Avec les coups répétés infligés par Israël au Hezbollah pro-iranien, le Liban est pris en étau entre Washington et ses alliés d’une part et Téhéran d’autre part, estiment des experts. Les premiers tentent d'y imposer une nouvelle donne et le second y exerce sa résistance.
"C'est un bras de fer entre l'Iran" d'un côté "et les États-Unis et Israël" de l'autre, estime Michael Young, du centre Carnegie pour le Moyen-Orient.
"Les Israéliens et les Américains essayent d'utiliser la force militaire pour transformer l'équilibre des forces au Liban à leur avantage. Et rien ne montre que les Iraniens vont l'accepter sans se battre", poursuit-il.
Le Hezbollah avait ouvert le front avec Israël il y a un an pour soutenir le Hamas palestinien dans sa guerre contre Israël à Gaza, tout en tentant de contenir le niveau de violence.
Mais les affrontements ont tourné à la guerre ouverte en septembre et, désormais, l'avenir de la puissante formation armée et financée par l'Iran est en jeu.
"Équilibre"
Le 11 octobre, le secrétaire d'État américain, Antony Blinken, a estimé que le peuple libanais avait "grand intérêt à ce que son État prenne la responsabilité du pays".
Quelques jours plus tôt, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, appelait les Libanais à "sauver" leur pays en le libérant "du Hezbollah", les menaçant en cas contraire de connaître le sort de Gaza.
"Les États-Unis aimeraient certainement voir un affaiblissement du Hezbollah, peut-être même le désarmement du groupe, mais ils redoutent qu’Israël aille trop loin dans sa campagne militaire", explique Kim Ghattas, auteure d'un ouvrage de référence sur le Moyen-Orient, Black Wave.
Alors que le Premier ministre libanais sortant, Najib Mikati, évitait jusqu'à présent de critiquer Téhéran, il a pour la première fois, vendredi, dénoncé "l'ingérence flagrante" de l'Iran et convoqué son chargé d'affaires.
Le chef de la diplomatie iranienne, Abbas Araghchi, puis le président du Parlement iranien, Mohammad-Bagher Ghalibaf, s'étaient rendus, plus tôt en octobre, à Beyrouth pour afficher leur soutien au Hezbollah.
La détermination affichée de l'Iran de lier tout cessez-le-feu au Liban à un arrêt des combats à Gaza a irrité Beyrouth, selon un responsable ayant requis l'anonymat.
"L'Iran veut préserver ce qui reste de ses avoirs au Liban et assurer la survie du régime, explique Kim Ghattas. Il doit donc trouver un équilibre: continuer à soutenir le Hezbollah tout en signalant qu'il est prêt pour la diplomatie".
Le Hezbollah a dit jeudi être entré dans une "phase d'escalade" avec Israël, alors que l'Iran se prépare à une riposte d'Israël à son attaque aux missiles du 1er octobre.
"Le Liban a payé et paie encore une facture élevée pour les conflits étrangers", a déploré vendredi M. Mikati, appelant au cessez-le-feu.
"Leçons du passé"
À la tête d'un gouvernement démissionnaire, Najib Mikati dirige de facto le pays depuis deux ans, les dissensions entre le Hezbollah et ses adversaires empêchant l'élection d'un président.
Il a affirmé mardi à l'AFP que "des efforts sérieux" étaient en cours pour cette élection, allant dans le sens des appels des États-Unis et d'autres pays.
Plusieurs chefs politiques ont appuyé les appels à une élection présidentielle tout en appelant à faire prévaloir l'unité nationale. Ils s’efforcent d’éviter de donner l'impression de vouloir profiter de l'affaiblissement du Hezbollah alors que les tensions communautaires sont vives.
"Je crois que les parties libanaises hostiles au Hezbollah ne veulent pas provoquer la communauté chiite, qui se sent déjà humiliée, en colère et isolée, souligne Michael Young. Et qui, ne l'oublions pas, est armée".
Le Hezbollah est la seule formation à avoir gardé ses armes après la fin de la guerre civile.
Pour Kim Ghattas, "il semble que les politiciens ont tiré les leçons du passé".
Car l'invasion israélienne de 1982 reste dans les esprits, quand l'armée israélienne avait délogé l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et voulu modifier l'équilibre des forces dans le pays.
Avec Acil TABBARA / AFP
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