Guerre au Liban: où en sont les efforts diplomatiques?
©Ici Beyrouth

“Nous allons changer le Moyen-Orient.” Ces propos tenus par le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, deux jours après l’offensive du 7 octobre 2023, semblent se concrétiser.

Malgré l’intensification des efforts diplomatiques visant à mettre fin à la guerre au Liban et à Gaza, l’heure serait, aujourd’hui, à une solution radicale. Après avoir accumulé les échecs depuis le début du conflit, le 7 octobre 2023, les voies diplomatiques peuvent-elles encore aboutir? Jusqu’où irait Netanyahou dans ses objectifs de guerre?

Au Liban, comme à Gaza, les tentatives de mettre fin à la guerre se heurtent, certes, à des défis internes et externes, mais aussi et surtout à la volonté ferme du Premier ministre israélien d’en finir avec les proxies de l’Iran.

Lundi, au premier anniversaire de l'attaque sans précédent du Hamas contre l'État hébreu, le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, a annoncé dans un communiqué: “Nous sommes profondément engagés à continuer de prendre toutes les mesures nécessaires pour vaincre nos ennemis et défendre notre patrie”. De son côté, le président israélien, Isaac Herzog, a appelé le monde entier à “soutenir Israël dans son combat contre ses ennemis”.

En visite en Israël après des entretiens, la semaine dernière, à Beyrouth, et dans une tentative de remettre les pendules à l’heure après l’appel du président français, Emmanuel Macron, à suspendre les livraisons d’armes à Tel Aviv, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot a souligné l’attachement indéfectible de la France à l’État hébreu. Il a aussi accusé le Hezbollah d’être responsable de la guerre qui détruit actuellement le Liban.

Quant à la formation pro-iranienne, elle assure vouloir continuer à “combattre l’agression israélienne” et “éliminer l’entité cancéreuse” que représente Israël pour elle, comme annoncé lundi matin dans un communiqué.

Traditionnellement impliquées dans les médiations au Moyen-Orient, les Nations unies cherchent sans succès à établir une sorte de dialogue entre Israël et le Hezbollah, tout en essayant de renforcer la capacité de l’État libanais à imposer son autorité sur l’ensemble de son territoire.

Les acteurs internationaux comme les États-Unis et la France, qui ont des intérêts stratégiques au Liban, continuent d’exercer des pressions pour un cessez-le-feu. Parallèlement, des puissances régionales, comme l’Iran et l’Arabie saoudite, jouent un rôle déterminant dans les négociations, bien que leurs rivalités historiques compliquent tout processus diplomatique. Sur le terrain, renforcer les capacités de la Finul devient une priorité, surtout que cette force de maintien de la paix se retrouve souvent dépassée par les tensions croissantes et les combats intenses au Liban-Sud.

“Nous entrons en zone inconnue. Aujourd’hui, les logiques de négociations semblent devenues caduques, même si l’on feint de croire encore à une possible issue diplomatique”, affirme David Rigoulet-Roze, consultant en relations internationales, spécialiste de la région du Moyen-Orient et rédacteur en chef de la revue Orients stratégiques.

D’après lui, c’était après la proposition d’un plan français en février dernier qu’il aurait fallu saisir la possibilité d’une option diplomatique. Il s’agissait alors d’un plan en trois étapes pour une désescalade au Liban-Sud qu’avait remis le ministre français des Affaires étrangères de l’époque, Stéphane Séjourné, aux autorités libanaises, lors de sa visite à Beyrouth.

La France appelait, en vertu de cette feuille de route, à la cessation des hostilités entre le Hezbollah et Israël, à un retrait du Hezbollah d’au moins 10 km au nord de la Ligne bleue (une distance qui est largement inférieure à celle voulue par les Israéliens, au déploiement de 15.000 soldats au sud du Litani, conformément à la résolution 1701 du Conseil de sécurité pour aboutir à des négociations sur un tracé de la frontière terrestre et la création d’une zone tampon entre la ligne bleue et le Litani. “Une proposition que le Hezbollah avait refusé de valider. Avec Téhéran, il a peut-être commis une erreur de calcul, d’où le résultat actuel”, se désole M. Rigoulet-Roze, qui rappelle que les Israéliens ont à maintes reprises mis en garde contre l’éventualité d’une opération militaire au fur et à mesure qu’une option diplomatique tardait.

Qualifiant de “très incertains” les efforts diplomatiques à l’heure actuelle, le chercheur associé à l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris) signale que les Israéliens veulent désormais “écraser le Hezbollah, en détruisant sa structure politico-militaire et en éliminant toute personne pressentie pour en reprendre les rênes (après la mort du secrétaire général de la formation pro-iranienne, Hassan Nasrallah, le 27 septembre dernier, ndlr)”.

