par des médias proches du Hezbollah, cette démarche s’inscrit dans un cadre " organisé " et le nombre des éléments mobilisés pourrait atteindre des dizaines de milliers au cours des prochains jours.