L'Iran a freiné la normalisation israélo-saoudienne et Israël retarde un accord américano-iranien
Israël poursuit ses raids contre des objectifs du Hezbollah pour neutraliser ce bras armé de l'Iran. ©Ici Beyrouth

La riposte israélienne à la frappe iranienne sera-t-elle mesurée et ciblée comme l’a été l’offensive iranienne sur Israël? Tel-Aviv acceptera-t-il les limites imposées par Washington et ne visera-t-il pas les installations nucléaires iraniennes? 

Le conflit entre Israël et l'Iran se déroule comme on le sait, par procuration dans la région. Mais tout comme l’Iran a réussi, le 7 octobre 2023, à barrer la voie à une normalisation des relations entre Riyad et Tel-Aviv, à travers l’opération "Déluge d’Al-Aqsa" lancée ce jour-là par le Hamas, contre Israël, l’État hébreu a réussi, à son tour, à retarder un accord américano-iranien en lançant son offensive élargie contre le Liban, le 27 septembre dernier.

Téhéran a commencé à paver la voie à cet accord lorsqu’il a facilité l’accession de réformistes au pouvoir, ce que l’administration du président américain, Joe Biden, a accueilli avec bienveillance.

Ce jeu n’a pas échappé au Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, qui a réalisé que l'Iran, à travers ses nouvelles orientations, voulait se rapprocher de l'administration Biden, qui souhaitait à son tour exploiter cette dynamique à des fins électorales. Joe Biden estime que ce rapprochement sera à l’avantage de la candidate de son parti à la présidentielle de novembre, Kamala Harris, s’il obtient de l’Iran des concessions qui réduiraient son ingérence dans les affaires intérieures des pays de la région, et s’il barre la voie au soutien militaire et financier à ses bras armés régionaux, dont le rôle serait réduit à néant.

Une telle dynamique accentuerait, selon lui, les chances de Kamala Harris d’accéder à la Maison Blanche et permettrait à cette derrière, une fois au pouvoir, de redonner vie à l’accord avec Téhéran sur le nucléaire et de débloquer les avoirs iraniens gelés. Ces deux éléments sont toujours d’une importance cruciale pour la République islamique, mais sont mal vus par Tel-Aviv dont les relations avec l’administration Biden s’étaient de ce fait dégradées.

Les rapports entre Benjamin Netanyahou et Joe Biden sont tendus depuis que ce dernier a pris le pouvoir, contrairement à ce qu’ils devraient l’être normalement entre deux États alliés.

L’administration Biden a essayé plus d’une fois de se débarrasser du gouvernement de Netanyahou au profit d’une équipe plus modérée, en montant l’opposition et d’autres forces politiques israéliennes contre lui.  

Israël a appris par ses canaux diplomatiques que les négociations pour un accord sur le nucléaire progressent avec l’Iran qui a accepté de mettre fin au rôle jusque-là assumé par ses bras armés dans la région, afin de pouvoir avancer dans ses pourparlers avec Washington.

Parallèlement, des changements sont intervenus en Iran où les réformistes essaient de réduire l’influence du Corps des gardiens de la révolution qui contrôle aujourd’hui le pouvoir.

Les récentes déclarations de responsables iraniens révèlent une fracture entre le guide suprême et les réformistes, suggérant que l'Iran pourrait pratiquer la «tâqiyya» (dissimulation stratégique d’infos ou de vérités).

Récemment, le président iranien, Massoud Pezeshkian, a affirmé: «Nous ne sommes pas hostiles à l'Amérique. Elle devrait cesser de l’être avec nous et faire preuve de bonne volonté concrètement. Nous sommes les frères des Américains», alors que le guide suprême de la révolution, Ali Khameni continuait de nommer les États-Unis le «Grand Satan».

Aussi, Israël a-t-il vu dans l'opération Déluge d'Al-Aqsa une occasion stratégique pour éliminer militairement le Hamas et détruire Gaza, afin d'imposer ses propres conditions pour un retrait. Il poursuit actuellement la même stratégie avec le Hezbollah, mais dans le cadre d’un plan plus large visant à réduire l'influence de l'Iran dans la région, en brisant ses bras armés.

Parallèlement, Benjamin Netanyahou mise sur un éventuel retour de Donald Trump à la Maison Blanche pour atteindre ses objectifs, tandis que l'Iran place ses espoirs dans une victoire de Kamala Harris pour concrétiser un accord de partage d’influences.

La région est entrée de ce fait, de plain-pied, dans une nouvelle phase en vue d’un grand règlement. Des efforts sont cependant menés afin de réduire le délai pour y arriver.

La dynamique diplomatique lancée pour accélérer un cessez-le-feu à Gaza et au Liban va dans ce sens. La visite du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, au Liban, reflète le désir de Paris, avec le soutien de la communauté internationale, de hâter une solution fondée sur la proposition franco-américaine de règlement pour le Liban. Celle-ci repose, rappelle-t-on, sur l’élection d’un président consensuel qui veillerait à l’application de la résolution 1701 du Conseil de sécurité et dynamiserait les institutions libanaises en restituant à la Constitution ses lettres de noblesse.

Cependant, pour Benjamin Netanyahou, la priorité reste des garanties pour la sécurité des habitants du nord d’Israël qu’il veut ramener chez eux. Il reste aussi déterminé à riposter à la récente frappe iranienne alors que Téhéran demeure engagé dans la confrontation, comme l’ont annoncé récemment Ali Khamenei, puis le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, en visite à Beyrouth. «L'Iran soutient le Hezbollah et les chiites, et il est du devoir du Liban d’appuyer Gaza. Il n’y aura pas de cessez-le-feu tant qu'il n'y en aura pas à Gaza», avait-il déclaré dans la capitale libanaise sans égard pour les autorités locales.

Face à toutes ces données, il est clair que la région est engagée dans une nouvelle voie qui devrait mettre fin à «l’exportation de la révolution islamique» vers d’autres pays du Moyen-Orient. En d’autres termes, cette étape serait marquée par la fin des armes illégales imposées au service du projet iranien, dans les pays que la République islamique a inclus dans son «axe de la résistance».

Téhéran et Tel-Aviv sont ainsi engagés aujourd’hui, sur le sol libanais, dans un bras de fer autour du rôle que chacun aura dans le cadre du règlement à venir. Les deux évitent de provoquer une guerre généralisée, dans cette même perspective.

Entretemps, Washington continue d’œuvrer pour la mise en place, en Israël, d’un gouvernement centriste qui ferait écho aux réformateurs en Iran, dans l’optique d'un accord américano-israélo-irano-saoudien, anticipant ainsi un nouveau Moyen-Orient.

Cette dynamique est associée d’une autre, à Beyrouth, où le Quintette (États-Unis, France, Arabie saoudite, Égypte et Qatar) s’active pour élire un président de la République.

Commentaires
  • Aucun commentaire