«Après le 7 octobre, toutes les règles semblent avoir changé et c’est à partir de là qu’il faut comprendre l’évolution de la situation», insiste-t-il..

À cette thèse, adhère Fadi Assaf, cofondateur de Middle East Strategic Perspectives, spécialisé dans les affaires internationales, la défense et la sécurité, notamment au Moyen-Orient. «Aujourd’hui, le contexte n’est toujours pas propice à un effort diplomatique. D’un côté, Israël est persuadé qu’il peut encore marquer des points en poursuivant son offensive militaire, à la faveur de la fenêtre de tirs que lui offre notamment la parenthèse présidentielle à Washington. De l’autre, le Hezbollah se dit confiant en ses capacités à tenir encore face à Israël, pour garantir à son camp un positionnement plus favorable sur la table des négociations», indique-t-il.  

Cela signifie-t-il que les efforts diplomatiques doivent être écartés en attendant que l’issue des affrontements détermine les contours d’arrangements politiques? «Au contraire, c’est un processus qui doit accompagner les combats pour permettre de recentrer en permanence les propositions diplomatiques à la lumière des évolutions militaires et de préserver des rapports constructifs avec les protagonistes pour permettre de passer, le moment venu, à la phase des arrangements», précise-t-il, avant de noter que «les aides humanitaires font également partie de ce processus».

Quid des pays arabes? «Même lorsqu’ils se font discrets, les pays arabes ne sont jamais loin», estime M. Assaf. Il explique à cet égard que ces derniers choisissent aujourd’hui “de fournir des aides d’urgence, tout en s’activant diplomatiquement, comme c’est notamment le cas de l’Arabie saoudite et du Qatar”. Selon lui, “ils se préparent pour le jour d’après, au Liban comme à Gaza, tout en cherchant activement à se soustraire au risque de se retrouver pris entre deux feux dans l’hypothèse d’une confrontation générale entre l’Iran et Israël”.

En d’autres termes, s’ils restent discrets sur le Liban, malgré les condamnations verbales et la solidarité de principe. Ce serait plutôt “par manque de visibilité et par souci de préserver un minimum de neutralité”, souligne l’expert.

Et, d’ajouter: “Ces pays restent mobilisés pour le Liban et ne manqueront pas de s’impliquer plus ouvertement lorsque le temps des grands arrangements aura sonné, surtout qu’il y va de leurs propres intérêts.”

Riposte israélienne

Si pour de nombreux observateurs, la riposte israélienne à l’attaque aux missiles de l’Iran, le 1er octobre dernier pour venger la mort des chefs du Hezbollah et du Hamas sera déterminante dans le contexte actuel, M. Rigoulet-Roze écarte a priori la possibilité que les sites nucléaires iraniens soient touchés. «La réponse de Tel-Aviv se voudra sévère, mais n’aurait pas pour cible, dans un premier temps, les sites nucléaires, surtout après le veto implicite des États-Unis concernant cette éventualité», suppose le chercheur. Il ajoute: «En tout état de cause, bombarder les sites nucléaires n’arrêterait pas le programme iranien, a fortiori lorsque l’on sait que pour atteindre les sites en profondeur, cela implique le recours à des armes (des GBU 57-A, bombes anti-bunker qui vont à 60 m de profondeur) que seuls les États-Unis possèdent». «Les Israéliens ne peuvent attaquer ces sites qu’en surface avec les moyens dont ils disposent», poursuit-il.

L’Iran se surestimerait-il?

À l’heure où les efforts diplomatiques pour un cessez-le-feu au Liban sont au cœur des préoccupations internationales dans le contexte d’un conflit complexe et prolongé, ce serait, selon M. Assaf, la position de l’Iran qui interpelle aujourd’hui. Le déplacement à Beyrouth vendredi du ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, montre «la détermination de Téhéran à repêcher le Hezbollah et à empêcher les autres composantes politiques libanaises de négocier, en son absence, l’application de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies».

M. Assaf considère, dans ce sens, que l’Iran “entend piloter par lui-même les négociations au nom du Hezbollah et du Liban”. Pour ce faire, Téhéran tenterait, d’après lui, de “bloquer les négociations diplomatiques en cours, pousser le Hezbollah à jouer le tout pour le tout sur le front terrestre et espérer améliorer le positionnement de Téhéran lors de négociations futures”. Un scénario perdant-perdant pour le Liban.  

 

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